Chapitre 17.2

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Une nouvelle vague de passagers arriva, cette fois plus importante. Joan quitta son siège pour s'approcher de Tempo et Kian avant que la foule ne les encercle. Le tireur se leva et aida son ami à en faire de même. Un mouvement de révolte vers le secteur financier les entourait. Le brouhaha les gagna, amplifié par râles, les toux et les cris de rage. Kian serra la barre de fixation aussi fort que possible, la nuque brûlante et les épaules raides. Chaque fois qu'il pensait s'être habitué, un coup, un rire ou une interjection traversait.

— Prochain arrêt, Kian, tenta de le rassurer Joan dans un murmure.

La navette ralentit, puis se figea. Tempo leva ses revolvers et annonça :

— On sort, bougez vos gentils petits culs de là !

Un homme le toisa d'un regard mauvais, et si la plupart des passagers s'écartaient, l'un d'eux tenta de s'interposer, une mine sévère sur le visage. Tempo avança jusqu'à lui, suivi de ses compagnons, jusqu'à s'arrêter devant l'individu. Sans plus de manière, il posa le canon de son revolver sur son front, un sourire franc sur les lèvres.

— Vire-moi ta sale gueule avant que je repeigne cette porte avec ta cervelle, menaça-t-il.

Le passager loucha sur l'arme et s'écarta, mais lorsque ce fut au tour de Kian de passer, son bras s'interposa. Kian émit un mouvement de recul paniqué et frappa ses poings contre ses tempes. Joan attrapa la main de l'homme avant qu'il le touche. Les portes se refermèrent.

— Merde... jura Joan.

La navette démarra. L'ancien militaire pivota pour écarter son compagnon de leur bourreau, attrapa la nuque de leur assaillant et pressa ses doigts augmentés dessus. Sa force crispa le passager. Il se tendit et rapetissa à vue d'œil.

— C'est pas le moment de tester ton égo, mec, grogna-t-il. On a autre chose à foutre.

Joan le lâcha et regarda le paysage de l'extérieur. La navette ralentissait de nouveau. Il attrapa aussitôt Kian par les épaules et le mena contre les portes. Dès qu'elles s'ouvrirent, ils sortirent d'un bond et laissèrent les quelques hommes et femmes aller et venir entre les quais et le wagon. La plateforme se vida, le silence retrouva un semblant de ses droits, et le tramway disparut entre les hautes tours du quartier périphérique. Kian, toujours sous le choc, frappait ses tempes avec une force mesurée et quelques marmonnements indistincts. Joan se pencha devant lui, inquiet. Lorsqu'il tenta de l'approcher, l'Hyperspécialiste recula, s'emmêla dans ses pas et manqua de chuter. Joan le rattrapa de justesse et le laissa doucement s'allonger.

— Il est parti, souligna l'ancien militaire, la gorge serrée. Calme-toi, s'il te plaît.

Mais Kian peinait à filtrait la brûlure qui raidissait ses membres. Il se recroquevilla sur lui-même, pressa sa tête entre ses bras et se mit à compter. Le souffle lui manquait.

Joan bascula sa communication en interne et appela Tempo. Le tireur ne tarda pas à répondre.

Compte avec lui, conseilla Tempo dont le souffle court l'empêchait de trop parler. J'arrive.

L'homme se baissa, vérifia la progression des patrouilles militaires et jura. Un groupe de drones arrivait. Il vérifia d'un coup d'œil la position de son brouilleur sur sa digipuce, celle de Kian, et s'assit.

— Trente... tenta Joan d'une voix incertaine.

— Deux cents huit, deux cents neuf...

— Deux cents dix.

Les deux hommes comptèrent ensemble jusqu'à ce que les coups cessent et la tension s'amenuise. Les rares passants à se présenter pour la prochaine navette les dévisageaient sans un mot, à la fois trop conscients de la situation et effrayés. Ils évitèrent le secteur et se positionnèrent à l'opposé sur le quai, prêts à entrer lorsque le train se présenterait. Joan les surveilla du coin de l'œil et termina dans un murmure le décompte peu après que Kian se soit tu. L'Hyperspécialiste fixait les poings fermés de l'homme avec un mélange de soulagement et d'inconfort. Sa mémoire s'embrouillait. Il se rattacha à ses mains familières comme point d'ancrage. Joan finit par le remarquer. Il la tendit prudemment sans le toucher. Kian posa son oreille contre sa paume, soulagé.

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant