Heka Tombe

Chapitre 8 : « Ça fait bim bam boum »

— Vous pouvez venir !

La voix de Quentin s'élevait à travers le brouillard. La résonnance indiquait qu'il avait pénétré dans une grande salle.

— Mais on voit rien, fit remarquer Elo.

Dans le couloir, et accompagnée de sept autres personnes, elle attendait que l'éclaireur revienne faire son rapport. La troupe était bien arrivée au nouveau lieu de la soirée, mais l'endroit était enfumé comme le précédent. L'épaisse fumée blanche formait comme un mur à la lueur des lampes torches et camouflait tout, de l'irrégularité du sol jusqu'aux stalactites du plafond – aimablement appelé « le ciel » par les cataphiles.

Une main sortie du brouillard pour s'emparer du poignet d'Elo. Elle partit vers l'avant ; surprise, elle s'empressa de tendre l'autre main en arrière, vers la personne suivante. Elle croisa le regard de Morgan qui s'accrocha à elle, la bouche pincée d'inquiétude. Elo s'adoucit d'un sourire rassurant.

Elles pénétrèrent dans le rideau vaporeux.

— Levez bien les pieds, dit Quentin.

Tous les muscles d'Elo se contractèrent en prévision d'un heurt. Les mains liées à Quentin et Morgan, elle ne pourrait pas se rattraper. Chaque pas menaçait de déclencher une crise d'angoisse alors que la marée blanchâtre voulait l'avaler. Derrière Morgan, Siana émit un râle sourd.

— Mur à gauche, dit-elle aux autres.

Elo raffermit sa prise autour de la main de Morgan, dont les doigts montaient le long des siens. Après quelques pas, la silhouette de Quentin se dévoila. Les volutes de fumigène laissèrent entrevoir un éclairage aux couleurs néon, puis une large salle circulaire et trois cataphiles rassemblés autour d'une installation électrique, posée sur un monticule de calcaire.

L'un d'eux devait être Bilou, le cataphile DJ organisateur de l'événement, que Quentin et Siana connaissaient bien. Cette dernière lui demanda :

— Comment ça se fait que c'est enfumé partout ?

Le jeune homme en tenue d'égoutier releva les yeux de ses platines. Les bandes phosphorescentes de la combinaison se soulevèrent avec ses épaules.

— C'est comme ça dans toutes les salles du secteur.

— Trop nul, dit Siana.

« Trop bizarre », pensa Elo.

Les bougies allumées le long des murs, les premières capsules purent sauter de leur goulot. Les premières cigarettes furent roulées et, enfin, la musique mixée jaillit des haut-parleurs.

Les pieds commencèrent à gratter le sol sous l'impulsion des hanches débridées.

Dans un coin, Elo avait ôté ses chaussures trempées et battait des jambes pour faire sécher son pantalon. À la suite de sa veste en jean, elle se débarrassa de son gilet à capuche, pour dévoiler un t-shirt à col rond en coton noir, basique, mais qui taillait agréablement ses formes, glissé sous la ceinture de son pantalon de trek.

La voyant s'alléger, l'avocate l'imita. Elle découvrit des épaules musclées sous une peau de pêche, soulignées d'un débardeur bordé de dentelle. Morgan posa sa parka dans un coin et décapsula une bière d'un coup de briquet.

— À la vôtre, lança-t-elle à Elo et à ses amis. À l'accueil chaleureux des cataphiles !

Puis elle but une grande gorgée qui lui arracha une grimace, déclenchant l'hilarité générale.