CHAPITRE 49 : Des mille et des sangs

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Elo fut tirée en arrière. La peau de son crâne menaça de se déchirer sous la poigne trempée de la Capitaine autour de ses cheveux.

- Aaaaaah !

Le gravier roulait en vain sous ses semelles battant l'air.

- Mom ! Laisse-la partir !

Morgan rampait dans leur direction, alors que la Capitaine jetait Elo contre une paroi.

- Reste calme, vers de terre, lui dit sa mère.

Déjà étourdie, Elo reçut une droite en plein visage, suivie d'une gerbe d'eau. Toutes les lumières s'éteignirent un instant. Il ne restait que cette voix, toujours cette même voix...

- Ne t'inquiète pas, Elo, tu ne seras pas le premier prétendant de ma fille que j'élimine.

- Tu n'as pas le droit de la tuer ! s'époumona Morgan. Réfléchis ! Ne fais pas ça... la Prêtrise... !

La Capitaine se fendit d'un sourire carnassier :

- L'interdit ne m'a jamais empêché de faire mon travail.

Morgan l'implora, mais la Capitaine resta sourde. Au contraire, elle dit à ses chérubins :

- Tenez-la.

Elo recouvrait ses sens ; elle vit la Capitaine s'accroupir à son niveau, puis saisir son menton... Toute sa mâchoire vibra. Elo cracha une glaire de sang, l'intérieur de sa joue coupée par ses dents.

La grande blonde secoua ses phalanges :

- Non seulement je vais te tuer, Elo. Mais je vais aussi te faire payer pour tout ce que tu m'as enlevé !

La Capitaine se redressa. Un grincement étrange attira l'attention vaseuse d'Elo : elle était revêtue d'une tenue de plongée, ouverte jusqu'aux hanches ; les manches pendaient le long de ses jambes et gouttaient sur ses pieds. D'un mouvement bref, elle enfonça son talon dans les côtes d'Elo.

- Pour ma fille !

- Ah... !

Alors qu'elle convulsait à la recherche d'air, le deuxième coup la frappa sans prévenir.

- Pour mes soldats ! assena la Capitaine.

- Argh !

Le souffle à nouveau coupé, Elo ne réussit qu'à gémir. La salle humide s'était réduite à des lucioles noires. Tout son abdomen brûlait.

Son diaphragme fut broyé :

- Pour ma patience !

À deux doigts du black-out, Elo chercha à rouler sur le côté. La Capitaine s'en réjouit : elle visa les lombaires avec un enthousiasme renouvelé.

- Pour la Main d'Isis !

- Aaaaah... !

La doctorante, abonnée aux dolipranes autant qu'aux bibliothèques de Paris, aux séances de kinésithérapie autant qu'aux pauses café, s'étrangla de douleur. Une plainte larmoyante au bord de ses lèvres muettes. Les doigts qui se tordaient dans la poussière s'affaissèrent. Son visage, gonflant contre le gravier, prenait déjà la couleur du deuil.

- Qu... Quoi... ? bafouilla Morgan. Vous l'avez perdue ?

La Capitaine interrompit enfin son matraquage. La chevelure blonde, encore alourdie par l'eau, tombait devant ses yeux en mèches fines échappées de sa tresse. Et ses yeux, eux, étaient électriques. Elle se tourna vers sa fille et releva Elo par le bras, dénonçant ses méfaits :

Heka TombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant