Les épaules couvertes par une doudoune que l'un des cataphiles lui avait prêtée, Elo ranimait ses doigts de pieds près du réchaud de camping. Ses dents s'enfoncèrent dans le hamburger, arrachant un bout de pain et de salade au fromage. Tout en mâchant, elle releva les yeux vers ses sauveurs alors que l'un d'eux lui tendait un cornet de frites couronné d'un filet de ketchup.
— Oh ! J'hallucine... laissa-t-elle échapper.
Ses doigts remuèrent d'excitation au-dessus du cornet, avant de plonger dans le trésor doré.
— Ouais, on a un peu abusé, dit celui derrière le cornet de frites.
Il était le plus maigre des trois. Sous son bonnet blanc, ses sourcils dessinaient une ligne touffue et foncée, alors que des boucles blondes roulaient sur ses oreilles. Ses prunelles chaudes observaient avec compassion Elo se rassasier et un sourire tendre soulevait le coin de sa bouche. Il devait avoir une vingtaine d'années, comme les autres, et ses doigts, graciles et pâles à la lueur des lampes blanches, lui donnaient le charme d'un Apollon sculpté par Le Bernin.
À la droite d'Elo, le deuxième cataphile, celui qui lui avait offert son repas, mordait dans le steak qu'elle avait retiré du burger. Il était plus large ; assis en tailleur dans sa doudoune, il ressemblait à un bloc de pierre encore brut. Pourtant, sa coupe de cheveux était sophistiquée – il était rasé au-dessus des oreilles – et sa barbe de cinq centimètres était parfaitement taillée, ajustée à la forme du visage et brillante d'une huile parfumée aux camélias.
— Je savais que ce n'étaient pas des bobards, cette histoire de pillards, dit-il en se grattant le menton.
— Ouais, mais le dernier dimanche du mois, c'est McCata, dit la troisième cataphile.
La dernière du groupe, une brune dont les couettes tombantes de part et d'autre de son visage donnaient à ses yeux ronds un air mélancolique, avait les genoux repliés sous son imper rose, à la manière d'une statue cube égyptienne. De l'autre côté du réchaud, elle sirotait sa boisson à la paille, jouant distraitement avec la croix chrétienne qui pendait à son cou.
L'Apollon avait levé les yeux au ciel à sa remarque.
— Faut qu'on prévienne les autres groupes de recherche, dit-il fermement.
Debout, les bras autour de lui, car il avait frais sans sa veste, il marchait en direction du puits. Il s'y pencha en sifflant d'admiration.
— Merde alors, c'est par là que t'es sortie ?
Elo se retourna, la bouche pleine.
— Mmm, acquiesça-t-elle en déglutissant. J'irais pas plus loin, si j'étais toi. J'y ai fait mes affaires.
— Ah, mais c'est ça l'odeur !
— C'est pour ça que je nous fais pique-niquer dans le couloir, expliqua Elo.
Elle s'empara de la gourde que lui tendait le barbu.
— Pour faire passer le menu, dit-il.
— Bon sang ! s'exclama-t-elle après une gorgée. Même le coca sans bulles est divin. Je ne sais pas comment vous remercier.
Les trois cataphiles échangèrent un regard. Visiblement, le traditionnel McDo souterrain n'était pas la seule raison de leur descente. La petite brune au pendentif serra un peu plus ses jambes contre elle.
— On est venu chercher une de nos potes, expliqua-t-elle. Peau brune, yeux clairs, un mètre soixante-quinze et les cheveux aux épaules, tout noirs.
— Elle a un tatouage de plume derrière l'oreille, ajouta le blond en se rasseyant à leurs côtés.
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Heka Tombe
ActionAu cours d'une rave dans les catacombes interdites, Eloïse tente d'impressionner son nouveau béguin, quand Paris s'effondre. Elle est doctorante dans la grande École du Louvre, mais la réputation de sa cousine « pilleuse de tombes » menace ses rêve...