XXVIII

213 21 24
                                    

Faith

L'heure d'histoire se déroule dans un silence presque solennel, chacun immergé dans son travail autonome. Alors que tout le monde s'affaire, anticipant le ramassage à venir, je suis déjà en avance. De temps à autre, Monsieur Johnson relève la tête de ses copies, balayant la classe du regard, jusqu'à ce qu'il s'arrête sur moi. Il joue machinalement avec ses lunettes accrochées à son t-shirt, jamais posées sur son nez.

J'ai noté un changement dans sa coupe de cheveux. Ça lui va plutôt bien, mais je me demande où il a bien pu aller pour que son coiffeur rate l'arrière. Rien de très remarquable, juste un petit détail qui ne m'a pas échappé.

Je suis sûrement la seule à l'avoir remarqué.

Alors que je lutte pour ne pas succomber à l'ennui de l'heure, un morceau de papier atterrit sur mon bureau. Kate me lance un sourire complice, et en dépliant le papier, je découvre qu'il s'agit de sa feuille, froissée.

Arquant un sourcil, je la dévisage, et elle me fait signe d'écrire. La lumière se fait dans mon esprit, et je hoche la tête, prenant mon stylo pour remplir sa feuille, changeant mes réponses au mot près. Soudain, la voix bien connue de Monsieur Johnson interrompt le doux murmure du silence.

- Faith, tu n'avais pas fini ? m'interroge-t-il.

Un moment de suspens s'installe, puis je secoue légèrement la tête.

- Non, elle n'avait pas fini, intervient Kate avec assurance.

La tension s'accroît lorsque Monsieur Johnson reprend la parole :

- Ce ne serait-ce pas la feuille que tu as jetée que Faith tient dans les mains en ce moment même ?

- Je n'ai jeté aucune feuille.

- Alors peut-être suis-je fou ? Parce qu'il me semble bien avoir vu une feuille survoler la classe quelques minutes plus tôt.

- Non, Monsieur, ce n'est pas vrai, lui dit Kate. Pas vrai, Faith ?

Les regards de toute la classe ainsi que celui de Monsieur Johnson se posent sur moi :

- Non, mens-je. Non, ce n'est pas vrai.

Il hoche la tête et je continue à faire ce que j'étais en train de faire, l'inquiétude mêlée à la gêne flottant dans l'air.

Je me dépêche de finir puis relance la feuille. Monsieur Johnson ne dit rien. Mais rien qu'à ses yeux, je peux deviner qu'il sait très bien ce qu'il se passe.

La sonnerie vient clore cette heure, mais l'interrogation persiste dans le regard de Monsieur Johnson. Alors que la classe se vide, il s'approche de mon bureau et murmure :

- Pourquoi tu l'as défendue ?

Je hausse les épaules, perplexe. Un échange de regards inquiets s'opère lorsqu'une annonce  retentit : « Alban Johnson et Faith Davis sont attendus dans le bureau de la directrice. »

Il pose les copies qu'il a ramassées sur son bureau.

- Pourquoi faire ? m'interroge-t-il comme si j'avais la réponse à sa question.

- Je n'en ai aucune idée.

Il soupire et je le suis, quittant la classe.

Le couloir défile sous nos pas, les regards des autres interrogateurs ou amusés. Dans l'attente du pire, je fixe le sol. Devant le bureau de la directrice, Monsieur Johnson s'apprête à frapper, mais la porte s'ouvre brusquement.

Forgotten MemoryOù les histoires vivent. Découvrez maintenant