Gabriel s'arrêta net. Serrant toujours son arme, il posa une main sur son torse pour sentir son cœur qui semblait exploser dans sa poitrine. Le bruissement des feuilles se mêlait à sa respiration de plus en plus irrégulière. Soudain, il aperçut au loin une silhouette indiscernable dévoilée par la lumière trouble de la lune. Juan se tenait là, à quelques mètres de lui. Il ne restait plus qu'à tirer. Instinctivement, il se rétracta derrière un arbre, tenant son arme contre sa poitrine, retenant sa respiration pour réussir à le surprendre.
Il entendit ses pas, son souffle léger, tandis qu'il se dirigeait vers lui. Forcément, Juan ne s'attendait pas à mourir. Gabriel inspira pour se donner contenance. Alors que Branco était presque à la hauteur du tronc derrière lequel il se cachait, il s'avança vers lui.
– Tu es mort Branco, annonça Gabriel en pointant son arme dans sa direction.
– Ga... Qu'est-ce que tu fous ici ?, demanda sèchement Juan, la main sur son pistolet.
Gabriel entendait toujours des bruits autour de lui. Il sentait peser sur eux le regard perçant des centaines d'animaux qui les entouraient. Des milliers d'autres êtres prêts à tuer sans remords leurs proies respectives. Gabriel observait Juan, il pouvait discerner sur son visage ses émotions. Il voulait voir la peur dans son regard. Mais il n'y trouvait qu'un éclat d'incompréhension. Il n'avait pas peur. Alors que lui-même tremblait de tout son corps.
– C'est fini Branco. C'est ici que ça s'arrête, continua Gabriel, en haussant le ton pour se donner le courage d'appuyer sur la gâchette.
– Tu crois que tu me fais peur ?, ironisa Juan en se rapprochant de lui. Tu crois que je suis un lâche comme toi ? Je n'ai pas pleuré devant les journalistes quand tu m'as traîné dans la boue. Je n'ai jamais eu peur de toi. Alors que toi, tu me crains et tu me fuis depuis toutes ces années.
– Tu m'as tout pris et je suis venu pour me venger, souffla Gabriel en soutenant son regard.
– Tout pris ? J'ai juste récupéré ce dont tu t'es débarrassé lorsque que ça ne t'était plus utile, renchérit Branco, un air froid sur le visage.
Gabriel resta interdit. Il savait que Juan faisait référence à Jordan et il ne supportait pas qu'il puisse dire une chose pareille.
– Je ne l'ai jamais utilisé, se défendit Gabriel en baissant les yeux, troublé par ses accusations.
– Ce n'est pas ce qu'il dit.
Gabriel fronça les sourcils, ébranlé par l'implication de telles révélations. Alors ils étaient vraiment si proches que ça.
– Il t'aimait et tu l'as trahi, un tas de fois d'ailleurs. Tu l'aurais laissé crever pour ton groupe minable. Heureusement que j'ai pu lui ouvrir les yeux, reprit Juan en le fixant.
La respiration de Gabriel s'accélérait. Il se retrouvait face à ses contradictions, obligé de clarifier les sentiments confus qu'il avait cherché à occulter durant des mois.
– Qu'est-ce que tu lui as dit ?, demanda Gabriel, son sang bouillonnant dans ses veines.
– La vérité, répondit simplement Juan d'un ton détaché. Il avait quand même le droit de savoir, non ? Il avait quand même le droit de savoir que tu avais menti au prix de sa propre vie. Quel genre de monstre ferait ça ? Et tout en prétendant que tu l'aimais... C'est pathétique. Tu es détestable Gabriel.
– Tu ne sais rien de notre relation, tu n'as aucune idée d'à quel point je l'ai aimé.
D'à quel point je l'aime.
– Moi je l'aime et je ne l'aurai jamais laissé l'état dans lequel tu l'as mis. La différence entre toi et moi c'est que tu l'as toujours vu sans le regarder. Il t'aimait plus que tout et tu ne lui as fait que du mal. Moi je l'ai vu tous les jours chercher partout ta présence fantomatique, déclara Juan, le regard blessé.
Écarquillant les yeux, Gabriel n'osait plus rien dire. Il voulait savoir ce qu'il s'était passé en son absence.
– A chaque fois que je le cherchais, je le retrouvais sur sa terrasse en train d'observer irrationnellement une cigarette se consumer, juste pour retrouver ton odeur. Et il avait beau me dire que ça ne lui faisait rien, je voyais la douleur dans ses yeux. A chaque évocation de ton nom, en te traquant pour te retrouver, en se privant de sommeil, tous les jours. Il t'a poursuivi obsessionnellement tout ce temps en me faisant croire qu'il voulait se venger, mais il n'a jamais cessé de t'aimer. Jamais.
Quand j'ai essayé de me rapprocher de lui, il était hors-de-portée, obsédé par toi, chacune de tes missions, de tes localisations ou de tes associés. Alors ne me dis pas que je ne connais rien de votre relation parce qu'elle est la seule chose qui m'empêche d'être avec lui et de le rendre heureux.
Je pensais que tu étais sauvable Gabriel, qu'il y avait encore une once d'humanité en toi, mais j'avais tort. Tu n'es rien d'autre qu'un produit de ce système. Tu es venu pour me tuer, alors vas-y, fais-le. Montre-lui qui tu es vraiment.
– Lui...?, murmura Gabriel, réalisant soudain qu'ils n'avaient jamais été seuls.
Un coup de feu tonitruant éclata soudain dans le silence de la forêt. Dans une seconde qui parut durer une éternité, il vit le corps de Juan projeté au sol, alors que Jordan se précipitait vers eux. Une balle venait de traverser le crâne de Branco. Son corps sans vie heurta le sol avec violence et une flaque de sang se répandit autour de lui. Un hurlement de Jordan résonna dans toute la forêt. Un deuxième coup retentit aussitôt, projetant instinctivement Jordan et Gabriel au sol.
– Je vais te faire payer ça, rugit Jordan en se précipitant pour attraper Gabriel.
Au loin, un troisième coup de feu les força à s'écarter l'un de l'autre. Jordan saisit le bras de Gabriel pour le plaquer au sol, prenant appui d'une main sur son épaule.
– Sale lâche, comment tu as pu faire ça ?, hurla Jordan en braquant son arme sur le front de Gabriel.
– Je ne comprends pas ce qu'il se passe, s'écria Gabriel, paniqué, en essayant de se redresser pour se défaire de son emprise.
– Mens encore une fois et je te fais sauter la tête, menaça Jordan, enragé.
A l'affût de chaque son, Gabriel utilisa son bras libre pour basculer brutalement Jordan sur le côté d'un geste désespéré, tandis qu'un coup de feu traversait l'air où ce dernier se trouvait une seconde plus tôt.
– Il faut qu'on sorte de là, on va se faire tuer, gémit Gabriel d'une voix terrorisée.
– Moi je vais sortir de là, toi tu vas mourir ici avec lui, répliqua-t-il tremblant de douleur, en pointant de nouveau son pistolet vers son front.
Jordan voyait son regard brillant dans l'obscurité, ses grands yeux bruns effrayés, le chancelement de ses lèvres qui articulaient des mots sans bruit. Une nouvelle facette de ce visage qu'il avait aimé jusqu'à la folie et qu'il s'apprêtait à laisser derrière lui pour toujours. Il avait connu Gabriel serein, aimant, blessé, brisé, en proie à une rage ineffable, mais il ne l'avait vu s'abandonner à sa fragilité.
– On va mourir ensemble Jordan, murmura faiblement Gabriel, et sa voix se brisa lorsqu'il prononça son nom.
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Un point partout (Attal x Bardella)
FanfictionA seulement 26 ans, Jordan Bardella est le président du premier parti d'extrême droite français et prédestiné à un grand avenir. Mais il doit sans cesse se confronter à un autre prodige de la politique : le jeune Premier ministre Gabriel Attal, qui...