Chapitre 3.1

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« Rapport extradôme – RLS-11 – Lae Skaduwee :
4h01, bombe de type 2 déclenchée sur le corps expéditionnaire survivant. Deux blessés, dont un grave. Aucun ennemi touché. 4h37, chirurgie d'urgence et réparation des soldats touchés. Heure de la disparition du blessé : inconnue. »

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— Putain de...

Margaux se jeta sur Tshepo d'un bond et lui colla son poing dans la figure. D'un seul mouvement, les soldats et tacticiens qui étaient en train de se restaurer plus loin se levèrent, la mine amusée. Certains avaient grimpé sur les tables pour mieux voir, d'autres commençaient à lancer les paris, et la foule se rassembla bientôt autour d'eux.

— Répète ce que t'as dit ?

— Les gamines comme toi sont bonnes dans les bars noirs, cracha l'homme et reculant.

La jeune femme sentit la rage se réveiller. Elle hurla et balança son pied. Tshepo l'évita de justesse et tenta de lui attraper la nuque, mais Margaux réagissait déjà. Elle saisit son poignet et le retourna. Tshepo balaya alors ses jambes pour s'en défaire.

— Si t'as un problème... commença Margaux.

Elle enchaîna coup de coude, frappé de main sur la gorge, remontée de genoux, avant d'esquiver le poing de l'homme et de le contourner.

— ... alors viens régler ça comme un adulte, connard.

Elle poussa le dos de l'homme du pied, puis attrapa le col de son t-shirt. Dans un mouvement souple, Tshepo se défit de son vêtement et se retourna, le deux poings levés devant son visage, la mine sévère. Elle l'avait agacée. Et rien qu'à cette constatation, Margaux sourit. Il commençait enfin à la prendre au sérieux.

Depuis qu'ils s'entraînaient aux mêmes horaires, les deux soldats ne parvenaient pas à s'entendre. Il suffisait d'une remarque, d'un rire, et l'un des deux partait au quart de tour. Margaux jouissait d'un statut privilégié dans la base qui ne plaisait pas à Tshepo, et ce depuis longtemps. Adolescente, elle parvenait à se hisser là où personne ne pouvait aller, et écopait de missions importantes malgré son piètre niveau en combat. Désormais, elle faisait partie intégrante de l'armée de Nwelwe, au même titre que l'ensemble des recrues qui se portaient volontaires, mais Tshepo, en tant que chef d'escouade, ne le supportait toujours pas. Chaque faute, chaque mouvement, chaque parole devenait un prétexte à rappeler à la jeune femme que sa place n'était pas parmi eux, mais parmi les femmes qui amusaient et prenaient soins des véritables soldats.

Une prostituée, en somme. Ou une hôtesse de bar.

À quelques mètres de là, figé devant le distributeur, Kian se concentrait pour répéter les gestes que lui avait enseignés Joan. Il lui avait fallu quelque jours pour appréhender avec naturel la machine, mais il avait mémorisé chaque geste, chaque pression pour ne rien en oublier lorsqu'il se trouverait à devoir les reproduire. Devant lui, le repas ne tarda pas à couler dans son gobelet. Il porta le liquide à ses narines pour apprécier ses effluves familiers et goûta. Une pointe de joie naquit dans sa poitrine. Saveur neutre, la seule qui le nourrissait vraiment sans lui occasionner de gêne.

— Sale con ! jura Margaux avant de fracasser son avant-bras contre la mâchoire métallique de son assaillant.

Tshepo tituba en arrière. La foule s'écarta. Sonné, il recula à tâtons jusqu'à rencontrer le distributeur de repas liquide. Kian leva les yeux sur son torse ruisselant couvert de cicatrices de combat et de chirurgie primaire, puis la ligne duveteuse parfaitement droite qui rejoignait son aine. Tshepo essuya son nez ensanglanté, craqua sa nuque et se jeta sur Margaux. Leurs corps s'écrasèrent sur le sol dur dans un bruit sourd, trè vite couverts par les grognements enragés de la jeune femme.

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant