Chapitre 31 : Codex

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Après un petit déjeuner succinct et une tasse de café vivifiante, Elo se sentait à nouveau prête à affronter les méandres des catacombes. Elle quitta le couloir de leur campement pour retourner au puits, où ses affaires pendaient sur un fil. Le bracelet en paracorde trouvé sur Czesław avait été déroulé, de la grille revissée sur le puits, jusqu'à un mur où Verlaine avait planté une fiche de hamac. Grâce à lui, elle se retrouvait avec des habits enfin secs.

Après avoir passé ses fesses dans les mailles resserrées de son pantalon, elle se pencha sur son butin amassé sur la margelle. Les cataphiles n'y avaient pas touché. Ils n'avaient pas non plus posé de questions, d'ailleurs, même si Elo avait, plusieurs fois, surpris leur regard empli de curiosité survoler la boîte. Et, sur elle, le document froissé remonté de la bibliothèque.

Depuis qu'elle l'avait récupéré, c'était la première fois qu'elle avait le temps et la lumière pour l'examiner. En le décollant, précautionneusement, de la paroi froide, Elo réalisa que l'appellation de « parchemin » qu'elle s'était mis en tête était un abus de langage, car le document était en papier très épais, et très robuste, mais non en peau.

Elle ne savait pas lire l'italien dans lequel il était écrit, mais le contenu ressemblait à une liste de course, dont le prix de chaque item était apposé en face et le total souligné en bas de la page. Elle inclina le papier sous le faisceau à nouveau opérationnel de sa lampe torche. Sous l'encre noire, apparaissait, en filigrane, le même écusson que celui gravé sur les chevalières qu'elle avait récupérées dans les ossements carbonisés de l'amphithéâtre.

Prise d'une soudaine angoisse, elle fouilla les poches de son pantalon. Les deux bagues étaient toujours là, coincées dans les plis du tissu, alors qu'elle avait oublié leur existence. Ses épaules se détendirent dans un soupir de soulagement, aussi rassurée que si elle avait mis la main sur son téléphone portable... lequel devait sûrement reposer, écrabouillé, dans les décombres de la salle qui s'était écroulée. Elle ne se souvenait plus quand elle l'avait perdu.

Des bruits de pas la sortirent de ses réminiscences.

— Alors, ça a séché ? demanda Baudi.

La poète était en tenue complète, ses cheveux bruns tressés en couronne sur son crâne et la frontale en collier, du fait de sa petite taille : car son front arrivait à peine au niveau des aisselles d'Elo.

— Je viens voir où t'en es, ajouta-t-elle, les garçons ne veulent plus te surprendre à poil.

— T'as eu le temps de te coiffer ! s'étonna Elo.

— En vrai je vais vite, dit-elle en balayant une mèche. Je la fais à chaque fois que j'ai les cheveux gras.

Elo baissa le regard vers le vieux reçu.

— Désolée, je regardais un truc.

— C'est quoi ? s'enquit Baudi. Attends, tu veux raconter pendant que je te coiffe ? (Puis elle fronça les sourcils.) Ça ne te dérange pas ?

Elo papillota des cils.

— Euh non.

Sautillant d'enthousiasme, Baudi lui fit signe de s'asseoir, avant d'aller fouiller dans son sac laissé dans le couloir. Elle revint avec une pochette en plastique transparent d'aéroport, contenant une brosse pliable, un peigne, des neigeuses et quelques élastiques.

— T'es équipée, constata Elo.

— Toujours, affirma Baudi en s'installant derrière elle. Al-Khansā a les cheveux bouclés et moi tout lisses, alors des fois on s'amuse à essayer de faire les mêmes coiffures, pour voir ce que ça donne. Avant on faisait ça à l'appart, quand Rimbaud avait les cheveux longs aussi. Mais maintenant il est tout le temps chez Verlaine.

Heka TombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant