LII. Rupture

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Jordan l'observa avec effroi, s'approchant de lui doucement. Il était complètement instable, à bout émotionnellement. Il perdait complètement pied. Les larmes aux yeux, Gabriel braquait son arme sur l'homme. "Si tu bouges, je te tue." souffla-t-il. Jordan était de plus en plus proche de lui. "Toi aussi, ne t'approches pas." reprit Gabriel en pointant le pistolet sur lui.

"Gabriel." appela Jordan. Entendre son prénom le fit tressaillir. Il avait oublié la personne qu'il était autrefois, cet homme bienveillant, gentil, profondément aimant. Gabriel, l'homme qui avait succombé sous la pression. "Ce n'est pas toi. Ce n'est pas l'homme dont je suis tombé amoureux. Tu ne ferai jamais ça..." chuchota-t-il en se rapprochant de lui. Gabriel changeait de cible, essayant de garder le contrôle de la situation. "Lâche ça." ordonna Jordan, doucement. "Tu ne comprends pas... Si je le laisse partir, ils vont te... ils vont nous..." bégaya Gabriel, la main tremblante. "Je sais. Mais on trouvera une solution. Ensemble." continua-t-il à seulement quelques mètres de lui.

Gabriel le regardait. Jordan réussissait enfin à lire à travers lui. Gabriel était terrifié, terrifié qu'il leur arrive quelque chose, que cet homme menace les chances de récupérer sa vie d'avant pour laquelle il s'était tant battu. Il comprenait qu'il s'était perdu en essayant de les sauver, développant une véritable obsession, persuadé qu'elle était nécessaire à sa survie. Il réalisait également que Gabriel lui avait menti depuis le début, ne l'ayant jamais prévenu explicitement du contenu de ses appels avec Léonardo où visiblement il lui fournissait toutes sortes de moyens pour arriver à ses fins.

Il observa l'homme qui n'avait pas bougé depuis le début, il semblait désemparé par la peur. Il scrutait Jordan avec un air suppliant, comprenant qu'il était le seul à pouvoir le sauver d'une pareille situation. Il n'oublierait jamais tous ces regards marqués par la peur, gravés dans son esprit à jamais. "Si tu lâches ça, tout va s'arranger Gabriel. Ce n'est pas une solution de faire du mal. Ça n'en a jamais été une, au contraire." souffla-t-il, à quelques centimètres. Jordan s'approcha de lui au point où son front touchait le canon de l'arme. Jordan posa ses mains sur les siennes, tremblantes et les caressa, avant de plonger son regard dans le sien. Gabriel pleurait, dépassé par ses propres actions. "On va mourir, Jordan..." murmura-t-il presque inaudiblement. Gabriel s'effondra, laissant enfin tomber son arme.

Jordan le prit dans ses bras dans un geste désespéré, le libérant de toute la pression qui le consumait. Il récupéra l'arme qu'il fit glisser loin d'eux. De forts sanglots animaient Gabriel. Ils devaient sortir d'ici, absolument. Ils savaient que cet homme les trahirait peu importe ce qu'il pouvait promettre. "Gabriel, on doit partir, maintenant." dit-t-il en prenant son visage entre ses mains, essuyant les larmes coulant de ses yeux.

Il acquiesça et ils entreprirent de courir dans le musée pour s'enfuir. Les gardes ne prirent que peu de temps avant de les retrouver. Ils immobilisèrent Gabriel, qui tenait la main de Jordan fermement. Deux hommes essayèrent de l'arrêter en vain et Jordan asséna un puissant coup dans le visage d'un des hommes. Plus que deux. L'autre le regarda avec effroi, comprenant qu'ils s'étaient fait tromper depuis le début. Il se jeta sur lui. L'homme tenta de passer ses bras sous les aisselles de Jordan pour le bloquer, sans succès, puisque ce dernier lui rendit un énorme coup de tête, l'étourdissant, avant de le frapper en pleine face. Plus qu'un.

Jordan se retourna et vit Gabriel se débattre dans les bras du troisième homme. Animé par la rage de voir son amant souffrir, il s'élança vers lui, donnant un coup de poing dans sa joue pour libérer Gabriel de son emprise. Ils auraient pû partir, mais Jordan ne pouvait pas en rester là. Il s'approcha du dernier homme toujours debout et lui infligea un coup de genou dans le ventre, le faisant chuter définitivement. Jordan s'approcha de Gabriel avec un regard doux avant de lui reprendre délicatement la main pour qu'ils puissent s'enfuir.

Dehors, Jordan regardait partout autour d'eux, alerte au moindre bruit. La voiture les attendait toujours. Leur seul but était de s'en aller loin, pour leur laisser le temps d'au moins trouver une solution. Jordan démarra sans attendre. Ils enlevèrent leur gants qu'ils jetèrent sur la banquette arrière. Gabriel ouvrit la fenêtre tout en allumant une cigarette. Le vent sur sa peau le ramenait à la réalité, à ses propres actions. Il regrettait. Il regrettait tout ce qu'il avait fait subir à Jordan, ce qu'il s'était infligé à lui-même et aux autres. "Je suis désolé Jordan. J'ai perdu le fil." murmura-t-il, perdu. Jordan le regarda tendrement et posa sa main sur sa jambe pour lui faire part de sa compréhension.

Il le comprenait, le nombre d'erreurs qu'il avait faites sous la pression. Le nombre de fois où Jordan avait mis Gabriel en difficulté. Certes, il avait tous les droits de lui en vouloir et de le haïr pour la façon dont il l'avait traité mais il ne pouvait pas se résoudre à l'abandonner maintenant, après tout ce qu'ils avaient vécu. "Je t'aime tellement Jordan, je suis désolé..." sanglota Gabriel en prenant désespérément sa main. "Je sais, ne t'en fais pas." souffla Jordan.

Ils ne savaient ni où aller ni quoi faire mais leur seule certitude était qu'ils resteraient ensembles. Envers et contre tout. Gabriel regardait machinalement son téléphone, résistant à l'envie de le consulter pour trouver une solution. "C'est fini, n'est-ce pas ? Demain, tout le monde nous haïra, tout le monde saura ce que j'ai fait." murmura Gabriel, pathétique. "Sûrement. De toute façon, j'aurai renoncé à ma carrière pour toi." souffla Jordan d'un sourire triste. Gabriel se tourna vers lui, déstabilisé, il n'aurait jamais pu croire qu'il lui dise une pareille insanité. "Mais... mais tu n'as rien d'autre que la politique." bredouilla Gabriel. "C'est ce que je croyais. Mais je t'ai toi, ça me suffit." répondit Jordan.

"Mais tu ne peux pas te laisser engloutir par la pression que tu mets au niveau de tes résultats." continua-t-il. Une larme coula le long de la joue de Gabriel. "Je sais que tu n'as jamais voulu me faire du mal, au contraire." Une deuxième. "Tu essayais de nous protéger, mais tu es allé trop loin, sans que personne ne puisse t'arrêter." Une troisième. "Et je ne vais pas te dire que ce sera facile. On va devoir tout réapprendre." Une quatrième. "Réapprendre à s'aimer, à se faire confiance, à être tendre l'un envers l'autre." Un sanglot étouffé. "Mais je crois en nous comme je n'ai jamais cru en quoi que ce soit Gabriel." Un autre. Gabriel prit son visage entre ses mains, désespéré, réalisant enfin pleinement, la folie dans laquelle il était tombé.

Un trou noir dans lequel Jordan s'était jeté pour venir le sauver. 

Il semblait que Gabriel s'effondrait sur lui-même. Il tenait fermement la main de Jordan, seule chose à laquelle il pouvait véritablement se raccrocher. Il pleura en silence pendant une longue heure, intégrant petit-à-petit tous les éléments qui l'avaient conduit à cette soirée maudite. Il se reprenait lentement, larme après larme, grâce à la présence indéfectible de son amant qui n'avait cessé de lui prendre la main. Il était devenu presque calme, presque bien dans son mal-être.

Subitement son téléphone sonna, glaçant le sang des deux hommes. "On va mourir Jordan, ils vont nous retrouver et nous tuer. Je t'en supplie..." craqua Gabriel dans de nouveaux sanglots. Il prit le téléphone en essayant de se contenir au maximum. Mais voir le nom du contact s'affichait sur l'écran ne fit qu'augmenter ses pleurs.

Appel vocal entrant : Emmanuel Macron

Un point partout (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant