Forgotten Memory

LXVIII

Alban

Les tribunes du stade sont pleines. Plus de six cents personnes se sont réunies ici pour assister à la cérémonie de graduation des élèves de terminale. L'écho des conversations se mêle à celui des rires étouffés. La cérémonie ne commencera que dans dix minutes. James, ou plutôt Monsieur Hudson, est assis à mes côtés, le regard pétillant d'une fierté qu'il ne peut dissimuler. Il ne cesse de me vanter sa fille qu'il considère comme l'incarnation même du succès, et qui aujourd'hui se tiendra devant nous pour prononcer le discours de Valedictorian.

- Victoria... J'ai toujours su que j'avais bien choisi son prénom, me dit-il. En dix-huit ans d'existence, elle ne m'a pas déçu une seule fois, elle est la victoire. Meilleurs résultats de ce prestigieux lycée, Alban, tu t'en rends compte ?

Je hoche la tête, me contentant d'acquiescer sans vraiment y prêter attention.

- Félicitations à elle, dis-je, d'un ton presque détaché, trop accaparé par mes pensées pour lui accorder toute mon attention.

- J'imagine que tu l'as toi-même constaté, pas vrai ? Quand Victoria m'a dit que sa matière préférée n'étaient pas les mathématiques, mais l'histoire, j'ai eu mal, mais bon... Elle obtenait des résultats exceptionnels, n'est-ce pas ?

- Pas les meilleurs, mais c'était très bien, réponds-je.

- Qui avait les meilleurs ? Ne me dis pas que c'était Owen. C'est son rival depuis toujours...

Je secoue la tête, un petit sourire en coin qui s'efface bien vite.

- Non, Faith, Faith Davis, c'est elle qui obtenait les meilleurs résultats en histoire.

Un silence lourd s'installe entre nous. Il ne dit rien, mais je perçois la légère contrariété de ne pas voir sa fille en tête dans cette matière qu'elle chérit tant. Il a probablement, lui aussi, entendu les rumeurs qui courent à notre sujet, avec Faith. Mon attention, cependant, s'échappe de la conversation pour se porter sur une silhouette qui attire mon regard. Cet homme aux cheveux noirs, vêtu de son costume, avec sa compagne à ses côtés, portant une robe noire élégante. Ils se sont remis ensemble...

Il me jette un regard furtif.

- C'est le père de Faith Davis, me dit James d'une voix plus basse.

- Oui, je le sais, murmuré-je, presque inaudible.

Je doute que Faith lui ait parlé de notre dernière rencontre. Ou plutôt, de cette dernière erreur que nous avons commise. Nous nous sommes laissés emporter, vendredi soir, dans ce moment où tout semblait suspendu, où la réalité s'est dissoute et où seuls les désirs ont dicté nos gestes. Nous étions ivres de ce sentiment étrange, presque irréel. Lorsque je me suis réveillé samedi matin, la main posée sur son corps à moitié nu, j'ai cru que tout allait s'effondrer autour de moi. L'horreur m'a saisi. J'avais juré de ne plus jamais m'approcher d'elle, de maintenir cette distance. Pas avant de partir. Mais à cet instant précis, il m'était impossible de résister. Impossible de lui dire non. Comment lui dire non quand ses lèvres, fiévreuses, retrouvaient les miennes pour la première fois depuis trop longtemps ? Comment lui dire non quand le seul désir de la toucher, de sentir sa peau sous mes doigts, devenait une nécessité ? Comment lui dire non quand, enfin, tout ce que j'avais réprimé pendant des mois surgissait ?

Je ne pouvais tout simplement pas.

Le son de talons frappant le sol attire soudainement mon attention. Je lève les yeux et aperçois Jenna. À contre-courant de ses habitudes, elle est vêtue d'une robe élégante. Elle nous sourit, un sourire tout aussi radieux qu'audacieux. Je ne peux m'empêcher de remarquer que, lorsqu'elle se dirige vers nous, l'enthousiasme que j'aurais pu ressentir se fait étrangement absent, presque éteint.