XL. Tournant

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Jordan se releva et s'assit dans le lit. Gabriel fit de même et posa sa tête sur son épaule. "Il faut retrouver Leonardo maintenant, tu ne penses pas ?" demanda-t-il, calme. "Tu as raison." répondit Jordan en se mettant debout. Il s'étira un long moment où Gabriel en profita pour observer les muscles de son dos bouger. Il était fasciné par la manière dont son corps changeait à chaque mouvement et ne pouvait lâcher le jeune homme du regard. Jordan se retourna, s'apercevant que Gabriel l'observait depuis tout ce temps. Il rougit instantanément et prit une chemise pour couvrir son corps. "Arrête de me regarder comme ça, tu me gênes." protesta Jordan. "Mais tu es tellement ..." souffla Gabriel sans trouver les mots pour décrire la beauté de Jordan. Le visage de ce dernier rougissait et ne pouvait s'empêcher de s'animer d'une expression à la fois touchée et contrariée.

Gabriel entreprit de s'habiller à son tour, sous le regard discret de Jordan, qui n'assumait pas ouvertement la façon dont il l'épiait depuis le coin de la chambre. Ils devaient partir rapidement pour retourner voir Leonardo. Avant de partir, Jordan prit un cachet pour soigner son affreux mal de tête dû à ses excès de la veille. Gabriel prit instinctivement l'initiative de conduire pour soulager Jordan et le laisser se reposer.

Dans la voiture, Jordan essaya de se rappeler de la soirée de la veille, mais il avait de gros trous de mémoire. Il ne se souvenait que du moment où il était arrivé et du moment où il était reparti, pendant lequel il avait pris conscience de son homosexualité. Tout le reste était flou, il voyait une femme mais il n'arrivait pas à se rappeler ce qu'elle faisait avec lui. "Gabriel, j'ai un blackout, qu'est-ce qui s'est passé hier ?" demanda Jordan, stressé. Les yeux de Gabriel s'assombrirent un instant avant de reprendre leur éclat habituel. "Et bien tu... tu as embrassé langoureusement une fille devant moi, en prenant le soin de me regarder droit dans les yeux. Ensuite tu es allé dans son hôtel, je déduis qu'il ne s'est pas passé grand chose vu l'état dans lequel tu es revenu. Tu t'es mis à pleurer et à te jeter sur moi en me disant des choses insensées. Donc je t'ai ramené à la maison et..." éclaira Gabriel, légèrement méprisant. "Je sais le reste." l'interrompit Jordan, qui écrasa son visage dans ses mains, désespéré par sa propre attitude.

"Excuse-moi pour ça, je n'étais pas moi-même." Il y eut un silence entre eux. "Au moins... maintenant on est quittes, non ?" commenta Jordan, un sourire amusé sur ses lèvres. Il échangea un regard gêné avec Gabriel avant de se mettre à rire. "Il t'en aura fallu du temps pour réaliser que tu étais gay." plaisanta Gabriel, avec un léger fond d'agacement. "Je crois que je ne réalise toujours pas, en fait." avoua Jordan décrochant ses yeux vers la fenêtre. "J'ai quand même toujours le sentiment de ne ressentir ça qu'avec toi." continua-t-il. "En même temps est-ce qu'on trouve mieux que moi ?" taquina Gabriel. "J'en suis plutôt sûr" lui répondit Jordan, tout en riant. Ils continuèrent de parler.

Jordan admirait les paysages italiens qui défilaient devant lui. Gabriel le regarda un moment : il était complètement happé par l'extérieur. Il mit sa main sur sa cuisse et le caressa, pour qu'il n'oublie pas totalement son existence. Au moment où Gabriel le toucha, Jordan sentit son cœur tomber et exploser dans son estomac. Son contact le rendait complètement fou, il en voulait presque plus mais n'osait pas encore se l'avouer entièrement. Il n'osait pas bouger d'un centimètre ni ôter ses yeux de la fenêtre par peur que Gabriel s'aperçoive de la chaleur qui secouait son corps jusque dans ses joues, qui devaient désormais être brûlantes.

Ils arrivèrent au bout de quelques heures chez Léonardo qui les attendait impatiemment. Il sortit dehors, l'air légèrement énervé. "Pourquoi vous n'êtes là que maintenant ? Vous auriez déjà dû arriver depuis hier." les réprimanda-t-il. "Nous n'aurions pas pu. Nous avons été interceptés par certains de vos ennemis." répliqua Gabriel, harassé par de telles reproches. Léonardo écarquilla les yeux et ordonna des explications. "C'est vrai, nous avons reçu un coup de téléphone, d'un inconnu qui était censé être de chez vous. Il nous a dit qu'on était suivis, donc on a écouté ses instructions." éclaircit Jordan. "Sauf que c'était un guet-apens." ajouta Gabriel. "Ils nous ont asphyxié avant de nous ramener quelque part, où nous fûmes ligotés. Ils ne parlaient qu'italien donc je ne leur étais d'aucune utilité. Seul Jordan sait ce qu'il s'est passé." continua-t-il.

"Ils m'ont ordonné de leur dire où se trouvait la localisation où nous sommes actuellement." Léonardo fronça les sourcils. "Et je leur ai menti jusqu'au bout, en disant que l'échange s'était fait à Milan mais que nous n'avions pas d'adresse exacte car vous nous aviez bandé les yeux." Léonardo esquissa un sourire satisfait. "Et... Ils m'ont proposé de repartir seul, sans ennuis en leur laissant le paquet et mon associé. J'ai donc dû léguer le contenu du coffre qui était censé vous payer pour sauver sa peau et celle du colis." avoua Jordan à regrets. Gabriel eut une réalisation intérieure. Il avait raison. Jordan avait fait le choix de sacrifier sa carrière pour le sauver. En y réfléchissant, il ne voyait aucune autre façon dont il aurait pu réussir à récupérer le colis et lui, mais il n'arrivait pas à croire que Jordan ait pu choisir ça alors qu'il l'avait trompé quelques jours auparavant. C'était une preuve irréfutable de son amour pour lui. Il l'aimait malgré tout, ce qui paraissait presque inconcevable pour Gabriel.

"Vous avez sacrifié votre propre échange pour assurer le mien ?" demanda Léonardo, incrédule. Jordan acquiesça, le regard vide, repensant à sa carrière brisée. "Donc je crois que nous allons devoir vous rendre vos caisses et nous allons nous en aller." soupira Jordan. Gabriel le dévisagea. Pourquoi abandonnait-t-il maintenant ? Il leur restait encore une issue pour sauver les meubles. "Est-ce qu'on ne pourrait pas se racheter ? Travailler pour vous contre cette clé USB. Comme vous avez pu l'observer, nous avons réussi à nous sortir d'une situation compliquée et même à négocier au prix de notre carrière, votre échange ce qui atteste de notre fidélité infaillible." proposa Gabriel. Soudainement un homme sortit de la maison, il avait de longs cheveux gris regroupés en un chignon. Une expression inamicale se dégageait de son visage. Jordan et Gabriel le scrutaient attentivement.

Jordan ne put s'empêcher de mettre un bras protecteur devant Gabriel en s'avançant légèrement plus que lui, trahissant son affection pour lui. L'homme s'approcha d'eux. « Alors comme ça vous voulez travailler pour moi ? ». Ils acquiescèrent, déterminés. « On m'a volé un tableau, il y a des années. L'allégorie de la Simulation de Lorenzo Lippi. J'y tenais plus qu'à la prunelle de mes yeux. Et un jour, disparu. Je n'ai jamais su où il s'est envolé. Avec les années j'ai déduit qu'il avait été volé, mais je n'ai aucune idée par qui ni où. Je suspecte un certain Dimitri Vladlov de l'avoir récupéré, c'est le plus grand collectionneur de ce peintre. Il détient la plupart de ses tableaux. Il organise un dîner de charité ce vendredi dans son château en Sibérie. » expliqua l'homme. Jordan déglutit lentement. « Retrouvez ce tableau et je vous donnerai tout ce que vous voudrez. »

Gabriel prit un air déterminé. « Très bien, nous le trouverons. » affirma-t-il. Jordan le dévisagea et lui chuchota. « Mais tu es fou ? En Sibérie, tu te rends compte ? ». Gabriel le regarda intensément « C'est notre dernière chance, la politique est tout pour moi. Sans ça, ma vie n'a aucun sens. S'il faut retrouver un malheureux tableau pour ne pas la perdre, alors soit. Si tu veux rentrer vas y, mais je ne supporterai pas d'échouer. »

Gabriel le défiait du regard, imperturbable dans sa décision. Jordan ne pouvait pas se résoudre à le laisser y aller tout seul. En même temps, il était comme lui. Que lui restait-t-il sans politique ? Même s'il était incapable de croire qu'ils pouvaient retrouver le tableau, il ne pouvait pas laisser tomber sa carrière à laquelle on offrait une deuxième chance inespérée. Jordan expira lentement « C'est d'accord, nous retrouverons le tableau. »

Un point partout (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant