Chapitre 33 :  Le Gouffre de Helm

7 2 0
                                    

La poussière calcaire s'éleva dans les airs. Le bruit métallique rebondit sur les murs, s'engouffrant dans le couloir comme une brise fraiche. Elo s'épousseta les mains au-dessus de la grille échouée au sol, puis elle dégagea de son visage les mèches qui s'étaient échappées de la couronne de tresse et chatouillaient son front. Ensuite, elle s'agenouilla devant le trou et balaya de sa lampe le conduit horizontal. Le bout était trop loin pour être visible. Elo avança son bras, un courant froid se referma autour de sa main.

Elle resta immobile une longue seconde. La question de Baudi résonna dans son crâne : « Tu es sûre que tu veux faire ça ? »

— Et s'ils sont directement de l'autre côté ? s'inquiéta la poète d'une petite voix.

— Pour l'instant y a pas d'autre côté.

Elo se tourna vers Baudi, pour constater que sa remarque ne l'avait pas rassuré. Alors elle ajouta :

— J'avancerai sans lumière.

Au contraire de ce qu'elle avait espéré, Baudi écarquilla les yeux de terreur. Elle secoua la tête, puis plongea la main dans son sac.

— Il me reste des bracelets de soirée, dit-elle en faisant craquer le tube de cristaux entre ses doigts.

Le liquide s'alluma d'un rose fluorescent. Baudi s'agenouilla et lança le bracelet dans le conduit horizontal. Il survola quelques centimètres avant de retomber au sol.

— Bon, au moins, ça t'aidera à voir... pour ne pas tomber dans un trou.

Alors que Baudi lui servait une mine désolée, Elo la fixait d'un air absent. Elle se demandait si la poète était toujours aussi soucieuse des autres, ou si elle lui montrait ces égards, parce qu'elle s'était engagée à enquêter sur son amie Al-Khansā.

— Ça va ?

La tête d'Elo se tourna vers l'étroit passage.

— Est-ce que je délire ? demanda Elo à voix basse.

— À quel sujet ?

— Pourquoi j'ai l'impression que la disparition de ma cousine, de mes amis et de la tienne ont un lien.

Baudelaire demeura étrangement silencieuse. Ses joues pleines semblaient s'être creusées soudainement. Ses yeux tombaient de tristesse. Elle haussa les épaules.

— Ce n'est pas grave si tu ne veux pas rentrer là-dedans. On peut attendre les...

Elo secoua la tête. Elle voulait aider à localiser les otages.

Après une longue seconde, les prunelles dorées de Baudi se firent plus perçants. Elle reprit :

— Qui sait où mène cette chatière ou ce qui a pu tuer ceux qui s'y sont aventurés.

Elo se surprit à attendre, religieusement, la suite de ses paroles.

— Qui sait s'il est plus sage de rester ou de partir ? Cela dépend seulement de ta volonté.

Elo réalisa que la question que Baudi ne posait pas était « pourquoi » ?

— Tu as peut-être des informations qui ne font sens ni pour moi ni pour toi. Pour l'instant. Mais j'ai vu, dans tes yeux, près du puits, ton instinct qui te poussait à y croire.

Les larmes montèrent aux yeux d'Elo. Elle bafouilla :

— C'est juste que... j'ai l'impression que tout fera enfin sens si je creusai juste un petit peu plus...

Son nez coulait ; elle renifla.

— Que la mort de mon ami ne pouvait pas être aussi accidentelle... ou que ce n'était peut-être pas ma faute.

Heka TombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant