CHAPITRE 62 : La boîte

4 0 0
                                    

C'est en sortant de l'école que ça la frappa : Elo avait mal aux zygomatiques à force de sourire.

Adossée contre la pierre froide qui servait de socle à l'un des deux lions de la Porte Jaujard, Baudelaire l'attendait. Ses cheveux brun coupés courts étaient cachés sous un bonnet bordeaux. Elle lui renvoyait un sourire encore plus large.

- Alors, alors ?

- Mention très honorable.

- Youhou !

Elo réceptionna Baudi qui bondit dans ses bras. Après une étreinte qui la réconforta jusqu'aux os, la poétesse la lâcha pour aller sautiller sur la pelouse émeraude. Quelques corbeaux mécontents croassèrent contre elle, boitillant en arrière.

- Ma coloc' est docteur en égyptologie !

- Je ne suis pas docteur ! Je t'ai déjà expliqué... j'ai validé ma thèse, oui, j'ai mon diplôme ici, mais l'École doctorale n'a pas validé mon parcours...

- Avec les applaudissements que j'ai entendus d'ici, je pensais qu'ils avaient changé d'avis... !

- Nop ! Pas de fouilles, pas de doctorat. Pas de doctorat, pas de doctorat.

- Eloïse ?

Elle se retourna vers sa directrice de recherche. Elle descendait les marches dans son long manteau noir, les mains déjà aux prises avec une cigarette et un briquet.

- C'est votre amie ? Baudelaire ?

La petite brune les rejoint en deux sauts de cabri.

- Vous pouvez m'appeler Baudi, dit-elle en tendant la main.

- Je voulais vous remercier.

- Ah, bon.

- Vous faites partie des Héros à ce que j'ai entendu, s'amusa la conservatrice dans une bouffée de fumée.

- Ah ah ! Je n'en reviens toujours pas d'avoir trimballé un pénis dans mon sac à dos ! C'est une anecdote à ressortir en soirée...

- Vous ne lui aviez pas dit ? s'étonna Sandrine à l'intention d'Elo.

Celle-ci tenta de dissimuler son sourire entre ses épaules. Non, elle n'en avait rien dit, ni à Baudi ni à la Capitaine ; à personne dans les catacombes. Elle ne se souvenait pas exactement quand elle avait compris ce que contenait la boîte ; peut-être quand les Chérubins l'avaient appelée la « Main d'Isis », ou peut-être quand elle avait vu cette marque sur le pelvis de la momie muscade. Cependant, elle n'en avait eu confirmation qu'en assistant à l'ouverture dans les laboratoires du C2RMF, sous le Louvre. Beaucoup avaient été surpris, certains déçus. Mais pour Elo et Sandrine, c'était seulement logique. Car, selon le mythe le plus répandu, Osiris, découpé en quatorze morceaux par son frère Seth, avait été rafistolé par Isis, son épouse divine, aidée de Nephtys et Anubis - entre autres divinités. Isis avait parcouru toute l'Égypte en quête des morceaux de son époux et avait pu les rassembler pour reconstituer le corps d'Osiris... toutefois à l'exception du pénis, mangé par les poissons-oxyrhynques. Isis avait donc façonné le membre manquant et l'avait dressé sur la momie d'Osiris - la première momie jamais réalisée. Ce détail expliquait notamment pourquoi certaines momies d'hommes avaient leur phallus enroulé de bandelettes et monté sur une tige de bois, afin de le maintenir... en érection. En effet, l'une des données importantes de ce mythe étant qu'Osiris, divinité permettant la renaissance de la terre, notamment à travers l'action d'Isis qui lui avait rendu la vie ; cette vie retrouvée en engendra même une nouvelle, car après avoir reconstitué la momie d'Osiris, Isis, sous sa forme d'oiseau rapace, se posa sur le membre dressé et, de cet accouplement, naquit Horus.

Heka TombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant