Chapitre 56 : la fuite

4 1 0
                                    

Le tir résonne dans les oreilles de Theod. Il tentait de rejoindre l'orpheline au milieu de la foule, mais celle-ci a agi avant qu'il l'en empêche. Le pire est arrivé. L'héritier ne pensait pas que Merina serait capable d'abattre sa cible au péril de sa vie au milieu d'une foule. Consciente du risque qu'elle encourt, la jeune fille était forcément préparée à cet acte barbare et suicidaire. Theod a emmené dans le palais une véritable kamikaze. S'approcher de sa sœur Deryn est désormais impensable. Il doit abandonner ses plans et fuir au plus vite. Les actes de l'orpheline ne le concernent plus, il n'a pas à se mêler de son sort.
Scott Lane désigne la jeune fille armée parmi les nobles et les soldats brandissent leurs pistolets. Merina se retrouve aussitôt cernée. Le général fait signe et les tirs se mêlent aux cris de la foule. La panique envahit la salle et les nobles tentent de s'échapper, incontrôlables. Les Grandes Portes s'ouvrent sous la pression des bousculades. Les tables s'effondrent, les chaises se renversent. Les malheureux qui tombent sont piétinés par les autres. Le brouhaha gronde dans le Grand Hall. Le mariage se transforme en un véritable cauchemar infernal.
Merina dégaine une nouvelle arme, mais un tir la touche en pleine poitrine. Sous le choc, elle bascule en arrière et s'effondre dans les bras de Theod. L'héritier trébuche à son tour, horrifié par le sang, et s'écrase sur le sol. Son masque de cérémonie se retrouve mis de travers, il l'enlève machinalement pour libérer ses yeux. Face à lui, il remarque l'orpheline au sol, inconsciente. Elle tient dans sa main une bombe qu'elle n'a pas réussie à dégoupiller à temps. Theod s'en empare et s'écarte de la jeune fille.
- L'assassin ! s'écrit un soldat. William Kettbell est dans le Grand Hall !
Tous les gardes se tournent vers Theod. Celui-ci comprend aussitôt la situation. Il se lève en un éclair et se précipite dans la foule. Scott Lane retient l'ordre de tirer, par peur de toucher un noble de la Cour. Les soldats dégainent alors leurs épées et se précipitent à sa poursuite.

L'héritier nage dans la foule pour sortir du palais au plus vite. Les nobles se décomposent en reconnaissant le visage de l'assassin des rois à quelques centimètres du leur, identique aux dessins des affiches. Sa présence amplifie la panique qui règne dans le chaos. Les bousculades sont de plus en plus violentes. Les soldats peinent à se frayer un chemin parmi les nobles affolés.
La foule s'entasse. Theod étouffe sous la pression de la cohue, la bombe tenue fermement entre ses mains. Les alarmes du Haut Palais se mettent à sonner par-dessus les hurlements de terreur. Les agitations s'accentuent de plus belle. La foule devient un véritable pressoir, bloquée aux portes du palais. La situation se fige, plus personne ne peut bouger.
Soudain, le chemin se libère et la mêlée jaillie du bâtiment tel un barrage qui ouvre ses vannes. L'héritier en profite pour rejoindre la place extérieur qui borde le bout des falaises où se jette la cascade. Le passage des escaliers qui mène à la vieille ville n'est plus très loin.
La foule se disperse dans tous les sens. Theod reprend son souffle, hors d'haleine.
- L'assassin est sur la place ! s'exclame un soldat.
L'héritier aperçoit les gardes sortir du Haut Palais et se précipiter dans sa direction. Il reprend sa course, mais remarque avec horreur une troupe surgir des remparts. Les issues sont bloqués et il n'a plus aucun endroit où aller.
- Par ici !
Theod se tourne dans tous les sens, sans comprendre qui lui parle. Les soldats s'approchent de lui et forment un demi-cercle. Il se retrouve bloqué entre les gardes et le bord de la falaise. Sur la place, le ruisseau serpente sous la lumière ocre des lanternes. Le courant qui anime le cours d'eau semble s'agiter inexplicablement.
- Par-là !
Theod croit devenir fou. Ses hallucinations refont surface. Hors, ce n'est absolument pas le bon moment. Les soldats s'approchent progressivement vers lui, les épées braquées dans sa direction.
- Rejoins-nous !
La petite voix vient du précipice. Dans un cas aussi critique, il s'agit sûrement de la conscience de l'héritier qui le pousse à fuir par n'importe quel moyen.
Un soldat poursuit son avancée vers Theod. Le jeune homme brandit aussitôt la bombe vers les gardes. Ces derniers reculent, apeurés. Les plus jeunes recrues paniques, ne connaissant aucun protocole dédié à ce genre de situation. Certains d'entre eux reculent tandis que d'autres réarment leur pistolet pour l'abattre à distance.
- Saute !
La mystérieuse voix résonne désormais dans sa tête. Une douleur parcourt ses articulations. L'héritier tire une grimace. Il n'a plus vraiment le choix.
Au moment où un soldat brandit son arme à feu, Theod dégoupille la bombe qu'il tient entre les mains. Les soldats s'écartent spontanément, craignant le moment de la détonation. L'héritier abandonne l'explosif à ses pieds et se précipite au bord de la falaise. Sans réfléchir, il se laisse emporter par la cascade et sombre dans la chute d'eau qui dévale le ravin.
Les soldats se dispersent aussitôt et courent se mettre à l'abri. Au sommet des falaises du Haut Royaume, la bombe explose sur la place qui longe les portes du palais royal. La détonation résonne dans toute la capitale, jusqu'aux portes de la vieille ville. Une épaisse fumée noire s'envole vers le ciel étoilé depuis les hauteurs de la cité.


LA DERNIÈRE NUIT DES ROIS - Les terres du Vieux RoyaumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant