Chapitre 46 : L'orphelinat

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Une lumière chaleureuse envahit la chambre de l'orphelinat. A travers un léger rideau de poussière, on devine les rayons du soleil traverser la fenêtre. Le bruit assourdissant de la cascade du Haut Royaume se fait entendre, lointain et atténué par les murs du bâtiment. Keith ouvre les yeux. Son arrivée à la capitale n'était pas un rêve. Allongé dans son lit, il pensait se réveiller à nouveau dans les lugubres dortoirs de la Sainte Cité. Il ne sait pas depuis combien de temps il est resté inconscient. Cela fait peut-être plusieurs jours qu'il dort dans cette chambre. Le voilà de retour dans sa ville natale, sain et sauf, loin des prêtres à la tunique blanche. Le gardien grincheux de l'orphelinat a dû le trouver sur le seuil, là où les soldats l'ont laissé la dernière fois. L'a-t-il reconnu ? Sûrement, sinon il ne serait pas ici.
Aveuglé par la lumière du jour, le jeune homme soulève sa tête, les paupières à demi-fermées. Tous ses muscles endoloris se crispent. L'apprenti lâche un petit soupire, le visage marqué par la douleur. Il canalise son énergie et redresse son buste dans un élan de motivation. Sa vue redevient peu à peu nette. Keith reconnaît l'architecture sobre du Haut Royaume, soulagé. A côté de lui, des vêtements propres sont posés sur la table de chevet. La sensation de quitter sa cuculle de moine pour une tenue de civil lui est étrange. Il s'était rapidement habitué à sa large robe encapuchonnée.
Le jeune élève cherche à se sortir du lit. Son envie de revoir les ruelles de la vieille ville lui fait oublier son état quasi-critique, mais ses jambes tremblantes menacent rapidement de le lâcher. Keith attrape tant bien que mal le balai posé contre la porte et détache la brosse du manche. Il s'en servira comme bâton de marche pour ne pas tomber. Le jeune homme esquisse quelques pas pour s'entrainer, le sourire aux lèvres.
Face au miroir, l'apprenti ne reconnaît pas son reflet. Sa peau brulée du haut du crâne jusqu'au bas du torse lui fait affreusement mal. Il doit attendre plusieurs semaines avant de guérir complétement. Quant aux quelques cicatrices qui marquent son visage, certaines resteront à vie. Keith détache rapidement ses yeux du miroir. Le jeune élève ne veut plus penser à son périple dans le désert. Il en garde de trop mauvais souvenirs.
Un oiseau se pose sur le rebord de la fenêtre, comme une invitation au voyage, et l'aide à chasser ces pensées. Il s'approche, mais celui-ci s'envole. Son chant se perd dans le bruit de la chute d'eau. Keith se penche par l'ouverture pour admirer la ville. A quelques rues, la place Anton Ier accueille la cascade qui dévale les falaises. C'est le moment de prendre une grande inspiration rafraichissante. Le jeune homme s'exécute, le torse bombé. A ce moment, un groupe d'hommes escorté par des soldats fait irruption sur la place. Keith recrache tout l'air de ses poumons et s'écarte au plus vite de la fenêtre. Mashir. Il l'aurait reconnu entre mille. Le prêtre s'est lancé à sa poursuite. Cette histoire de parchemin n'est pas à prendre à la légère pour que l'un des hommes les plus influents des terres pontificales parte à sa recherche en personne. Comment expliquer que ce maudit bout de papier a été bêtement volé par un malandrin au beau milieu du désert ? Ce prétendu Henri doit être loin à l'heure qu'il est, sans avoir conscience de l'importance de ce texte ancien. Maudit barde. Le jeune apprenti ne se fera pas avoir deux fois.
Sans plus attendre, Keith se jette sur les vêtements et s'empresse de s'habiller. L'orphelinat n'est pas un lieu sûr, il doit le quitter au plus vite. Ceux qui l'ont recueilli ne le défendront pas. Vu son âge, le directeur décidera soit de l'envoyer au service militaire obligatoire après l'échec des enseignements religieux, soit de le livrer à Mashir. Le jeune apprenti ne peux pas s'empêcher de penser au prêtre Kanzanni, enfermé dans les cachots de la Sainte Cité. Dans le cas où Keith se ferait attraper, ce dernier l'insultera de tous les noms en le voyant menotté dans la cellule d'en face.
Se réfugier à l'infirmerie publique de la vieille ville n'est également pas une bonne idée. L'endroit est trop exposé pour s'y rendre. Pourtant, Keith doit soigner ses blessures. Il ne connaît pas beaucoup de cachettes dans lesquelles il pourrait se rétablir loin des soldats. Le jeune apprenti n'a plus un sou. L'unique choix qu'il lui reste est d'aller là où personne ne va.
Quand il était plus jeune, ses camarades de l'orphelinat lui parlait d'une sorcière qui errait dans les ruelles de la vieille ville. Le jeune homme ne les croyait pas jusqu'à ce que celle-ci soit un jour convoquée à l'orphelinat. Keith l'avait aperçu à son arrivée. Elle était venue prêter main forte aux aides-soignants pour guérir un enfant qui s'était grièvement blessé. Les adultes la nommait Faÿmi. Un tas de rumeurs s'était éparpillé dans les dortoirs. Ce n'est pas commun pour l'orphelinat de faire appel à la sorcellerie. Depuis, l'apprenti n'en a jamais plus entendu parler. Les autres orphelins évitaient le sujet, précisant de fuir si on croisait son chemin.
Keith se met en tête de trouver l'antre de cette sorcière. Seule cette dénommée Faÿmi a les capacités de soigner ses blessures à l'abri de ses traqueurs. Pas d'autres solutions ne s'offrent à lui pour l'instant. Le jeune apprenti empoigne son bâton de marche et s'échappe de sa chambre. La présence de Mashir au Haut Royaume confirme que l'histoire du gardien des Enfers raconté dans le parchemin cache quelque chose. Une fois rétabli, Keith pourra enfin poursuivre sa recherche du collier bleu, bien qu'il n'ait pas beaucoup de pistes pour l'instant.


LA DERNIÈRE NUIT DES ROIS - Les terres du Vieux RoyaumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant