La Fourmi Fantôme

Chapitre 18.1

« Rapport d'observation N°H-51 – Sommet du Corps d'Avenir – Aile d'étude des Hyperspécialisations :
L'étude des pressions a montré une stabilité plus longue dans le temps. Il est à noter qu'une séance de pressions profondes réduit l'anxiété du sujet et favorise sa concentration.
Temps physique perdu : 30min.

Temps gagné estimé : 4 à 12h.
Ratio gagnant : 3h30 à 11h30. »

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Ayana avait perturbé leurs plans un moment durant, sans que ni l'unité 8 ni l'unité de soutien parvienne à se décider sur la suite. Néanmoins, tous étaient parvenus à la même conclusion : Ayana leur avait permis de faciliter la première étape de leur plan et méritait au moins le bénéfice de du doute.

Les deux groupes avaient abandonné le poste de contrôle pour se hisser au niveau 1 dans le plus total anonymat. Leur armement glissé sous des vêtements plus soignés, ils avaient suivi le logiciel de Kian jusqu'à trouver un open-space aussi grand que les plus luxueux bar du niveau 0. Vitré sur l'ensemble de ses murs, il accueillait des dizaines de sofa confortables séparés d'autres par une paroi résineuse que ni le son ni l'image ne traversait. Les alcôves abritaient les travailleurs venus profiter d'un peu de repos ou de bon temps, à l'abri des regards. Une connexion réseau digne, des assises assez fermes pour les soutenir et l'accès à un large choix de repas et de boissons pour recharger ses batteries, il y avait de quoi contenter une centaine de privilégiés aux demandes précises sans nul effort.

Durant leurs premiers pas, les membres de Nwelwe s'étaient sentis à la fois intimidés et trahis. Alors que le niveau 0 sombrait dans l'abandon et la colère, le niveau 1 jouissait d'une aise à des années lumières de la leur, perdu dans un idylle qui encourageait les plus téméraires à œuvrer au bon fonctionnement du dôme tandis que la génération d'après se formait dans leurs institut privés. Après presque une heure à se déplacer en son sein, ils se sentaient finalement comme de simple étrangers, des intrus dans un monde qui s'était toujours protégé d'eux.

— C'est quoi ce délire... murmura Margaux tandis qu'un couple d'Exécuteurs en chef passait à côté d'eux, leurs visages reconstitués à partir de matériaux rares sensoriels introuvables dans les étages inférieurs.

Kian s'arrêta devant l'alcôve renseigné par Ayana. Ses portes s'ouvrirent. Ses compagnons pénétrèrent, méfiants, et s'installèrent un à un. L'Hyperspécialiste, lui, les suivit une fois son hésitation passée. Il avait l'impression d'entrer dans un endroit qui ne l'avait pas demandé. Il s'assit sur un fauteuil, ramena ses jambes contre lui et fixa le sol, son pouce grattant nerveusement son poignet. Il ne suffit que de quelques secondes avant que les portes s'ouvrent de nouveau. Par réflexe, les deux unités portèrent leur main à leurs armes, prêts à se défendre, mais la silhouette d'Ayana se dévoila à eux, aussi simple et immaculée que tous les occupants du niveau 1 qu'ils avaient rencontrés jusqu'alors. Son long manteau blanc pendant autour de ses jambes et son ordinateur en main, elle les dévisagea de ses yeux noirs, interloqués, avant de forcer un signe de rédition. Les membres de Nwelwe la dévisagèrent, méfiants, avant de se détendre.

— Il faut que je vous déroule le tapis rouge jusqu'au bureau de ma mère pour que vous vous calmiez ? lâcha-t-elle d'un ton sarcastique. Rangez-moi vos flingues, on est pas au niveau 0, ici.

Elle passa une main sur la paroi résineuse derrière elle, qui s'opacifia à son contact. Tshepo, agacé, lâcha son revolver sans la quitter des yeux. Lorsqu'on venait du niveau 0, faire confiance à un Penseur du niveau 2 paraissait improbable.