Qu'est-ce que ça me blase quand nos conversations finissent comme ça, dans la frustration et le reproche. Je me suis comporté comme un con ! Je déteste être comme ça, tout ça parce que je n'ai pas ce que je veux, quand je veux. On dirait un gamin pourri gâté. J'aurais tellement aimé qu'on passe les fêtes ensemble. Ma mère était enchantée à l'idée que je puisse venir avec Alix, alors que je ne lui en avais même pas parlé.
J'ai tellement envie, tellement besoin qu'elle fasse partie de mon quotidien, que parfois j'agis de mon côté sans même la concerter. Il faut que j'arrête ça ! Et je déteste la peiner, comme je viens de le faire. J'ai bien vu qu'elle était tendue et voulait en finir avec moi pour aujourd'hui. Je ne lui en tiendrai même pas compte, car j'aurais sûrement réagi de la même façon si les rôles étaient inversés.
Elle me manque si fort, que certains jours comme celui-ci me paraissent insupportables. Ça me rend fou de ne pas l'avoir près de moi. Tout me manque : sa voix, son regard, sa présence. Et quand nos échanges se terminent de cette manière, je suis encore plus frustré. Frustré parce que je sais que mon esprit ne va penser qu'à elle et tout ce que j'aurais à faire pour m'en débarrasser au plus vite, sera de me satisfaire avec pour seule compagnie ma main gauche ! Putain, c'est une torture !
Est-ce que les femmes fonctionnent comme nous ? Je veux dire, quand la frustration est à son paroxysme et qu'elle est mélangée à un désir profond, est-ce qu'elles en viennent à se satisfaire ? Je ne m'étais jamais posé cette question et voilà que je n'arrive pas à la chasser de mes pensées. Bon sang, Josh, quel crevard tu fais ! Décidément, ça ne m'arrange pas de traîner avec Giu en ce moment, avec sa libido qui déborde d'énergie.
Après cet échec cuisant de pouvoir m'envoyer en l'air avec elle par écran interposé, je retourne dans le salon où Curtis a préparé des popcorns. Ah ouais, il prend notre soirée ciné au sérieux. Nous choisissons assez rapidement un film, alors que d'habitude, ça nous prend des plombes parce qu'on aime pas forcément le même genre cinématographique. On lance Lawless, d'Hillcoat. Je l'ai déjà vu une ou deux fois, mais c'est un film que j'aime bien voir. J'adore l'ambiance entre le western et film de gangsters, et puis Tom Hardy... Ce gars est parfait dans chaque rôle qu'il incarne.
Le film dure un peu moins de deux heures et passe assez rapidement. Quand le générique de fin arrive, Curtis me demande si je veux qu'on aille boire un verre en ville. Ça fait longtemps qu'on a pas passé une soirée rien qu'à deux et ça me manque.
Quand je retourne dans ma chambre pour me changer avant de sortir, je décide d'envoyer un message à Alix pour m'excuser. Je n'attends pas particulièrement de retour, juste qu'elle sache que je suis conscient de ne pas tenir totalement ma promesse de ne pas la brusquer et que je m'en veux pour ça.
* * *
Il est un peu plus d'une heure du matin lorsque nous rentrons à l'appartement. On a bu plusieurs verres, parlé de tout et de rien, et ça m'a fait un bien fou. Curtis sait écouter sans jugement, et c'est exactement ce dont j'avais besoin.
Mais une fois dans mon lit, la réalité me rattrape. Ce lit est froid et vide, comme tous les soirs. Comme à l'accoutumée, mes pensées s'évadent vers la fille qui hante mes nuits, mes journées, chaque satané jour qui passe. J'aimerais tellement la tenir dans mes bras, sentir son odeur, effleurer sa peau... Cette distance est un enfer. Trois semaines qu'on s'est retrouvés, et je crains déjà de ne pas tenir le coup. Néanmoins, je lui ai fait une promesse. La promesse d'être patient. Alors je vais essayer de m'y tenir, si je ne veux pas la voir m'être un terme à notre histoire.
Pourquoi est-ce si dur ? Honnêtement, je ne pensais pas que ce le serait. Surtout pas au stade de notre relation. Nous n'en sommes qu'aux prémices de la découverte de l'autre et pourtant j'ai l'impression d'être un amoureux transi, à qui il manque sa bouffée d'oxygène. La distance qui nous sépare est un rappel constant de la brutale réalité de notre situation. Je suis constamment dans un entre-deux de sentiments. Comment est-ce possible de ressentir des émotions si ambivalentes ? L'avoir rencontré est une bénédiction et un fardeau à la fois ; du moins actuellement. Nos cœurs fragiles sont à la fois exposés entre la passion et la peur de l'abandon.
Curtis, ce sage et philosophe d'ami, m'a dit tout à l'heure que je cherchais mon ancrage, où l'éloignement et le manque occupent tout l'espace autour de moi. Que mes attentes la concernant me consument à petit feu et me retiennent prisonnier où chaque non-dit, chaque silence pesant, m'enfonce un peu plus. Je n'ai pas pu m'empêcher de rire parce qu'il m'a sacrément percé à jour ! Mais il est hors de question que je lâche maintenant, il faut que je m'accroche à l'espoir aussi fragile soit-il que notre connexion est plus forte que tout. Même dans les moments les plus sombres, les plus incertains, il faudra que je m'y accroche corps et âme.
Car j'ai beau le réprimer pour éviter de souffrir au maximum, je suis attaché à elle. Plus que je ne le pensais. J'éprouve des sentiments si forts, que c'en est absurde ! Et que si j'étais parfaitement transparent et honnête avec moi-même, je dirais que je l'aime. Bordel que je l'aime !
Mais je dois me freiner. Je ne sais pas du tout ce qu'elle éprouve de son côté, bien que je l'entrevoie quelquefois à travers son regard. Mais la patience aura raison de nous. Je le sais, le ressens.
Allongé sous la couette, un bras plié derrière ma tête, je fixe le plafond dans l'obscurité de la chambre. Mon esprit vogue ailleurs, dans une région où rode le désir charnel. Je grogne de frustration. Je suis tellement prévisible !
Je ferme les paupières au moment où des images évocatrices d'Alix apparaissent devant mes yeux. Ça ne calme pas absolument mes pulsions, bien au contraire, ça les accentue deux fois plus. Je frissonne à l'idée de pouvoir lui faire toutes les choses que j'ai en tête et cède en me laissant aller aux rêveries brûlantes de la nuit.
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The Love We Stole
RomanceAlix, épuisée dans une routine sans saveur et frôlant le brown-out depuis un certain temps, obtient finalement quelques jours de répit auprès de son manager. Sur un coup de tête, elle choisit de s'éclipser quelques jours à Londres pour se ressourcer...