Chapitre 25 : Malédiction

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Le couloir qu'emprunta Elo était bourré de fissures ; il y avait eu des mouvements de terrain, ici. Au bout de quelques mètres, la galerie était bouchée par un éboulement : c'était sans doute ce qui avait piégé les auditeurs dans l'amphithéâtre. Elo rebroussa chemin jusqu'aux gradins. Il ne lui restait qu'une seule solution : les boyaux d'aération. Et certainement pas celui par lequel elle était arrivée, au risque de se retrouver dans le campement des mercenaires. Elle devait miser sur les autres. Le système servait à faire circuler l'air, il devait bien déboucher quelque part ; peut-être pas à la surface, mais dans une autre pièce qui la mettrait à l'abri de ses poursuivants.

Après avoir pris de l'élan depuis les gradins, puis s'être jetée contre le mur à trois reprises avant de parvenir à se hisser, Elo commença à escalader l'une des parois. Les chaussures empruntées à Milo, trop grandes, étaient nouées ensemble et barraient sa gorge de leurs lacets. La lampe torche tenait vaguement en place dans sa poche de poitrine.

Elo jouait avec les fissures pour y caler ses pieds et ses doigts jusqu'à la rigole, où le parcours de flammes s'était éteint. Elle agrippa la saillie. Qui s'effrita sous sa prise. Sa main s'échappa dans le vide et emporta son corps sur son autre appui. Son pied glissa. Elle crut tomber, mais tint bon.

— Argh ! Bordel...

Son juron résonna dans l'amphithéâtre. Elo redescendit d'une prise. Se stabilisant enfin, elle glissa un œil sous son aisselle : plusieurs mètres la séparaient désormais du sol. Si elle lâchait prise, la chute serait d'autant plus douloureuse qu'elle atterrirait directement sur les degrés en pierre. Elo se vit gisante sur les marches, la colonne brisée en trois endroits.

Le front appuyé sur la surface froide, elle se pressa un instant contre la pierre et inspira pour laisser passer le vertige. À mi-voix, elle se força à articuler :

— Je ne vais pas mourir ici...

Elo tira sur ses bras pour se hisser jusqu'à la prochaine prise, puis la suivante, avant d'atteindre l'embouchure du boyau d'aération et de s'y laisser choir en expirant lourdement. Il était assez large pour qu'un humain moyen se faufile à l'intérieur. Lorsqu'elle aperçut le reste du conduit, l'angoisse comprima son cœur. Elle ferma subitement les yeux pour la réfréner :

— Il mène forcément quelque part... marmonna-t-elle.

Le sang quittait ses doigts en une multitude de fourmis anesthésiantes. Alors elle les secoua vigoureusement et, malgré l'étau autour de sa poitrine, s'engagea dans le conduit à quatre pattes. Le rythme était donné par les chaussures qui s'entrechoquaient sous son menton. Une chance pour elle, ce boyau avait été creusé à l'horizontale.

Une brise légère lui faisait face. Elle s'infiltrait dans le col de son pull et dans les manches de sa veste, dont le jean était devenu jaune, à croire qu'elle s'était roulée dans la craie de la place du Carrousel. L'espace, péniblement étroit, la faisait suer sous l'effort et l'humidité ambiante n'arrangeait rien ; l'air frais glaçait sa peau perlée.

Soudain, un courant plus vif fouetta son chignon, agité comme la tête branlante d'Albert Einstein posée sur le tableau de bord de la voiture de sa grand-mère. Il emportait avec lui un effluve nauséabond, un macérat de métro dans une base d'urine. Elo leva les yeux et découvrit un long conduit vertical, qui s'élançait sur plusieurs mètres et déversait une trombe d'air froid. Elle se mit debout à l'intérieur, les mains contre les parois et la tête vers le ciel, rien que pour savourer l'espace supplémentaire qui luiétait offert. Ce puits semblait infini : impossible de s'évader par là. Après une inspiration, elle reprit sa traversée.

Plus loin, l'air changea. Il renfermait un bouquet à la fois poussiéreux et moite, lui évoquant l'image d'une bibliothèque mal aérée. Après quelques encoignures, la galerie s'arrêta brusquement. Elo ajusta l'éclairage de sa lampe et ce qu'elle révéla lui coupa le souffle.

Heka TombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant