XV

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Faith

Le souffle du vent se tait, et la pluie, absente malgré un ciel grisâtre, ne suscite aucun désir en moi, si ce n'est celui de plonger dans le sommeil. C'est lorsque Kate et Sharon m'invitent à les rejoindre dans les toilettes du lycée, endroit qu'elles affectionnent inexplicablement, que je me retrouve prisonnière de leurs bavardages monotones sur les garçons et les soirées. L'ennui s'installe, dépourvu de toute attraction, presque insupportable. Peut-être est-il préférable de renoncer à l'idée d'avoir des amies, après tout...?

— Et toi, Faith, t'as un petit ami ? m'interroge Sharon.

Je relève la tête du sol, croisant leurs regards curieux.

— Non, avoué-je.

Kate hausse les sourcils, manifestement surprise.

— J'aurais juré que c'est lui qui t'harcèle de messages en histoire, remarque-t-elle en analysant sa manucure.

Je secoue la tête.

— Tu ne m'as pas l'air convaincue, avoue Sharon.

— C'est vrai, ajoute Kate.

Elles échangent un regard complice avant de m'arracher mon téléphone des mains, y ayant accès sans difficulté, et l'appréhension s'installe.

— Qu'est-ce que vous faites ? leur demandé-je, tentant de le récupérer.

— Tu peux tout nous dire, tu sais, assure Sharon.

Elle examine mon téléphone avant d'échanger un sourire moqueur avec Kate. Je passe probablement encore pour je ne sais quelle merde à leurs yeux. À cause d'un téléphone que mon père a payé pour "me faire plaisir," comme si cela pouvait réparer ses erreurs, gravées à jamais dans mon cœur, sur mes poignets, mes cuisses...

Elles ouvrent d'abord l'icône "téléphone."

— Tu n'as que six contacts ? s'étonnent-elles.

Dont quatre que je n'utilise plus, effectivement.

Je hoche la tête.

— Jack, qui est Jack ? me demande Kate.

— Mon oncle, réponds-je, cherchant une excuse.

Un sourire malicieux se dessine sur les lèvres de Sharon.

— Et Alban ? me questionne-t-elle.

Oh, non.

— Alban... réfléchis-je.

— Ne cherche pas d'excuses, souffle Kate.

Aucune explication ne vient.

— C'est pas un prénom de notre génération, ça... Il a encore vingt ans de plus, c'est ça ? demande Sharon, prête à éclater de rire.

— Non, je... Il ne s'agit pas de mon copain.

Et de toute façon, ce n'est pas comme si j'avais choisi.

— Sharon, Sharon, interpelle Kate, posant sa main sur sa bouche, choquée ou peut-être animée par le désir de me nuire, Alban, c'est pas le nom de Johnson ?

Sharon fait semblant de réfléchir avant de s'esclaffer, Kate se joignant à elle dans une symphonie désagréable à mes oreilles.

Elles accèdent aux messages en cliquant sur le contact.

— Tu as supprimé les messages ? me demande Kate.

C'est sur ces mots qu'elles me rendent mon téléphone.

Forgotten MemoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant