Chapitre 17.3

17 3 0
                                    


— Il est pas mort, juste K.O., souleva Tempo.

— Il fait ça souvent ? s'inquiéta l'ancien militaire.

— Plus depuis sa dernière mise à jour, il a augmenté sa tolérance, une histoire de répartition de données, une connerie du genre. Il gère mieux, mais ça fait pas de miracle. Il peut pas s'entêter à prétendre être autre chose que ce qu'il est.

Joan s'éloigna et vérifia la porte en massant ses épaules. Cette situation le pesait. Avoir embarqué Kian dans ce désordre l'étouffait, mais savoir que son manque de gestion l'avait poussé à se mettre en veille l'empêchait de respirer. Il palpa sa gorge sèche, déglutit, pressa sa nuque raide et siffla. La main de Tempo l'obligea à se retourner et s'adosser contre la paroi. Le poing sur son diaphragme, le tireur le regarda droit dans les yeux.

— Inspire, expire, ordonna-t-il.

L'ancien militaire s'exécuta, les membres tremblants.

— Inspire, expire, répéta Tempo. Laisse pas la peur te bouffer, elle le mérite pas. Inspire, expire, et dégage-moi ça de là.

Malgré lui, Joan esquissa un rictus et obligea l'air à passer la barrière de ses poumons. D'abord sifflement pénible, son souffle prit davantage de place jusqu'à repousser la pression exercée par sa cage thoracique. Ses bras tremblants s'accrochèrent à ses avant-bras pour accuser le contrecoup. Ce n'était pas le moment.

Tempo baissa les yeux sur l'homme recroquevillé et surveilla l'avancée du sabotage de la porte en silence. L'unité 8 devait être assez rapide pour épargner à Kian le chaos des étages intermédiaires.

— L'armée est balèze quand elle a besoin de t'écraser, déclara le tireur en sortant sa vapoteuse. Elle fait en sorte de te noyer dans l'incertitude et les regrets pour que tu t'accroches à elle comme un gamin désespéré.

Joan se tendit et déglutit. Ses tremblements s'étaient soudain tus sous la stupeur.

— Quand je bossais pour l'unité longue distance, poursuivit-il en articulant quelques pas dansants dans l'obscurité, elle te retournait tellement le cerveau que tu finissais par tuer tout ce qui bougeait, peu importe qui c'était. Ils t'apprenaient à pas bouger, et tirer. Un tremblement, et ta charge l'explosait. Quand tu réalises comment ils t'ont détruit, t'apprends à transformer ta peur en arme.

Il tournoya, se balança et avança au rythme de la musique dans ses oreilles, ailleurs. Lorsqu'il se rappela la présence de l'homme, il pivota et se figea.

— Utilise-la pour te battre, pas pour leur prouver qu'ils ont réussi à te détruire. Ta peur n'est qu'un outil, pour eux comme pour toi.

Joan plaqua sa tête contre le mur, la gorge serrée. Tempo dégaina son revolver et le pointa sur lui, le regard perçant.

— Boum. T'es mort

L'ancien militaire se sentit pâlir. Il se tassa contre le mur. Tempo croisa les jambes, sautilla, et reprit sa marche sans un mot. Joan tut la panique qu'il avait un instant réveillée avant de le regarder s'agiter.

La peur n'est qu'un outil, se répéta-t-il, lourd.

Un cliquetis retentit. Les deux terroristes tournèrent d'un même mouvement la tête vers la porte qui venait s'ouvrir. À ses côtés, Margaux agitait les doigts en guise de salut. Joan se redressa péniblement, serra le t-shirt par-dessus son cœur et se dirigea vers Kian. En voyant l'état de l'Hyperspécialiste, la jeune femme accorda un regard inquiet à ses compagnons. Tempo la passa.

— On l'a déconnecté le temps d'arriver, expliqua-t-il.

— Je sais où l'installer, les autres sont en train de sécuriser le périmètre. Suivez-moi.

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant