Chapitre 6.2

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— Unité armée en contrebas, passe pas par-là, Souris, tu vas te faire atomiser.

Margaux se tourna, les sourcils froncés. Elle avait retrouvé son compagnon de voyage quelques minutes plus tôt près de l'Intersol en compagnie de deux utopistes particulièrement méfiante, mais si le trajet aller semblait s'être bien déroulé, le trajet de retour s'annonçait plus délicat. Elle baissa les yeux vers les troupes agitées trois passerelles en-dessous d'eux, puis les leva vers Tempo dont la crinière frisée s'agitait au rythme de ses mouvements de tête et des courants d'air qui circulaient entre les tours. Les mains glissées dans les poches de son gilet rapiécé, il se balançait d'un pied à l'autre, suivant la mélodie qui résonnait dans son casque audio dépassé. La jeune femme ignorait comment il avait eu le temps de les percevoir, mais il venait peut-être de leur éviter un désagrément supplémentaire.

Elle contrôla sa carte holographique et modifia leur itinéraire. Jane répondit par l'affirmative à sa demande virtuelle. Elles se retrouveraient à la station d'après.

— On passe à Tchwane, déclara-t-elle, c'est plus sûr.

— Ouep.

Margaux fit un mouvement de la tête pour inviter les deux femmes derrière elle à la suivre, tandis que Tempo se hissait sur le garde-corps de la passerelle pour continuer le trajet en équilibre. La vue dégagée sur les connexions entre tours, les unités, les passants et le vide profond qui plongeait à même le sol naturel, il aligna un pas devant l'autre en chantonnant, sauta sur le côté, attrapa la passerelle et se glissa sous l'autre pour devancer sa guide, surprise. Elle secoua la tête, dépitée, et s'engagea dans la rue qui séparait la Périphérie des quartiers externes du dôme 3.

— T'es pire que ma copine... souffla-t-elle. Essaie de pas crever en chemin, Kian m'en voudrait.

— Un transporteur est bien plus dangereux qu'un saut dans le vide, crois-moi, répondit Tempo. Trois temps, tu passes. Quatre, tu meurs. Les passerelles, elles te donnent un millier de possibilités.

— Elles sont beaucoup plus hautes que les nôtres, quand même, souligna Melo en se penchant vers le vide. Vous avez combien d'étages ?

— Neuf en souterrains, soixante au niveau zéro, quarante-cinq au niveau 1, trente au niveau 2, compta Tempo en tendant ses doigts. Cent quarante-quatre entrecoupé de trois planchers. Mais d'après Kian, t'as plus de chances de survivre au niveau 0 qu'aux autres niveaux, t'as plus de passerelles. Là-haut, tu tombes, tu crèves.

— Génial... marmonna l'utopiste, peu confiante.

Margaux se tourna vers l'Exécuteur incinérateur, curieuse. Il en savait plus qu'elle, en grande partie parce qu'il avait côtoyé Kian depuis plus longtemps, mais cette perspective la rendait plus mal à l'aise que confiante.

Depuis que Kian leur avait demandé d'aller chercher ses quatre sources pour appuyer la stratégie d'attaque d'Errol, la jeune femme se sentait inconfortable. Savoir qu'elle devait faire entrer dans Nwelwe cinq étrangers alors même qu'une grande partie du dôme était à leur recherche ne l'enchantait pas, mais qu'ils en sachent presque plus qu'elle sur son terrain de jeu encore moins. Tempo et les deux utopistes n'appartenaient pas aux dômes à proprement parler, l'un était un prisonnier condamné à l'incinération des matériaux de recyclage pour poursuivre sa vie, les deux autres des cibles à abattre par l'armée. Ils connaissaient un pan des capitales-monde dont elle n'avait presque jamais entendu parler, mais ils connaissaient leur ennemi assez bien pour savoir quand s'en méfier.

Seulement, Kian lui avait assuré qu'il leur confierait sa vie s'il le fallait, et bien qu'elle peine encore à le cerner, elle lui faisait suffisamment confiance pour passer outre ses réserves.

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant