Chapitre 17 : Chute mortelle

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     Les gardes qui bloquent l'entrée des cuisines s'avancent dangereusement vers William. Celui-ci, collé contre la fenêtre ouverte sur le ravin, jette un coup d'œil au pied des falaises. La chute serait inévitablement mortelle. Il ne peut cependant pas se livrer aux assassins s'il ne veut pas être exécuté dans l'heure qui suit. Les gardes continuent d'avancer prudemment. Jesse et Maynard sont derrière eux, prêts à bondir tel deux chiens de garde, observant chaque mouvement de William. Le jeune soldat place délicatement ses mains sur l'encadrement de la fenêtre, puis effectue un petit saut pour placer ses pieds sur le rebord de l'ouverture. Il sent les bourrasques de vent provoquées par la cascade érafler son dos. Il manque de perdre son équilibre. Le ricanement de Maynard parvient jusqu'à ses oreilles.
      - Tu te retrouves dans une bien mauvaise posture, soldat. Tu pourrais sauter. Ça nous évitera de nombreux problèmes.
      Le jeune Kettbell place discrètement une main contre le côté extérieur des parois rocheuses et fait pivoter ses pieds pour se retrouver de profil. Maynard reprend un ton plus autoritaire.
      - Descends de cette fenêtre ! Il n'est pas encore trop tard. Si tu refuses d'exécuter mes ordres, j'ordonne aux gardes de te pousser dans le ravin !
      Les gardes dégainent leur épée et les brandissent sous les yeux de William. Ce dernier ignore les paroles du conspirateur. Il tâte la roche des falaises pour trouver une prise à laquelle il pourrait s'accrocher. Ses doigts agrippent miraculeusement une petite fente. Il se fige soudainement, ébahi d'avoir trouvé un potentiel moyen de fuir, puis remplit ses poumons d'air avec une grande inspiration. Il lui suffit d'un seul faux pas pour se retrouver fatalement écrasé au pied des falaises.
      Les gardes s'arrêtent d'avancer, intrigués par la réaction du fugitif, comme s'ils reprenaient leur souffle avec lui. Un court instant s'écoule, comme si c'était une éternité, où chacun se regarde sans bouger. Maynard se prépare à donner l'ordre d'attaquer. Cependant, au moment de s'exécuter, William s'élance à travers la fenêtre et disparaît du cadran de l'ouverture. Maynard écarquille les yeux, abasourdi.
      - Ne le laissez surtout pas s'enfuir ! hurle-t-il aux soldats.
      Les gardes restent immobiles, effarés par ce qu'ils viennent de voir. Maynard se précipite vers la fenêtre et passe sa tête par l'ouverture. Il balaie rapidement du regard le pied des falaises et ne remarque rien d'anormal. Il tourne alors la tête vers la gauche et aperçoit le fugitif accroché contre la roche. La panique de Maynard se dissipe peu à peu, puis laisse place à un large sourire se dessiner sur son visage. Seule sa moustache se redresse par la force de l'air propulsée par la cascade. Il remarque le visage concentré de William, puis les pieds de ce dernier prendre appui dans une fente. La force du vent ébouriffe ses cheveux et anime sa chemise blanche comme la voile d'un radeau en pleine tempête. Maynard jette un dernier coup d'œil au pied des falaises, accoudé au rebord de la fenêtre.
      - Tu risques de faire une sacrée chute, soldat.
      William regarde sur sa droite et aperçoit un vieux balcon abandonné décorer les falaises. L'atteindre ne lui sera pas d'une très grande aide pour fuir.
      - Je te laisse une dernière chance de revenir, reprend Maynard. Je peux après tout te laisser accroché ici...
      Le jeune soldat aperçoit derrière le balcon les rails des ascenseurs longer la cascade contre la parois des falaises. Il peut sûrement s'aider du système mécanique qui mène au sommet pour s'échapper. William reprend son souffle en fermant ses paupières pour retrouver sa concentration. Mieux vaut tenter que de revenir aux cuisines. Il colle son front contre la falaise et ouvre à nouveau les yeux. Il constate le vide sous ses pieds. Un sentiment de vertige vient soudainement paralyser son corps. Il s'accroche au rocher de toutes ses forces et lance un dernier regard en bas. Il aperçoit un ascenseur surgir des toits de la vieille ville et monter vers le sommet de la cascade. Ses muscles se détendent : voilà sa seule issue.
      Maynard observe avec consternation William poursuivre son escalade. Il bâille, ennuyé, puis se ressaisit avec un long reniflement.
      - Ta détermination et ton courage te font honneur, soldat. Je vois que tu essaies d'attendre ce fichu balcon abandonné. Mais que feras-tu une fois niché là-haut ? Il est dommage que tu ne puisses pas mieux réfléchir, tu aurais fait un soldat d'exception.
      Maynard se tait soudainement, le visage décomposé. Il aperçoit l'ascenseur longer la cascade. Les intentions du fugitif lui sont maintenant claires. Il lève les yeux vers William. Ce dernier n'est plus qu'à un demi mètre du balcon.
      - Gardes ! aboie-t-il. Je vous ordonne de lui tirer dessus ! Il ne doit pas atteindre le balcon !
      William pose enfin les deux mains sur le rebord du muret. Il jette un coup d'œil à la fenêtre des cuisines et aperçoit la tête de deux gardes, munis de leur pistolet, apparaître dans l'encadrement. Le jeune soldat ne réfléchit plus et utilise la force de ses bras pour se hisser sur le balcon. Il se retrouve affalé derrière le muret au moment où les coups de feu retentissent. Les balles sifflent dans l'air, puis percutent la paroi des falaises. Des éclats de roche s'éparpillent sur le muret. William rampe avec précipitation jusqu'à une hypothétique porte qui le mènerait aux sous-sols, mais constate avec horreur que toutes les ouvertures sont bouchées. Le balcon appartient au seul étage condamné des cuisines. Le système des élévateurs est donc son unique moyen de fuir. Il jette un œil vers la cascade et aperçoit l'ascenseur s'approcher de l'étage condamné.

LA DERNIÈRE NUIT DES ROIS - Les terres du Vieux RoyaumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant