Chapitre 23.3

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L'homme recula, le cœur battant à tout rompre, tandis que l'androïde se tournait et activait les charges énergétiques disposées dans ses bras. Son bras se leva, lent, avant de se figer à mi-chemin. Les deux autres derrière lui n'avaient pas bougé. Joan lâcha Margaux, et s'écroula contre le mur, le souffle court. Ils n'attaquaient pas.

D'un geste tremblant, l'ancien militaire attrapa le revolver à sa ceinture et le tendit. Aucune réaction. Les capteurs des orbites de l'androïdes analysaient, mais n'entraînaient pas de réaction.

— Il a réussi... murmura-t-il.

— De quoi tu parles ? demanda Margaux, décontenancée.

— Kian, Ayana... ils ont piraté Africa. Les ordres militaires sont bloqués.

Margaux se tourna vers les androïdes figées, les yeux exorbités. Comment dénués de toute volonté, ils avaient suspendu leurs mouvements dans l'attente de nouveaux ordres muets. Les programmes tournaient à vide.

Joan rangea son arme, souleva Margaux et contourna ses ennemis bloqués avec appréhension. Les capteurs regardaient désormais derrière lui, là où il se trouvait plus tôt. L'homme traversa alors l'ensemble de laboratoire en titubant et passa deux unités robotisées en cours de descente, suspendues aux échelles techniques qui reliaient chacun des plateaux montants. Le monde paraissait comme figé, incapable du moindre geste. Lorsqu'il arriva à la porte du laboratoire où il avait abandonné Ayana et Kian, une peur mêlée d'excitation tremblait dans sa poitrine. Il activa le code et attendit que Kai leur ouvre. Aussitôt fait, il marcha jusqu'à une table d'expérimentation, posa Margaux, enlaça brusquement l'adolescent et s'écroula à terre, épuisé, les yeux rivés sur les écrans de l'Hyperspécialiste qui coordonnait ses programmes et les blocages de l'IA continentale. Kian avait réussi à bloquer le continent.

— On verra plus tard pour les câlins, protesta Kai en s'écartant, tout sourire.

Joan porta ses mains à son torse, le souffle court, et dévisagea les deux programmeurs assis devant leurs postes.

— C'est un malade, commenta Ayana, la voix tremblante d'excitation, avant de s'approcher de lui. T'es blessé ?

— Moi, ça va... lâcha Joan, encore sous le choc. Margaux moins.

Kai inspecta les blessures de sa sœur, livide. La jeune femme avait perdu beaucoup de sang. Ayana se déplaça près d'elle et passa le scanner de secours qu'elle avait trouvé sur le bureau pour s'assurer de la gravité des plaies.

Son énergie recouvrée, Joan se redressa d'un mouvement tremblant, tituba jusqu'à l'Hyperspécialiste et s'écroula à ses côtés, encore essoufflé. Kian se figea. Les mains immobiles au-dessus de son clavier holographique, il dévia le regard vers l'ancien militaire dont la peau poissait de sang, de sueur et de cambouis. Les articulations artificielles de ses poignets avaient été endommagés par ses affrontements avec les androïdes, et ses chairs avaient subi nombre de coupures et de coups violacés, mais aucune blessure importante ne le couvrait. Il pouvait s'estimer heureux. Il ne préférait même pas imaginer ce à quoi il devait ressembler au risque de donner raison à la nausée qui le menaçait.

Kian resta un moment obnubilé par le rouge brun qui tachait son t-shirt, avant que l'alerte de son IA ne le rappelle à l'ordre. Il recompartimenta le programme central d'Africa et isola le noyau d'origine dans une boîte noire. S'il voulait rendre Africa inefficace, il devait la corrompre entièrement.

— Tu as réussi, répéta Joan d'une voix tremblante. C'est impossible.

— Si, répliqua Kian.

Il relança son programme de formatage et se remit au travail.

La Fourmi FantômeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant