LXIV

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Faith

Quand tu te retrouves à pleurer ainsi, rappelle-toi que même les étoiles les plus sombres brillent de leur propre lumière.

Je suis assise, seule, dans un square reculé, loin de chez moi. L'air est saturé d'une odeur bizarre, un mélange d'alcool et de tabac, qui s'échappe d'un groupe de trois hommes un peu plus loin. Ils rient fort, comme pour défier le silence de ce coin tranquille. Je les observe distraitement, mais mes pensées dérivent rapidement vers cette nuit particulière. Cette nuit où quelqu'un s'était assis à mes côtés sur un banc, un inconnu qui, par sa seule présence, a bouleversé ma vie à jamais.

Ridicule. Oui, je le sais, et je m'en veux d'être à ce point prisonnière de ces souvenirs. Mais même en sachant ça, je ne guéris pas. Ce vide, ce besoin irrépressible d'exister dans le regard de quelqu'un, de me sentir importante... C'est une obsession que je ne parviens pas à effacer. Aujourd'hui, je n'ai plus personne vers qui me tourner, alors mes pensées s'égarent. Je réfléchis à des choses que la Faith d'il y a quelques mois aurait trouvées absurdes. Jack, Alban... Ils sont partis de la même manière. Et si le vrai problème, c'était moi ? Parfois, je me demande encore comment j'ai pu accorder ma confiance à Alban après ce que Jack m'avait fait. Était-ce de la naïveté ? Difficile de croire que ce soit aussi simple.

Mais au moins, Jack n'a pas choisi de partir. Parfois, l'idée de le revoir s'impose à moi. Juste une dernière fois. Rien qu'une fois.

Je me lève brusquement. La détermination me submerge, balayant toute hésitation. Je traverse le square sans un regard en arrière, m'arrête juste à temps pour voir arriver le bus. Il s'immobilise et je monte, silencieuse. Une fois assise, je fixe l'horizon par la fenêtre, cherchant un apaisement que je sais introuvable. Chaque arrêt me rapproche un peu plus de lui, et du lieu que je m'étais promis de ne jamais voir.

Et pourtant, je suis là, incapable de renoncer. L'idée s'est installée en moi, tenace, et je n'ai plus qu'à la suivre.

Quand le bus s'arrête, je descends, le souffle suspendu. Devant moi se dresse la façade grise de la prison. Je reste figée un instant, le cœur battant à tout rompre, hésitant entre le courage et la peur.

Mais quelque chose, au fond de moi, me pousse à avancer. Mes pas résonnent sur le bitume du parking désert. À l'entrée, une agente en uniforme me dévisage, son regard strict et interrogateur me clouant sur place.

— Bonjour, je viens rendre visite à un détenu, Jack Jones, dis-je d'une voix qui tremble légèrement malgré moi.

Elle me scrute un instant avant de hocher la tête et de m'indiquer la marche à suivre.

— Remplissez ce formulaire et attendez dans la salle d'attente.

Ses mots tombent, détachés. Pourtant, chacun d'eux me percute. Je suis vraiment là. Mon esprit cherche désespérément une phrase, un mot. Mais rien ne vient.

Je m'assois sur une chaise en plastique, trop dure, trop froide. Sur mes genoux, le formulaire repose. Une vieille femme, assise à ma gauche, tripote un mouchoir entre ses doigts tremblants. À quelques sièges de là, un adolescent fixe son téléphone, immobile, figé dans un mutisme. Tout autour, le silence est presque palpable. Il n'est troublé que par le bourdonnement monotone des néons suspendus au plafond.

Puis, mon nom retentit. Je me lève, mes jambes vacillantes sous un poids qu'elles semblent soudain incapables de porter. Un agent m'attend. Il ne dit rien, se contentant de m'indiquer d'un signe de tête un couloir étroit, sans fin, qui s'ouvre devant nous. Je le suis, chaque pas me rapprochant de lui.

Enfin, il s'arrête. Il désigne une petite salle vitrée du bout du doigt, sans un mot. Je prends une profonde inspiration avant d'entrer. Et là, il est là. Jack.

Forgotten MemoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant