CHAPITRE 56 : Dear Mommy

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- Stop it !

Un coup brusque de la fille tira la mère en arrière, libérant la proie qui ne perdit pas une seconde pour rebondir. Elo se jeta sur la Capitaine en un bazar de poings.

- Arrêtez de tout détruire ! criait-elle.

La Capitaine se départit d'un rire guttural. Solide comme un roc, elle repoussait aisément ses coups.

- Comme c'est ironique, dit-elle. Je le fais seulement parce que tu as détruit toutes nos chances de repartir avec la Main d'Isis !

- Allez ! s'agaça Morgan qui repoussa une nouvelle fois sa mère avant de soulever Elo par les hanches et de l'emmener au loin.

L'agenda peu impacté par cette interruption, la Capitaine ramassa son pied de biche, en route pour reprendre son pillage.

Elo s'agitait dans les bras de Morgan, autant par courroux que par indignation. Puis, elle fut déposée sur l'une des vitrines refermant les momies. Son visage rouge brillait de larmes et de sueur.

- Tu m'emmerdes, Morgan ! C'est une meurtrière !

- Moi aussi.

La Lieutenant utilisait son corps pour l'empêcher de s'échapper et elle avait planté son regard dans celui d'Elo, avec une étincelle provocatrice qui lui cloua les pieds sur terre. Ses prunelles étaient devenues une poudre instable et Elo se figea, de peur de l'enflammer. Soudain, le pied de biche s'abattit à l'intérieur du cercueil peint de bandes de hiéroglyphes et d'une paire d'yeux Oudjat.

- Ne touchez pas à cette momie ! menaça Elo.

- N'importe quelle main fera l'affaire, conclut la Capitaine en adressant un regard entendu à sa fille.

Puis, elle détacha le couteau à sa cheville et l'abattit dans les épaisses couches de lin, qu'Elo suspectait de se trouver à l'intérieur : une momie reposant sur son côté.

- Qu'est-ce que vous faites ! s'exclama Elo.

Des perles bleues jaillirent du coffre : le collier millénaire cousu à même le linceul venait de voler en éclat. Puis, la Capitaine s'empara du masque funéraire, lui aussi en bois et peint d'un visage d'homme et d'une coiffe d'une qualité exceptionnelle. Il couvrait la momie jusqu'à son torse et cachait les bras croisés dessous, cible de la Destructrice-de-patrimoine. Enfin, il ne lui fallut que quelques secondes pour trancher l'une des mains. Elle se fendit d'un sourire carnassier au bruit des os qui cédaient et répondit :

- Je ramène un souvenir !

La main dressée ponctua son exclamation d'un coup de poignet insolent, les tissus mous ne tenant plus que par l'opération du bandelettage.

Une telle violence coupa nette les plaintes d'Elo. Elle n'en revenait pas d'assister à cette scène au XXIème siècle, alors que les réserves des musées étaient pleines de ces morceaux de momies : des mains, des têtes et des pénis arrachés aux cadavres des anciens Égyptiens par les jeunes Européens des XVIème-XVIIIème siècles effectuant leur Grand Tour, et qui rentraient ensuite dans leur pays avec cette preuve « exotique », ce souvenir fascinant de leur voyage « éducatif » et initiatique - car ils s'étaient abreuvés de connaissances auprès des mystères des pharaons. Elo devint livide et espéra secrètement que la main prenne vie à la manière de Tutenstein, la momie du dessin animé de son enfance, pour sauter au visage de la criminelle. Les morts avaient droit à des manucures soignées, aucun doute qu'elle pourrait lui griffer la peau.

Morgan dut remarquer ses yeux brûler de colère, car elle posa une main sur son plexus et tendit un autre bras vers sa mère.

- Tu penses que ça leur suffira ? lui demanda-t-elle.

Heka TombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant