Chapitre 3.1

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« Note – Aile de la gestion – Gouvernance :Le cerveau est décisionnaire de l'avenir, le corps est au service de l'humanité. »

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Passage du chargement E-03 dans une minute, veuillez quitter la voie, résonna la voix de Bea dans sa combinaison.

Kian rappela ses microrobots et détailla l'alcôve non loin de lui avant de s'y aventurer, seul. Le transporteur l'éblouit un court instant avant que le travail ne reprenne son cours dans ses rouages habituels, sans nulle interruption. Il renvoya alors ses microrobots sur les zones à risques et analysa les ruptures de son secteur pour analyser les procédés à opérer pour les combler.

Quand la voix de Bea se manifeste à nouveau, il recommença : abri, transporteur, sortie, analyse, réparation, le début d'une nouvelle boucle à remplir. Sa journée passa si rapidement qu'il ne se souvint pas de ce qu'il avait résolu, seule la fatigue et les souvenirs de la veille bourdonnaient dans son esprit. Il voyait, pensait, se perdait, puis se reconnectait à la réalité bruyante et froide des souterrains de Neo-Bloemfonteim. Alors il émergeait, le temps de quelques minutes, avant de replonger.

Lorsqu'il pénétra dans le sas, ses membres ankylosés peinaient à le traîner. Les mouvements brusques de ses collègues, les combinaisons éparpillées, les rires gras étouffés derrière son casque, les flux, les pas, les appels, les clignotements du système d'alarme, le masque abîmé de l'utopiste, sa prothèse âgée et mal réglée, Marh, le sang, les transporteurs. Il étouffait. Il gratta frénétiquement l'arrière de sa nuque, les épaules raides. La fatigue. Il avait besoin d'une pause, aussi longue puisse-t-elle être.

Prudent, il ramena sa capuche sur son visage pour s'isoler et traversa le réfectoire un pas devant l'autre, comme perché sur une corde tendue à plusieurs mètres du vide. La vision d'une cheville mécanique des années deux mille quatre-vingt l'empêcha d'aller plus loin. D'abord immobile, il osa reculer d'un pas et patienta. Son confrère ne bougea pas. Il chercha alors à le contourner, mais l'homme se déplaça pour lui faire barrage.

— Paraît qu'tu peux réparer les programmes endommagés, lâcha-t-il alors.

Kian fixa les éraflures sur la prothèse, assez marquées pour pénétrer le métal. Qu'il s'agisse d'un vieux modèle ou d'activités trop dangereuses pour l'épargner, le prototype présentait des signes d'une longue vie bien remplie et des premières manifestations de faiblesse.

— Oh, j'te parle, insista l'incinérateur.

Il arracha le casque de Kian d'un mouvement sec. Poings serrés, le nettoyeur plaqua ses bras contre son crâne, gêné par le brouhaha soudain. Les grincements du métal, les mâchements gras d'Exécuteurs venus se rassasier, leurs gobelets frappant la table, leurs rires étouffés, le tapotement frénétique du doigt bionique de son interlocuteur, la voix étouffée de Bea de l'autre côté de la vitre, le sifflement de la ventilation au-dessus d'eux. Kian pencha la tête pour soulager la douleur, mais rien ne changea. Un capharnaüm sans nom occupait le chaos de sa tête.

Niveau d'anxiété en augmentation, indiqua son IA interne.

— Hé, Connard, tu m'écoutes quand j'te parle.

Il s'apprêta à le saisir par le col, mais Uenalya attrapa son poignet avant et le retourna. Bien que son adversaire fit deux fois sa largeur, et que ses augmentations soient plus récentes et abouties, elle dévia son coup et le repoussa. Il tituba et se rattrapa.

— T'as deux trucs à savoir, Cole, renseigna la trieuse. Premièrement, aucune agression n'est tolérée dans l'enceinte du réfectoire. Tu tentes de t'en prendre à quelqu'un, je te bute.

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant