« Ne cours jamais vers le danger ! » la disputa une voix venue des profondeurs de son enfance. « Cours toujours vers la survie, tu m'entends ? »
Tous ses os grinçaient, endoloris par la chute. Elo toussa la poussière coincée dans sa gorge. Elle réussit à lever la tête. Sa vue était brouillée par le nuage de l'explosion que des restes de fumigènes épaississaient. Les bougies avaient été soufflées ; seul un stroboscope renversé diffusait une lumière rose et verte par intermittence.
Son ouïe revint. La pierre craquait.
Elo traîna ses jambes sous elle, attrapant quelqu'un au passage, et se releva. C'était Siana, tombée sur ses genoux, la bouche béante.
Le grondement continuait. Elo tira son amie par le bras et se précipita vers une lampe abandonnée. Elle enroula l'élastique de la frontale autour de ses doigts et s'élança vers un couloir.
De multiples fissures se creusaient, menaçant de déstabiliser cette partie de la galerie. Bientôt, Paris s'effondrerait sur elles.
Elles avaient à peine fait un pas au dehors de la salle que la roche céda. L'éboulement qui s'ensuivit fit trembler ciel et terre. Elo poussa Siana devant elle, perdit l'équilibre, chuta et roula sur elle-même. Les genoux ramenés contre elle et les bras au-dessus de sa tête, son corps hurlait d'une peur muette. Soudain, quelqu'un la tira. Elle ouvrit les yeux : Siana, la tête en sang et des yeux affolés tournés vers le ciel.
Une pluie d'écailles calcaires tomba sur elles. Elo comprit que la galerie allait s'écrouler dans le sillage de la salle. Elles n'avaient aucune idée de la direction dans laquelle elles fuyaient. Si le couloir, rectiligne et plat, les sauverait, le labyrinthe les perdrait.
Derrière elles, les murs commençaient à s'affaisser et le plafond tombait en morceaux, à l'instar d'énormes dominos prêts à les balayer. Elo poussait des cris paniqués, certaine de mourir écrasée à chaque nouveau craquement. Elle courait plus vite qu'elle ne l'avait jamais fait.
Car pour la première fois, elle courait pour sa survie.
Et la masse rocheuse s'abattait sur leurs talons.
— Saute ! hurla Elo.
Les deux amies plongèrent sur le côté pour éviter l'éboulement. Elo se prit un mur. Siana trébucha. Elles s'élancèrent de nouveau, tandis qu'au-devant, une faible lumière tenue par des survivants paniqués les guidait.
Les secondes s'allongèrent, mais les grondements, eux, s'amenuisaient.
Elo jeta un œil en arrière. La réaction en chaîne ne les avait pas suivies dans ce couloir. Un gros bloc bouchait d'ailleurs l'accès. Elle peina à ralentir, le cœur battant. Elles avaient failli mourir ! Et elles étaient en vie, elles avaient réussi !
Siana se laissa glisser contre un mur et éclata en sanglots. À bout de force, Elo l'imita, puis s'étala de tout son long, le dos dans le remblai. Elle toussa, cracha la salive qui lui brûlait la gorge, avala des larmes dans un soubresaut.
Relevant la tête, elle constata qu'ils n'étaient que quatre. Deux autres fêtards en avaient réchappé de justesse. Elo reconnut l'un d'eux : la jambe de son pantalon était ouverte sur une longue entaille sale. Le cataphile, surnommé Milo, était adossé contre la roche, les yeux presque invisibles derrière ses lunettes pleines de poussières. Sa tête dodelinait sur ses épaules.
Le second était accroupi, une main crispée autour d'une grosse lampe et l'autre tenait sa tête. Il avait la bouche fermée et les yeux vides.
Elo passa sa lampe sur chacun d'eux pour attirer leur attention.
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Heka Tombe
ActionAu cours d'une rave dans les catacombes interdites, Eloïse tente d'impressionner son nouveau béguin, quand Paris s'effondre. Elle est doctorante dans la grande École du Louvre, mais la réputation de sa cousine « pilleuse de tombes » menace ses rêve...