XXVIII. Enjeux

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Jordan arriva à la clinique épuisé, avec un nouveau bouquet de fleurs pour remplacer celui qu'il avait déposé il y a quelques jours. Il avait été sermonné par Macron, qui lui interdisait de lui parler, ne lui laissant que le droit de l'observer la nuit. "Inutile de te préciser que si tu en parles à Gabriel, mes menaces s'appliqueront." Quel salaud. A force de le voir venir, le peu de personnel nocturne s'était attaché à lui. Même la secrétaire qui était au départ plutôt désagréable avait fini par tolérer le jeune homme. Ils étaient tous tenus par le secret professionnel et étaient obligés de garder pour eux ses visites nocturnes. La jeune infirmière, Flore, l'accueillait toujours avec un sourire réconfortant et était complètement séduite par leur histoire d'amour.

"Excusez-moi, vous êtes bien Jordan Bardella ?" lui demanda-t-elle en le voyant arriver. Il regarda autour de lui, inquiet que quelqu'un l'ait remarqué. Constatant que personne n'était présent à part elle, il acquiesça timidement. "Je ne veux pas me mêler de ce qui ne me regarde pas mais... Si vous l'aimez vraiment, il va falloir lui dire. Il est convaincu que vous vous êtes servi de lui." signala-t-elle. Son premier réflexe fut de contester sa parole, mais il réalisa aussitôt que son comportement rendait la situation indéniable. "Je sais mais... c'est compliqué je ne peux pas lui parler directement." avoua-t-il finalement, embarrassé. "C'est pour ça les fleurs ?" interrogea-t-elle, en sachant déjà sa réponse. "Oui, je... j'aimerai vraiment le voir s'il vous plaît, je suis très inquiet." implora-t-il finalement, incapable de se contenir. "Je crois que votre présence lui fera le plus grand bien." souffla-t-elle avant de s'éloigner.

Jordan rentra dans la chambre, et changea le bouquet de fleurs qui commençait à flétrir. Tous les autres bouquets se fanaient, révélant la solitude dans laquelle il devait se trouver. Il ne pouvait plus se résoudre à le laisser seul. Il s'assit à côté de lui en le regardant tendrement, et resta là un moment. Chaque visite était un moyen pour Jordan de se ressourcer, de prendre un temps où il pouvait se calmer en étant avec celui qu'il aimait. Il devait se retenir de le réveiller tant il était désireux de lui reparler. "Un jour, nous serons libres de nous aimer, Gabriel." murmura-t-il pour ne pas le tirer de son sommeil. Il le regarda encore un instant et s'autorisa à prendre sa main pudiquement. Il la caressa un long moment. Il aurait voulu rester pour toujours avec lui, mais il devait partir. Il posa un baiser délicat sur le front avant de quitter la chambre.

Gabriel se réveilla, certain d'avoir encore rêvé de Jordan. Le son de sa voix lui avait paru si réel. Il observa autour de lui, mais il faisait trop sombre pour y voir quoi que ce soit et se rendormit.

Quelques heures plus tard, la lumière de l'aube le tira du sommeil une nouvelle fois. Il fut accueilli, comme d'habitude par Flore qui lui apportait son petit-déjeuner. Il tourna la tête et vit un bouquet de fleurs rouge-rose. Il se rappelait en avoir déjà un dans sa chambre mais il était prêt à parier qu'il devait être jeté aujourd'hui car il était flétri. "D'où vient ce bouquet ?" demanda-t-il en le pointant du doigt. "Il a été donné anonymement, mais ce sont des camélias, non ? Les fleurs de l'amour. Il s'agit peut-être d'un admirateur secret ?" lança Flore avec excitation. Des camélias. Jordan était venu chez lui avec des camélias. Jordan serait-il venu ici aussi avec des camélias ? Qui d'autre aurait pu lui offrir des fleurs aussi dures à trouver, avec une connotation pareille? Gabriel était sans voix. "C'est peut être de la part de..." Jordan. Il n'arrivait pas à croire à une telle idée. Il était convaincu qu'il s'agissait d'un énième espoir qui se briserait. Ce bouquet qui s'était mystérieusement transformé n'était pas un hasard. Quelqu'un lui avait rendu visite cette nuit et il devait découvrir son identité coûte que coûte.

Ce matin-là, Jordan était à l'Assemblée nationale pour présenter son premier projet de loi. Il s'éclaircit la voix avant de prendre la parole. "Mesdames et messieurs les députés. Les violences de quartier n'ont fait que s'accroître depuis la montée de l'immigration. Nous devons protéger les Français. C'est pour ça qu'il faut renforcer la sécurité dans les 7e, 8e et 3e arrondissements de Paris. Les autres zones suivront mais la priorité doit être mise sur ces quartiers en particulier. Cela implique que la police sera désormais autorisée à ouvrir le feu à chaque risque de menace. Nous devons rester forts pour lutter contre ces violences de rue et répondre avec des mesures strictes pour limiter au maximum les dégâts."

Des voix de colère s'élevèrent dans l'Assemblée, trouvant scandaleux qu'on privilégie des quartiers où le taux de criminalité était moins élevé que dans les banlieues. Tout cela parce qu'il s'agissait de quartiers privilégiés. Des députés quittèrent la salle, trouvant cette mesure honteuse. En sortant du Parlement, Jordan se fit huer par une foule l'attendant à l'extérieur, malgré les efforts de la police pour les repousser. Il comprenait leur révolte, c'était eux qu'il voulait aider, mais Macron l'en avait empêché. Sa voiture était caillassée par les militants les plus extrémistes. Il entendit un coup de feu, qui le fit tressaillir. Les gens le haïssaient profondément. Depuis sa nomination, les choses n'avaient fait qu'empirer avec une montée de l'animosité dans le pays. Jordan avait l'impression d'être devenu le dirigeant d'un système totalitaire où on combattait la violence par la terreur, ce n'était pas ce qu'il voulait. Il avait toujours aspiré à une justice sociale, il avait toujours pensé que ses convictions étaient justes.

Le pays était dans une situation de crise, les projets de loi ne donnaient rien à cause de multiples motions de censure et l'instabilité se faisait de plus en plus ressentir. La seule chose qui lui restait pour ne pas perdre la tête était de rendre visite à Gabriel.

Jordan se laissait conduire vers l'Hôtel de Matignon, le regard vide. Marine l'y attendait. Elle se jeta sur lui, agressive. "Qu'est-ce qui te prend Jordan, on avait convenu qu'on mettrait la priorité sur les banlieues !?". Jordan n'avait pas l'énergie de trouver une excuse, ni la foi de lui révéler le chantage de Macron.

"Je ne sais pas... plus j'y réfléchis, plus je pense que le Président a raison." répondit-il vaguement, souhaitant mettre un terme à la conversation au plus vite. Elle sembla s'étouffer de colère. "Tu es devenu fou !?" lui hurla t-elle. "On t'a donné ta chance et c'est comme ça que tu nous remercie !?" continua-t-elle, déchaînée. "Si tu continues comme ça, on va te départir de tes fonctions au RN. Un macroniste ne sera jamais le Président du Rassemblement National ! Tout sauf ça !" fulmina-t-elle. Jordan n'avait aucune porte de sortie s'il perdait sa place. Il n'avait pas fait d'études, ayant tout misé sur la politique qui était sa passion et qui avait payé jusqu'à sa rencontre avec Gabriel. Il devait désormais réussir à concilier ses obligations auprès du Président et de son parti, autrement, il risquait de tout perdre. "C'est la dernière fois que ça se produit, je vous le promets." lâcha Jordan, lassé. "J'étais prête à te céder la main pour les Présidentielles, ne me fais pas changer d'avis." Les yeux de Jordan s'écarquillèrent légèrement. Lui ? Candidat aux Présidentielles ? L'idée ne l'avait pas traversé depuis une éternité. Il en avait rêvé autrefois, mais la charge de travail qu'il subissait en tant que Premier Ministre lui avait sorti cette perspective de la tête. Désormais envisageable, cette idée ravivait en lui sa ferveur politique. Il quitta Marine, la tête pleine d'ambition, prêt à se battre pour défendre l'honneur de son parti.

De nouveau, il se rendit à l'hôpital à plus de minuit. Il entra dans la chambre, exténué et désespéré par sa journée. Il s'assit immédiatement pour être au plus vite à ses côtés. Il regardait dans le vide en repensant à cette journée atroce, et écoutait la respiration de Gabriel. Elle était différente, plus saccadée, moins profonde que d'habitude. Il pensa que Gabriel devait simplement mal dormir. Le cardiogramme indiquait que son cœur battait de plus en plus vite. Inquiet, il prit sa main. "Ça va aller." lui chuchota-t-il, à peine audiblement "On va s'en sortir je te le promets." Son cœur accélérait toujours. "Calme-toi, ça va aller..." murmura Jordan en caressant son front qui était fiévreux. "Tu me manques tellement..." souffla-t-il la voix tremblante. Après une telle journée, il n'arrivait plus à masquer ses émotions, des larmes coulèrent le long de son visage. "Je sais que c'est à cause de moi que tu es là, je suis tellement désolé, je m'en veux tellement de toujours tout compliquer." Il marqua une pause, lui caressant toujours la main. Il devait partir, ou il serait incapable de supporter sa prochaine journée. "Je t'aime Gabriel." murmura-t-il, en se levant. Il entendit un bip continu, comme si le cœur de Gabriel s'était arrêté. Il se précipita à ses côtés, croyant qu'il allait mourir. Les pleurs de Jordan s'intensifièrent, lui empêchant de voir des larmes coulant également sur les joues de Gabriel. "Moi aussi je t'aime Jordan." souffla Gabriel avant de se relever pour l'embrasser.

Un point partout (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant