Chapitre 13

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« Rapport d'observation n°41S51 – Aile de la sécurité – Ordre d'exécution :

Hyperspécialiste recherché. Prime à définir selon les ordres du niveau 0. Vivant. »

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Recroquevillé sur lui-même comme un enfant dans le ventre de sa mère, Kian dormait. Son corps douloureux et son esprit agité avaient fini par se relâcher dès qu'il avait retrouvé la capsule de Tempo, une couchette parmi les innombrables cellules qui composaient la tour la plus proche de la frontière interdôme. Assez grande pour n'accueillir que quatre humains assis les uns à côté des autres, elle représentait un moyen spartiate, mais utile pour les travailleurs à qui le temps ou l'argent manquait.

Tempo avait acquis cette capsule de son frère après sa mort, et l'avait longtemps conservée sans y toucher. Il avait poursuivi le cours de son existence en jugeant qu'un jour, elle lui servirait peut-être, mais son avenir l'avait mené vers les souterrains plus tôt que prévu. Lorsque Kian lui avait demandé de l'aide, il lui avait simplement donné les codes et indiqué son emplacement. Une pièce isolée, petite et silencieuse, l'homme ne demandait pas plus.

Kian avait dormi de longues heures durant pour récupérer de ses crises et de la fatigue accumulée. Sans bouger, plongé dans un sommeil lourd et inerte, il laissa ses muscles s'affaisser et son système nerveux se reposer jusqu'à ouvrir les yeux, léthargique et meurtri de courbatures sévères. Il ne bougea d'abord pas – ses doigts raides peinaient à suivre sa volonté. Puis il ferma le poing et se redressa. Plongé dans une obscurité et un silence confortables, il resta un moment à écouter les signaux de son corps et éclaircir son esprit. Les séquelles de ses aventures hors de la prison lui revinrent par morceau, de Margaux à son père, puis de son père à Errol. Son pouce érafla son avant-bras, puis son index. Errol lui avait demandé de partir, sans surprise. Une menace simple et claire mêlée d'un ressentiment acerbe qui l'avait même blessé, même si évident.

À l'époque, Nwelwe demeurait un petit groupe de quelques partisans, tous plus fous les uns que les autres, avides de combattre, de se faire entendre, de se venger. Elle avait vu des enfants défiler, des adolescents mourir sans même pouvoir avancer, dans une boucle discontinue qui finissait toujours par se répéter : des gens arrivaient, remuaient le groupe, et finissaient par périr. Kian avait longtemps regardé ces centaines d'enfants se jeter dans la fosse commune sans pouvoir agir, sans en avoir envie, jusqu'à ce qu'il ne puisse plus. Regarder les plus désespérés se suicider ne l'intéressait pas. Rien ne l'intéressait, hormis partir. Il avait alors laissé un message à son frère, intercepté un membre silencieux pour le transporter à une école de formation et avait commencé sa nouvelle vie. Le regrettait-il ? S'il devait à nouveau faire des choix, il reproduirait sans conteste ceux qu'il avait faits. Trahir Errol pour rejoindre le dôme et enfin trouver un sens à sa vie ne relevait que d'une décision incontestable. Un neurodéficient ne pouvait vivre s'il n'avait pas son utilité pour les autres.

Mais aujourd'hui, Errol le bannissait de lui-même. Face à face, une arme pointée sur son front, un rappel qu'il avait choisi de rejoindre l'ennemi plutôt qu'aider sa famille.

Je suis désolé.

Kian recula dans un coin de la capsule et enserra ses genoux, le regard rivé sur son sac à dos échoué, de l'autre côté. L'image de son frère aîné le hantait. Ses gestes brusques, sa voix assourdissante, ses mots. Le détestait-il ? Sûrement. Il n'était jamais parvenu à lire dans les émotions des autres, c'était à peine s'il comprenait les siennes. Avec les années, il avait appris à se familiariser avec certains comportements fréquents, mais sa connaissance se limitait à son champ de possible.

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant