Ils s'arrachèrent l'un à l'autre après une longue étreinte, le visage en feu, incapables de prononcer un mot. Jordan contemplait les mèches rebelles encadrant le visage délicat de Gabriel. Il réalisait tout juste ce qui venait de se passer et la révolution qu'il venait d'entreprendre dans sa vie. Gabriel croisa son regard et lui adressa son sourire en coin emblématique. Les mots pour décrire à Gabriel ce qu'il venait de lui faire ressentir échappaient à Jordan. « Alors, qu'est-ce qu'on fait maintenant ? » demanda-t-il, incertain de vouloir entendre la réponse. « Aucune idée » répondit Gabriel, malicieux. Maintenant que Jordan admettait son attirance pour lui, il s'autorisait à étudier chaque traits de son visage, il n'arrivait pas à détacher ses yeux de lui, complètement hypnotisé.
C'était encore trop tôt pour qu'il puisse s'avouer ses propres sentiments, même s'il comprenait que tout était différent maintenant qu'il avait rencontré Gabriel. Il était secoué par des pulsions contradictoires le poussant à la fois à l'étreindre et à le rejeter, et ressentait un besoin impératif d'être seul pour rassembler ses pensées. « Je pense qu'il vaudrait mieux que je rentre, j'ai un gros meeting demain... » annonça-t-il, rompant le silence. « Pas de souci, je comprends, ne t'en fais pas. » lui répondit Gabriel. « Tu sais... Je sais aussi que tout ça est nouveau pour toi. Tu peux me recontacter quand tu seras plus à l'aise et plus au clair avec toi-même. » ajouta-il, comme s'il avait deviné exactement ce qui se tramait dans la tête de Jordan. Ce dernier le remercia d'un sourire timide.
En sortant, Jordan ne savait comment dire au revoir à Gabriel, ils étaient plus que des amis, mais pas non plus amants. Il était rigide, tendu, paniqué à l'idée de commettre la moindre erreur. Gabriel s'avança pour lui déposer un baiser furtif sur la joue, faisant fondre tous ses doutes. Il rentra chez lui, en repensant à leur baiser qui lui tordait le ventre, tant il l'avait ébranlé.
Dans sa chambre d'hôtel, il ne trouvait pas le sommeil, imaginant leur future rencontre, leur prochain baiser, la façon dont il prendrait le visage de Gabriel, son sourire. Mais une autre part de lui, beaucoup plus sombre, le condamnait pour avoir de pareils désirs. Une voix lui interdisait de penser à Gabriel, et l'idée qu'il était en train de perdre pied s'immisçait en lui. La passion qu'il avait ressentie plus tôt s'était transformée en une angoisse de même envergure. Que lui avait t-il pris d'embrasser un homme ? Et surtout le Premier Ministre ? Une part de lui espérait qu'il rêvait toujours, comme trop souvent, de ce genre de scènes romantiques entre lui et Gabriel. Mais il ne rêvait pas, tout cela était bien réel.
Par peur d'être devenu ce qu'il avait toujours méprisé, il fut saisi d'une nausée violente. Et ce baiser ne trompait pas, il ressentait quelque chose pour Gabriel. Mais il ne pouvait pas supporter l'idée qu'à présent, il deviendrait une figure de référence homosexuelle comme l'était Attal, un argument politique pour faire taire les accusations homophobes du Rassemblement National. Il allait être stigmatisé et utilisé si leur relation s'apprenait. Ou pire, Marine pourrait justement le virer pour cette raison. Il voulait de tout son cœur revoir Gabriel, mais l'idée de perdre sa crédibilité se heurtait à sa raison. Il n'avait jamais eu l'habitude de donner une place à ses sentiments, ayant toujours tout entrepris avec une approche pragmatique, évidente pour lui. Pour la première fois de sa vie, un dilemme entre son cœur et sa raison s'offrait à lui. Il comprenait enfin la notion de sacrifice, il avait tout à perdre des deux côtés.
Mais sa nature de vainqueur lui interdisait de privilégier l'amour au succès. Il ne pouvait pas se résoudre à choisir Gabriel.
Déjà chez lui, Gabriel était surexcité. Il avait l'impression de redevenir un adolescent qui faisait l'expérience de son premier amour. Il ne pensait qu'à ce moment figé dans le temps, sans remarquer l'espace qui l'entourait. Stéphane apparut derrière lui, le surprenant, et le plaqua contre un mur, enragé. Gabriel n'avait pas peur, mais était au contraire blasé car il n'accordait plus aucune importance à son conjoint. « Où est-ce que tu étais ? » demanda-t-il d'un ton sec. Gabriel l'ignora. Stéphane réitéra sa demande en hurlant.
« Qu'est-ce que ça peut te faire ? » répondit Gabriel, indifférent, s'échappant de ses bras. Stéphane sentit qu'il n'avait plus d'emprise sur lui et cela le rendit fou. Gabriel entreprit de dormir dans la chambre d'amis, dans laquelle il s'enfermait parfois à clé. Demain, il le quitterait pour de bon, il avait enfin une bonne raison qui le poussait à partir.
Jordan se réveilla à 11h. Son sommeil n'avait pas été de tout repos, il avait enchaîné les cauchemars au sujet de sa liaison avec Attal. Il était déterminé à laisser cette histoire de côté, pour le moment.
Lorsqu'il arriva aux locaux du RN, Marine l'aborda immédiatement. "Jordan, ça fait un moment que je ne t'ai pas vu. J'ai eu Nolwenn hier." accusa t-elle, un ton plein de reproches. "Elle me dit que vous avez décidé de faire une pause. Je vais être honnête Jordan, tes histoires de cœur sont malvenues en cette période de campagne. Ce n'est pas le moment de t'éloigner alors que tout le monde a besoin de toi." Jordan ne savait pas si elle parlait strictement de Nolwenn. Avait-t-elle découvert ce qu'il se passait avec Attal ?
"J'ai réservé un restaurant pour vous deux, ce soir, j'espère que c'est la dernière fois que j'aurai à m'occuper de cette affaire. J'ai fait beaucoup pour toi, ne l'oublie pas." asséna-t-elle, autoritaire.
Jordan sentit la honte l'envahir et prit congé de Marine. Il y a quelques semaines encore, il n'aurait jamais pu penser lui dissimuler une pareille affaire. Il avait conscience de ce qu'elle avait fait pour lui et quelles obligations en résultaient. Il était tenu de s'occuper correctement d'une fille du clan Le Pen, qu'il le veuille ou non.
Plus tard dans la journée, Gabriel accompagné d'un de ses gardes du corps, devait se rendre dans le centre de Paris pour rencontrer un ministre étranger. Alors qu'il marchait dans la rue, il aperçut au loin la silhouette élancée de Jordan de dos. Gabriel s'approcha naturellement, espérant échanger un regard discret avec lui. Mais Jordan était absorbé par une discussion téléphonique. "Bon écoute, on se retrouve là bas vers 20h" Il énonça une adresse que Gabriel prit soin de garder en mémoire et s'éloigna de lui sans qu'il ait le temps de se rendre compte de sa présence.
Il s'agissait d'un des meilleurs restaurants de Paris, connu pour son atmosphère romantique et intimiste. Un dîner d'affaires n'aurait jamais pu se dérouler dans un tel lieu. Il avait même déjà songé à l'inviter là-bas lui-même. Il trouvait étonnant que Jordan ne lui ait rien dit à ce propos quand il lui avait envoyé un message ce matin. Il décida de lui renvoyer un SMS pour savoir où il traînait.
Hey, tu es là ce soir ? On pourrait peut-être aller manger ensemble ? Redis-moi au plus vite pour que je puisse réserver une table ;) 14:07
Pas possible. Meeting important ce soir. 14:08
Gabriel fronça les sourcils. Que lui cachait-t-il ? Est-ce qu'il jouait encore un double rôle ? Sa nouvelle dissimulation ravivait des doutes quant à la sincérité du jeune homme. Il devait tirer les choses au clair, il irait au restaurant ce soir.
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Un point partout (Attal x Bardella)
FanfictionA seulement 26 ans, Jordan Bardella est le président du premier parti d'extrême droite français et prédestiné à un grand avenir. Mais il doit sans cesse se confronter à un autre prodige de la politique : le jeune Premier ministre Gabriel Attal, qui...