Chapitre 10 : Ramper dans les décombres, un classique

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Elle n'avait que la lampe frontale qu'elle tenait à la main et sa détermination pour la guider dans les abysses des catacombes. C'était insensé, mais elle ne pouvait oublier cette voix appelant à l'aide.

Elo avait cru mourir au moment de l'explosion, puis à nouveau quand le ciel s'était effondré, mais elle s'en était miraculeusement sortie. Et voilà qu'elle utilisait sa vie supplémentaire pour défier à nouveau la mort.

— Un autre jour dans la banale vie d'une Magpie, laissa échapper Elo avec sarcasme.

Tout autour d'elle, la roche craquait encore dans des aboiements graves. Paris était mécontente qu'on ait saccagé ses entrailles.

Elo évoluait avec précaution.

D'une part, ses chaussures trop grandes traînaient sur le sol et s'accrochaient parfois dans le relief. D'autre part, c'était la première fois qu'elle avançait toute seule dans les souterrains et même le niveau maximum de sa lampe ne semblait pas suffisant pour éclairer ses pas. Malgré sa prudence, il lui paraissait évident qu'au moindre mouvement de roche, elle finirait écrasée sous plusieurs tonnes de calcaire.

« C'est du suicide », avait dit l'autre.

Elo s'arrêta, le souffle subitement déréglé. Une vague de chaleur lui dévora le visage et les entrailles, l'obligeant à fermer les yeux. Après quelques secondes d'agonie, elle serra le poing autour de sa lampe, et se remit en marche.

— Il faut que j'aille voir s'il y a des survivants, s'ordonna-t-elle.

Se parler à elle-même était devenu une habitude depuis qu'elle s'était lancée dans la recherche. À son appartement surtout, évidemment sans public, ça lui permettait de remettre ses idées en ordre et de se concentrer. Et, à cet instant, elle devait se concentrer plus que jamais. Elle devait mémoriser toutes les directions, afin de pouvoir refaire le chemin inverse, sans oublier les indications de Milo pour retrouver la surface. Elle espérait secrètement que le groupe se dépêcherait de trouver des secours pour qu'on vienne la chercher.

Se guidant toujours grâce aux conseils de Milo, elle trouva l'une des caches. Espace entre deux roches souvent comblées par du remblai, les caches de cataphiles pouvaient contenir toutes sortes de choses : des actualités imprimées sur papier, des dessins plastifiés à collecter, des poèmes, des outils, même un bon cru de vin rouge, ou encore...

— Une carte ! souffla Elo avec soulagement.

Elle la dégagea du gravier et s'empressa de l'épousseter. Malheureusement, elle se rendit vite compte que la carte était trop petite pour contenir le schéma complet du GRS, ou Grand Réseau Sud : le réseau de galeries dans lequel elle se trouvait. Les bords du papier jaunis désespérèrent la survivante, qui s'attendait à plus d'informations. Pour corroborer les explications de Milo, un coup de feutre dans le coin supérieur de la carte indiquait : « 1/12 ».

— Évidemment... râla Elo.

Parfois, elle était fière des cataphiles. Ceux qui prenaient leurs précautions quant au « secret » des catacombes et veillaient à leur préservation. Mais, à ce moment précis, elle le regrettait amèrement. Une carte générale avait déjà été établie par des cataphiles soucieux d'éviter que d'autres personnes ne se perdent dans ce labyrinthe, qui attirait les casse-cous comme des mouches autour d'un lampadaire. Toutefois, il était justement nécessaire d'éviter sa diffusion. Plus les personnes descendaient, plus il risquait d'y avoir des accidents et donc des accès condamnés par les cataflics. Sans parler des sites dégradés. C'était un véritable casse-tête, qui collait bien à la malédiction des Magpie, portée par l'oncle Rupert puis sa fille, Lana : survivre ou faire survivre l'histoire, il fallait choisir.

Heka TombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant