Elo était couverte de sable de la tête aux pieds, de l'élastique de ses chaussettes jusqu'à celui de ses cheveux, en passant par son slip. Du faisceau émanant de son front, elle scrutait les murs, à la recherche de caches de cataphiles.
Son pied heurta la tête d'une pelle détachée de son manche. Elle la ramassa, puis l'utilisa pour fouiller les tas de remblai. Ses bras étaient lourds ; si l'état d'ébriété s'était dissipé en un éclair, l'alcool, lui, circulait toujours à son aise dans son sang.
Le deuxième morceau de carte qu'elle trouva était coincé dans un creux, entre deux rochers. Il fallait avoir l'œil vif pour repérer les secrets des catacombes. Elle sortit son couteau suisse et taillada le métal de la conserve à grands coups, sa lèvre sèche mordue entre ses dents. C'était une boîte réutilisée dont le couvercle avait été soudé, probablement par Milo.
À l'intérieur, le papier indiquait « 4/12 ». Il lui manquait donc deux secteurs. Dans celui-ci, un nom lui sauta aux yeux : la Fontaine des Chartreux. Une aubaine ! Non seulement elle se rappelait ce lieu, mais elle se souvenait de ce que lui avait dit Tintin : un habitué des descentes nommé Martin-Matin avait reconnu le symbole près de cette fontaine.
Seconde bonne nouvelle : Milo avait recensé d'autres informations en cas de besoin. Elo n'osait rêver, mais elle suspectait ce nouveau symbole, légendé : « caisse » dans la marge, d'être un point de ravitaillement pour personnes égarées dans les catacombes.
Elle tâcha de s'y rendre au plus vite. Sa lampe commençait à faiblir, ce qui était mauvais signe. La première chose que l'on apprenait en descendant dans les catas – après toutes les rumeurs et le folklore – c'était qu'il ne fallait jamais, absolument jamais, se retrouver dans le noir. Sans lumière, il était impossible de se déplacer : entre dénivelé et plafonds à hauteur variable, sans oublier l'eau et les chatières. Et sans point de repère, c'était se perdre, assurément. Il valait mieux ne plus bouger et espérer que les chiens vous retrouvent vite... si quelqu'un notifiait votre absence en surface.
La doctorante courait autant que possible, la carte froissée entre les mains. Elle faillit manquer un virage, glissa sur des graviers, avant d'atteindre son objectif, le souffle court. Trois marches faites de planches et tassées avec du remblai. Elo s'attaqua à l'une des contremarches à coups de pelle. À chaque frappe, sa lumière faiblissait. Elle n'avait plus de temps à perdre. Elle empoigna le bois à pleine main et l'arracha.
— Ah yes ! s'exclama-t-elle victorieuse.
Elle extirpa de la trappe une boîte en métal tachée par la rouille, dont la peinture rouge tombait dans le remblai en petites écailles. Elle était si vieille qu'Elo douta qu'elle ait été placée là par Milo. En fait, elle voyait bien le jeune cataphile en cartographe-archiviste, récolant les caches comme s'il ratissait une map de jeu à 100 %, puis consignait sur des cartes les trésors laissés par les générations passées pour les visiteurs futurs. Agenouillée devant la caisse, Elo se sentit soutenue par des bataillons entiers de cataphiles dans sa quête pour venger leurs défunts. Elo ne mourrait pas dans ces catacombes, grâce à eux.
Le verrou sauta au second coup de pelle. Elo ne voyait déjà plus que le bout de ses doigts. Elle avait eu raison de se précipiter ici : la caisse contenait quelques bougies en bâton et des allumettes.
Crac ! La flamme s'ébroua sur la mèche cirée au moment où sa lampe frontale rendait l'âme. Elo soupira de soulagement... soufflant la bougie.
À tâtons, elle chercha les allumettes, se cognant dans la caisse.
— Putain, tétanos !
La cire chaude coulait sur ses doigts alors qu'elle inspectait le reste de la caisse : un sifflet et deux boîtes de conserve. Elle n'avait pas de réchaud, mais, l'estomac vide depuis les deux tartines de beurre désormais complètement diluées par l'alcool, elle ne cracha pas sur cette incroyable trouvaille. Elle dégaina son couteau suisse et entailla le métal qui ne comportait même plus de date de péremption.
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Heka Tombe
ActionAu cours d'une rave dans les catacombes interdites, Eloïse tente d'impressionner son nouveau béguin, quand Paris s'effondre. Elle est doctorante dans la grande École du Louvre, mais la réputation de sa cousine « pilleuse de tombes » menace ses rêve...