Chapitre 21 : Trop facile

9 2 0
                                    

Le Lieutenant l'attira à elle d'un coup sec, leurs hanches plaquées l'une contre l'autre. Les baudriers cliquetèrent, avant d'être brusquement tirés vers le haut. Le visage d'Elo se crispa dans une grimace alors que les sangles saucissonnaient son entrejambe.

L'ascension à travers le conduit de la cheminée lui offrit une étrange sensation de liberté, bien qu'elle sentait son corps plus lourd que jamais, oppressé contre celui du Lieutenant. Elo ne percevait que vaguement sa respiration sous son uniforme.

À peine ses pieds eurent touché le sol qu'il la détacha. En deux temps, trois mouvements, le baudrier tomba et Elo fut poussée dans ce qui lui apparut immédiatement comme une crypte. Ses semelles buttèrent contre les graviers. Elle devina au premier coup d'œil où elle avait atterri.

Les fondations de l'ancienne abbaye étaient tout en voûtes et pierres. Une forêt de piliers, courts et massifs, fleuris de caveaux. C'était également le centre d'intervention des mercenaires, concentrés sur des ordinateurs et des cartes. Il fallait slalomer entre eux et les cuves de pierres. Elo se pencha par-dessus l'une d'elles : vide. Pillée. Le Lieutenant la tira par le bras. Mais Elo n'avait pas fini d'analyser cette crypte. Les poignets liés sur l'aine, elle tourna sur elle-même pour admirer l'architecture romane et les restes de sarcophages. Ils étaient presque tous ouverts et certains couvercles manquaient, sans doute prélevés pour servir de dalle à d'autres constructions. Lors de la Révolution, les pilleurs s'étaient arrêtés aux sépultures des moines et avaient éparpillé leur os, avant de tout raser.

Elo profita de sa pirouette pour voler un coup d'œil en direction du Lieutenant. Il ne paraissait vraiment pas commode. Malheureusement, il lui apparaissait également, pour l'heure, comme sa meilleure chance de...

Sa tête rentra dans ses épaules, au moment où le Lieutenant lui appuya sur le crâne pour passer sous une poutre de soutènement.

La crypte enterrée sous Paris était à deux doigts de s'effondrer : en cause, un énorme – et récent – trou dans la roche ouvrait sur un nouveau réseau de galeries. Pour assurer leur méfait, les Chérubins avaient placé des étançons tout le long du couloir, un soutien dérisoire pour l'allée qui s'enfonçait dans les entrailles de la capitale. Ce tunnel semblait toutefois différent du reste des carrières : le calcaire n'avait pas été détaché en blocs pour être découpé en carrés. Il ressemblait plus à un boyau, créé pour servir de passage. S'agissait-il d'un nouveau réseau, encore inexploré ?

Elo se retourna furtivement pour examiner les vestiges du mur qu'avaient fait sauter les mercenaires : c'était une vraie paroi faite de roche, pas en pierres ou en briques destinées à obstruer l'accès à la crypte des Chartreux ; c'était donc la première fois qu'elle était reliée aux souterrains.

Au plafond, une chaîne d'ampoules éclairait des Chérubins circulant dans les deux sens, les bras chargés de pioches, de seaux, mais aussi de feuilles de papier et d'appareils photo. Les galeries fourmillaient. En quelques heures, l'équipe de la Capitaine avait abattu un travail gigantesque d'exploration et d'inspection. Mais que cherchaient-ils, maintenant qu'ils avaient trouvé le trésor des Chartreux ?

Le Lieutenant tenait Elo devant lui à cause de l'étroitesse du boyau. Certains mercenaires lui adressaient un signe de tête en l'apercevant. Elo ne pouvait pas voir le Lieutenant dans son dos, mais observait le comportement des autres changer lorsqu'ils réalisaient qui les dépassait : des cous rigides, mais des yeux brillants.

Au bout du couloir, des pas précipités frottèrent la pierre.

— Capitaine ! Capitaine ! J'ai... oh, LeFay, c'est vous.

— Hum, grogna l'encagoulé.

La nouvelle mercenaire arriva au petit trop devant eux. Outre son uniforme sable, elle avait entouré ses cheveux courts d'un bandana mauve. Le sourire aux lèvres, elle brandit la veste d'Elo.

Heka TombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant