Chapitre 30 : Marraine la mauvaise fée

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Les mains rassemblées autour d'une tasse de soupe vide, Elo réfléchissait à leurs objectifs tout en envisageant les moyens de ne pas se faire tuer. Verlaine somnolait, la tête en arrière contre un mur, tandis que, dans ses bras, Rimbaud sauçait le fond de la casserole avec du pain de mie. Ses boucles blondes tombaient sur son visage et dissimulaient ses traits aux yeux d'Elo qui aurait voulu le sonder ; savoir à quel point il était partant.

Baudi, qui s'était débarrassée de sa doudoune pour en faire un tapis où s'allonger, était devenue très enthousiaste à l'idée d'explorer les catas avec Elo. Une jambe ramenée sur un genou replié, son pied battait l'air en métronome de ses pensées. Les bras derrière la tête, elle réfléchissait à voix haute pour le groupe :

— Il faut essayer de repérer où ils se terrent. Eux aussi sont là depuis deux jours. Ils doivent manger, boire, dormir...

— Faire leurs besoins, ajouta Rimbaud entre deux bouchées. Si on peut retrouver leur campement, on pourra y conduire les cataflics.

— Ils doivent sans doute être près du Refuge.

— Je ne pense pas, intervint Elo. L'explosion, là-bas, devait juste servir à couvrir l'autre.

— L'autre ? s'étonna Baudi en stoppant son métronome. Où ?

La lèvre pincée entre ses dents, Elo se rappelait le trou de la crypte souterraine de l'ancienne abbaye, enterrée, qui menait jusqu'au laboratoire et au cellier. Elle baissa les yeux en se frottant le visage.

— Je ne suis pas sûre... Je me suis perdue.

Un soupir défait lui échappa.

— En plus, ils ont dû bouger depuis, reprit-elle. C'est à cause d'eux que les conduits sont inondés. Ça m'a fait perdre le sens de l'orientation et je suis sortie là où j'ai pu.

— Mmm... marmonna soudain Verlaine.

Rimbaud se tourna vers son copain déjà en train de se rendormir.

— Je te gêne ? chuchota-t-il.

Pour toute réponse, le barbu raffermit sa prise autour du ventre de Rimbaud.

— Oh là, doucement ou je vais recracher toute ma soupe.

Les paupières de Verlaine s'entrouvrirent et, après un claquement de langue :

— Je crois que j'ai déjà vu une autre grille comme celle-là, articula-t-il en inclinant la tête vers le puits.

Les sourcils de Rimbaud se froncèrent tant qu'ils se rejoignirent en une ligne touffue. Il était dubitatif, au contraire de Baudi qui se redressa d'un coup. Ses prunelles tremblaient d'excitation.

— Ah mais oui ! souffla-t-elle. Tu sais, là où on était tombé sur la messe noire !

Rimbaud se crispa, surpris par le frisson qui électrisa tout son corps. Sa bouche se tordit d'écœurement au souvenir de l'événement.

— Ah la vache, je vois carrément.

Baudi, à nouveau en tailleur, se pencha vers eux. À l'arrière de sa tête, ses cheveux étaient tous emmêlés.

— Verlaine, tu saurais nous y emmener, d'ici ?

— Yep.

— Ok, ok... s'imposa Elo avant que Baudi et Rimbaud se lèvent. Mais d'abord, je crois que j'ai besoin de dormir.

— Je ne serais pas contre une petite sieste aussi, dit Verlaine dont le menton était tombé dans les boucles blondes.

— T'inquiète, Catamomie, sourit Rimbaud en grattant affectueusement la barbe de son copain. On veille sur toi.

Heka TombeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant