Chapitre 38 : Lorsque ce symbole s'affiche ֍ le jeu sauvegarde automatiquement.

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La tenue de mercenaire « empruntée » par Morgan offrait un confort supplémentaire net et bienvenu. Vêtements aux couleurs de l'ennemi, visage dissimulé derrière la visière d'une casquette et grosses chaussures à l'attaque souple garantissaient plus de discrétion. Et le tissu de son pantalon, à la fois résistant et fluide, lui faisait gagner en aisance.

Après la dernière bouchée de la barre de céréales trouvée dans l'une des poches du gilet tactique, Elo balança ses poings vers l'avant pour tester l'amplitude de ses vêtements.

Il y avait une autre chose que sa mère lui avait léguée. Outre une obsession pour les étirements, la professeure de tissu aérien lui avait laissé le goût de l'équilibre et de la dextérité à travers les sports de combat. Camilla voyait cela comme un complément à la danse et n'avait jamais pensé à l'utiliser contre quelqu'un, encore moins pour blesser. Pour que sa fille puisse comprendre cela, elle avait voulu qu'Elo grandisse d'abord et lui avait refusé cette pratique.

Puis l'incident était arrivé. Sa mort avait débloqué, chez Elo, un accès à sa colère. Ne sachant pas comment la canaliser, elle avait utilisé la seule arme qu'elle maîtrisait alors : les mots. Elle avait complètement rejeté tout sport, pendant plus d'une décennie. Jusqu'à ce que les problèmes de santé l'obligent à changer. Et ce n'était que depuis son doctorat qu'elle avait renoué avec son envie de se former aux arts martiaux, décidant d'enfin se détacher de cette promesse que quelqu'un les lui enseignerait un jour ; une promesse prononcée et brisée par sa mère d'abord, puis... par celle qui aurait dû être sa marraine.

Sans qu'elle comprenne pourquoi, son échange avec Morgan avait levé certains de ses anciens blocages. Ses premiers entrainements au combat, totalement occultés auparavant, lui revenaient par vague. Elle se rappelait que, toute petite, elle imitait en secret les mouvements de sa mère devant le miroir de la salle de bain. Puis, un peu plus grande, elle désobéissait en partageant quelques séances de lutte avec Lana : lors de vacances en Grèce avec son oncle, des mouvements appris dans l'unique but de rivaliser avec sa cousine qui essayait de la jeter dans la piscine.

Un flash lui dépeignit cette même piscine, le même été. Des coups de boxe, infligés contre des bouées gonflables fluo en guise de sac de sable. Celles-ci n'avaient pas tenu une semaine face à l'assaut des cousines, et Richard avait refusé d'en acheter d'autres. Déçue, Lana avait alors promis à Elo, qu'en qualité de marraine, elle se ferait un devoir de s'occuper d'une partie de son éducation.


L'Elo du présent déglutit. Cette Lana plus jeune lui manquait. Et ça lui brisait le cœur.

Une intersection se présenta ; elle leva son poignet gauche et vérifia l'indicateur de balises : une autre surprise glissée dans le gilet par Morgan. Il s'agissait d'une montre-récepteur qui lui donnait enfin une notion du temps écoulé, depuis que la Capitaine l'avait dépouillée dans le laboratoire.

Elo essayait de ne pas penser aux conséquences de ce cadeau – Morgan l'armait-elle contre les siens ? Et pourquoi ? Sans compter qu'elle lui avait proposé sa seule arme. « Pfff... Cette fille se mettrait à poil pour moi », pensa-t-elle. Soudain ses sourcils se froncèrent : Morgan l'avait fait.

Elo broya l'emballage de la barre de céréales ; puis, en tant que cataphile concernée, le fourra dans sa poche.

Boum, boum.

Elo se retourna d'un geste vif. Personne ne la suivait, pourtant...

Boum, boum... Boum, boum.

Le rythme était reconnaissable entre tous. Elle leva la tête vers le ciel, d'où résonnaient les vibrations caractéristiques du métro. Sans s'en rendre compte, elle était remontée de plusieurs mètres d'altitude. Elle avait dû sacrément s'éloigner des deux sites d'explosion, car elle doutait que le trafic ait déjà repris au-dessus des effondrements.

Heka TombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant