Chapitre 9 : Les cachots

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          Encapuchonné dans sa cuculle, Keith traverse les sentiers de la cité en se remémorant la conversation des deux prêtres au fond de la bibliothèque. Ces derniers affirmaient que les gardes bloquent l'accès aux cachots. Il doit trouver le moyen d'entrer discrètement sans se faire repérer. Une fois à l'intérieur, il n'aura plus qu'à trouver le prêtre Kanzanni.
      Le jeune apprenti s'élance entre les grandes tours de la citadelle, zigzague sous les passerelles qui s'étendent dans les airs, et rejoint le chemin qui encercle la citadelle. Il ne cherche pas longtemps pour trouver la petite porte en fer d'un sinistre plain-pied, à l'écart des quartiers principaux. Le bâtiment ressemble à la structure de la bibliothèque, mais avec moins d'ouvertures. L'entrée lugubre, de par sa sombre façade en pierres, n'est pas très accueillante. L'élève hésite avant de pousser la porte en fer. Il n'y a pas d'autre moyen d'entrer dans les cachots. Cela signifie logiquement qu'il n'y a pas d'autre moyen d'en sortir. Keith sait très bien qu'il peut être sévèrement puni pour ce qu'il s'apprête à faire. Les cachots pourraient rapidement devenir son nouveau logement d'apprenti pour le reste de son séjour aux terres Pontificales. Il réfléchit une dernière fois aux conséquences que son effraction peut lui apporter. Malheureusement, trouver Kanzanni dans les cachots, c'est le seul moyen de trouver le manuscrit.
      Le jeune garçon entre dans le baraquement et se retrouve face à un long couloir sombre, éclairé par quelques torches accrochées aux murs. L'idée de faire demi-tour le séduit rapidement. Les bâtiments de la Sainte Cité sont pour la plupart très grandioses, mais parfois terrifiants. Keith distingue au bout du couloir un escalier qui s'enfonce dans les sous-sols. Il n'y a rien d'intéressant au rez-de-jardin et aucun étage supérieur.
      La porte en fer se referme violemment derrière lui, faisant résonner le claquement jusqu'au bout du couloir. Le jeune apprenti se fige instantanément et tire une grimace, les dents serrés et le nez plissé. Il reste immobile un long moment dans l'obscurité sans oser bouger, avant de détendre doucement ses épaules relevées jusqu'aux oreilles. Ses yeux s'habituent progressivement à la faible lumière des torches. Une sensation de réconfort s'installe peu à peu dans les plis de ses vêtements, mais pour un bref moment seulement car une voix étonnamment rocailleuse s'élève du fond des sous-sols.
      - Qui va là ?
    Keith, surpris par la puissance vocale du mystérieux inconnu, manque de perdre son équilibre. Il se retient contre une des parois du couloir et trébuche contre un caisson en bois caché dans l'ombre. Lassé par sa propre maladresse, le jeune apprenti recule nerveusement de quelques pas et écraser les dents d'un râteau posé au sol. Le large manche vient percuter sa nuque. L'agacement prend le pas sur sa peur. Des bruits sourds résonnent dans le couloir et la voix rocailleuse s'élève à nouveau.
      - L'accès aux cachots est interdit. Qui êtes-vous ?
    L'élève attrape le premier objet qui lui tombe sous la main pour se défendre. Il plonge son bras dans l'obscurité et agrippe un long manche en bois. Il serait chanceux de trouver par hasard une épée d'entraînement. Il ramène son bras vers son torse et découvre à la lumière des torches un balai entre ses mains. Il venait donc de trébucher contre un chariot de ménage. Une silhouette apparaît au fond du couloir. L'apprenti reconnaît tout de suite l'armure des gardes de la Sainte Cité. Le soldat s'avance vers lui, il est déjà trop tard pour fuir. Keith bloque sa respiration et se fige. Le garde n'est plus qu'à quelques pas de lui. Il sent le regard de ce dernier se poser sur lui. Effectivement, le garde s'arrête au milieu du couloir et l'observe un moment, embarrassé.
      - C'est pour le ménage ? demande-t-il.
    Sa voix paraît tout de suite moins sévère. Keith, ne sachant pas quoi répondre, se contente d'hocher la tête de haut en bas. Le soldat ne le quitte pas des yeux.
      - Bien, reprend-il. Mon boulot est d'interdire l'accès uniquement aux prêtres de toutes façons. Un peu de ménage dans ces décombres ne nous fera pas de mal.
      Le garde se met de côté pour laisser passer l'élève. Keith poursuit son avancée dans le couloir avec étonnement. Il ne sait pas s'il doit remercier le soldat pour son incompétence ou bien l'injurier d'avoir confondu son affublement de prêtre apprenti avec l'accoutrement d'un simple servant. Il se contente de rejoindre les sous-sols sans trop se faire remarquer. Le garde lui emboîte le pas avec calme. Ce geôlier est finalement très différent des autres soldats de la cité.

LA DERNIÈRE NUIT DES ROIS - Les terres du Vieux RoyaumeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant