VIII

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Faith

Je me demande sincèrement si quelqu'un éprouve de la joie le jour de la photo de classe. Nous nous forçons à nous embellir, à farder nos visages pour finalement ne ressembler à rien une fois les photos payées. C'est pourquoi je n'en achète jamais, c'est inutile. Le bus démarre, et mes cheveux, malgré les trois quarts d'heure passés à les lisser, cèdent déjà. L'humidité dans l'air annonce probablement une pluie proche. Bien que j'aime la pluie, ce temps n'a aucun point positif...

Après une demi-heure de trajet, le bus atteint enfin le lycée. Des regards peu bienveillants me fusillent depuis la diffusion de la vidéo qui a fait le tour de l'établissement. Je ne m'étais pas vraiment attachée à Jack, nous n'étions pas en couple. C'est juste moi et mes idées absurdes. Mon avide besoin de réconfort et mon énorme manque de protection masculine. Tout ça à cause de mon père, qui, en réalité, n'existe pas. J'ai une figure paternelle, mais je n'ai pas de père. Il y a toujours un individu se prétendant être mon père, m'engueulant au moindre faux geste, à la moindre occasion. Il me hait probablement, il ne m'a jamais souhaitée. C'est triste, mais véridique.

Une fois arrivés, on nous a demandé de nous rendre dans l'une des salles du lycée. Je suis de loin quelques garçons de ma classe qui s'y dirigent. J'ai toujours du mal à m'orienter ici, bien que l'établissement ne soit pas si grand. J'atteins finalement une salle complètement déserte, au centre de laquelle une femme arrange quelques chaises. Nous allons encore devoir patienter de longues minutes avant que Monsieur Johnson n'arrive.

— Où est votre professeur principal ? demande la dame.

— En retard, comme d'habitude, répond Kate.

La porte s'ouvre brusquement.

— Là, là, je suis là, déclare le professeur, essoufflé.

Il a fait un effort, un tout petit. Il a seulement humidifié ses cheveux, c'est tout.

— Maintenant que votre professeur est ici, je vais vous placer.

Elle commence par les plus petits de la classe. Contrairement à mes années de primaire, je n'en fais pas partie. Je me tiens plutôt debout sur la deuxième rangée.

La femme s'approche de son appareil, appuyant à plusieurs reprises sur le bouton. Nous affichons tous le même sourire forcé, essayant de ne pas grimacer en affrontant le flash. Monsieur Johnson est à mes côtés. Je pensais qu'il avait délibérément mouillé ses cheveux pour la photo, mais l'odeur de son shampooing emplit mes narines. Il n'a probablement pas eu le temps de les sécher, ou alors la pluie a déjà commencé à tomber.

Une fois cette magnifique séance photo terminée, nous nous dirigeons vers l'extérieur, prêts à partir en cours d'anglais.

— Madame Smith n'a pas pu venir aujourd'hui, regardez le temps, j'ai failli rester coincé aussi, nous annonce monsieur Johnson.

En tournant la tête vers la fenêtre, je vois que la pluie tombe comme il faut, un peu trop. Le vent est assez violent, ça en fait presque peur vu du couloir.

— Allez en permanence, ou avec moi, je n'ai pas cours.

Je m'apprête à aller en permanence laissant le professeur seul. Mais voyant que personne ne se joint à lui, je décide de rester dans sa classe durant l'heure, incitant quelques autres personnes à nous suivre.

Nous sommes en tout sept dans la classe, à part le professeur. Monsieur Johnson corrige des tests ayant l'air de l'énerver particulièrement. Je ne fais rien. Je regarde la vaste pièce essayant de ne pas m'endormir.

— Sortez du travail si vous n'avez rien à faire.

Je relève à peine la tête. Sa voix résonne sans qu'il ne lève le nez de ses copies. Lorsque le professeur est contrarié, il mordille le manchon de ses lunettes, qu'il porte rarement. Drôle de tic. Pendant qu'il s'occupe, les autres élèves travaillent, et moi, je macule les pages de mon carnet de pensées. C'est chiant de penser, mais difficile de s'arrêter. Je me demande si l'autre jour à la bibliothèque, Johnson a lu le passage que j'avais écrit concernant les pensées dans mon carnet. J'espère sincèrement que ce n'est pas le cas, car s'il l'a fait, il doit probablement me prendre pour une pauvre fille dépressive, ce qui n'est finalement pas tout à fait faux.

Forgotten MemoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant