Chapitre 13 : Saint-patron des cataphiles

14 3 4
                                    

Aveugle dans la pénombre, Elo n'était pas certaine d'avoir perdu connaissance. Elle se souvenait d'avoir entendu les chaussures du mercenaire frotter le sol près de sa tête ; des doigts avaient survolé son corps et tâté sa gorge à la recherche d'un pouls. Puis le silence.



Une lueur orangée chatoyait contre la pierre. Une bougie brûlait sur le bord du bassin de la Fontaine des chartreux. Elo se redressa avec une grimace, la main sur la nuque endolorie.

— Parfait, conclut-elle avec sarcasme. J'étais encore en trop bon état.

Agrippée à la fontaine, elle dut laisser passer un vertige. Elle chercha un appui, à tâtons, quand sa main tomba sur une paire de piles. Elo les fixa sans comprendre. La personne qui l'avait menacée d'une arme tout en lui ordonnant de sortir des catacombes, avant de la frapper à la nuque, lui avait laissé des piles de rechanges pour sa lampe frontale ?

Elle balaya la salle du regard : personne. Pas un bruit ne venait couvrir le bourdonnement de ses oreilles et seule la pénombre semblait vouloir fondre sur elle. Son cœur s'emballa, la faisant lâcher le bassin. Elle s'allongea de nouveau, la tête sur le sol solide et immobile.

Le tournis gagna du terrain ; elle pivota et releva ses jambes contre la fontaine... inspira profondément.

— C'est vraiment le lieu et le moment pour faire un malaise vagal... T'es pas une guerrière, t'aurais dû rester avec tes bouquins, souffla-t-elle avec dédain.

Son regard se perdit dans la rugosité du ciel. Les aspérités du calcaire capturèrent son attention, obligeant son esprit à lâcher prise. Il vagabonda, le long des arêtes au schéma aléatoire, puis elle se souvint. Elle se souvint qui l'avait amenée ici et où elle se trouvait. L'équation qui naquit se formait ainsi : cousine chasseuse de trésor + fontaine des chartreux = trésor des chartreux.

Son buste se redressa comme un clown sortant de sa boîte.

— Oh non, je rêve ! s'exclama-t-elle. Ces fous ne cherchent quand même pas...

La fin de sa phrase fut interrompue par les cliquetis des piles rechignant à s'insérer dans le boîtier de sa frontale. Elo sauta sur ses genoux et, à quatre pattes, la lampe au front, fit le tour de la fontaine. Elle souffla la poussière à la base du monument, gratta les aspérités qui pouvaient cacher une information, mouilla quelques zones pour en avoir le cœur net et, soudain, l'aura jaune de sa lampe se posa sur le glyphe.

— J'hallucine...

Il y avait une raison pour laquelle Martin-Matin n'avait pu identifier le symbole dessiné par Elo avec certitude. Elle-même l'avait recopié de mémoire, d'après la calligraphie douteuse de sa cousine. Sur la pierre, il était légèrement différent... mais surtout plus lisible.

Elo se redressa vivement, ne croyant pas ce qu'elle avait sous les yeux. La tête entre les mains, elle jura. Tout son corps s'était électrisé et elle dut faire les cent pas pour évacuer la tension. Puis elle s'arrêta, secoua la tête, et vint à nouveau coller son visage contre la pierre pour se convaincre.

— C'est un P et un A, je rêve pas, si ?

Si la présence du monogramme du carnet l'éclairait sur une chose, c'était que sa cousine suivait bel et bien une piste ; une piste qui avait peut-être même causé sa disparition. Alors, elle lui avait envoyé ses notes. Car Elo était à Paris ; et elle baignait déjà dans tout ça.

Lana lui avait confié ces informations, car il s'agissait de son monde. D'ailleurs, Elo comprit tout de suite à qui appartenaient ces initiales :

Heka TombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant