XXXI. Chute

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Jordan se leva aux aurores pour aller travailler. Il venait d'emménager dans son nouvel appartement de fonction, qui était donc rempli de cartons. Il avait pour habitude de prendre un café avant de partir, pour pouvoir lire les nouvelles. Alors qu'il faisait défiler les gros titres sur son téléphone, il s'étouffa en lisant la couverture du nouveau Paris-Match. "Bain de minuit pour Gabriel Attal et son nouvel amant". Jordan était désemparé, incapable de croire à ces calomnies de presse-people. Il agrandit la photo et vit indéniablement Gabriel, torse nu, embrassant un autre homme. Une nausée violente lui secoua l'estomac. Il était incapable de l'imaginer le trahir comme ça. Jordan s'assit dans sa cuisine pour reprendre ses esprits, il devait tirer ça au clair. Il croyait, au fond de lui, à l'infime chance que tout ceci ne soit qu'un malentendu. Il essaya directement d'appeler Gabriel, sans succès.

Il se traîna jusqu'à Matignon, pour essayer de le trouver, mais on lui annonça qu'il devait revenir ce matin d'une cérémonie en Corse. Il finit au plus vite les tâches qu'il lui restait avant sa pause. Il n'arrivait pas à se concentrer, l'image tournait en boucle dans sa tête, le rendant malade. Il pensait déjà à ce qu'il allait dire à Gabriel et essayait de prévoir ce qu'il allait lui répondre, mais il en était incapable. Dès qu'il eut un moment de libre, il se précipita jusqu'à l'appartement de Gabriel. Il sonna à répétitions, sans réponse. Désespéré, il se mit à taper à la porte, réalisant ainsi qu'elle était restée ouverte. "Gabriel !? Où es-" cria-t-il en s'avançant. Une scène cauchemardesque s'offrit à lui, le coupant complètement dans son élan. L'entrée de Gabriel était recouverte de pétales couleur sang. Le mur était abîmé, tâché de rouge. Jordan s'avança prudemment dans l'appartement, traversant chaque pièce. Le lieu réconfortant qu'il avait côtoyé auparavant s'était transformé en théâtre morbide où chaque pièce paraissait renfermer de sombres secrets. Il rentra dans le salon, qui était sans dessus-dessous, et parcourut chaque pièce jusqu'à la cuisine. Elle était méconnaissable. Plusieurs assiettes trônaient sur le sol, brisées en mille morceaux, et des piles de vaisselle sale trainaient dans l'évier. Complètement destabilisé, il se laissa tomber dans le canapé, attendant son retour pour lui demander des explications.

Après avoir repris l'avion pour rentrer à Paris, Gabriel arriva finalement à bon port avec Antoine. Ils s'étaient à peine échangés quelques mots de la matinée. Gabriel avait un air terne et semblait épuisé. Il n'avait qu'une envie : rentrer chez lui et dormir toute la journée.

"Oublions ça, s'il te plaît. Je n'étais pas dans mon état habituel." souffla Gabriel, déprimé. "C'était une erreur." renchérit son ami en se détournant pour regarder par la fenêtre. Le chauffeur déposa Gabriel chez lui. En arrivant, il réalisa que sa porte était ouverte. La fatigue l'empêchait de s'inquiéter. Il pénétra dans l'appartement. Jordan lui faisait face.

"Tu étais où ?" lui demanda Jordan sèchement. "Je sais plus. Laisse-moi dormir." lâcha Gabriel, épuisé, en se dirigeant vers sa chambre. Jordan lui saisit violemment le bras. "Tu étais où hier, Gabriel ?". Son regard était brûlant de rage, blessé et prêt à tout pour obtenir la vérité. "En Corse. Laisse-moi dormir maintenant s'il te plaît." lui répondit encore Gabriel de son ton monotone. Jordan se braqua. Les chances de lui pardonner s'amincissaient.

"Tu y es allé avec qui ?" poursuivit-il, essayant de se contenir au maximum. "Antoine. Pourquoi ?". Il lâcha son bras, déstabilisé. "Le mec du restaurant...?" murmura Jordan à lui-même. "Est-ce que tu peux me laisser dormir maintenant ?" insista Gabriel. "Tu m'as trompé avec le mec du restaurant...?" souffla Jordan, médusé. Gabriel le regarda un instant, sidéré, avant d'apercevoir le journal que Jordan tenait fermement dans ses mains. On le voyait embrasser Antoine dans l'eau. Mais ça lui importait peu, tant sa fatigue harassante prenait le pas sur sa raison.

"C'était une erreur, voilà tout. Laisse moi dormir." l'implora-t-il. Il restait une chance. "Comment peux-tu me dire un truc pareil avec autant de nonchalance !? Tu t'en fous à ce point de moi ?" cria Jordan. Jusqu'ici Gabriel était ailleurs, complètement déconnecté de la réalité. Il décrocha ses yeux du vide une seconde pour croiser le regard de Jordan. Gabriel ne l'avait jamais regardé comme ça. Jordan était effrayé d'être témoin de ce qu'il était devenu.

"Je n'ai jamais été aussi épuisé de toute ma vie Jordan. Tu m'as tout pris. Tu sais simplement ce que ça fait de passer de Premier Ministre au poste le plus insignifiant du Ministère ? Est-ce que tu sais ce que ça fait d'attendre celui qu'on aime tous les jours jusqu'à ne plus compter les heures pour au final qu'il n'arrive jamais ? Est-ce que tu sais ce que ça fait de voir que tu ne fais aucun effort, alors que j'ai tout sacrifié pour toi ? Est-ce que tu sais ce que ça fait d'être à ma place ? Il n'y a plus rien qui me tienne en vie. Rien. Alors vas t-en, ça m'est égal. Oui je t'ai trompé avec Antoine parce que j'avais besoin de retrouver le temps d'une soirée l'amour que tu ne me portais plus depuis des semaines, mais sache que ça ne m'a rien apporté, parce que ma vie n'a jamais été aussi vide qu'aujourd'hui. Maintenant, laisse-moi dormir, s'il te plaît, je n'en peux plus."

De tout son monologue, Jordan n'avait retenu qu'une seule chose. Il l'avait trompé. Mais il restait une dernière chance qu'il lui pardonne, infime, mais qui pourrait tout changer.

"Mais... vous l'avez vraiment fait ?" demanda-t-il pathétiquement, la voix tremblante, sans vouloir connaître véritablement la réponse. Gabriel se retourna et le regarda sans rien dire. "Réponds-moi. Que je sache à quel point je devrai te haïr." Gabriel hocha lentement la tête. Aucune chance.

Sans même prendre la peine de voir sa réaction, Gabriel retourna dans sa chambre pour dormir. Jordan était paralysé, incapable de croire à un tel aveu. Il n'avait jamais imaginé que ça puisse se produire. Gabriel lui avait promis qu'ils prendraient leur temps et il saccageait tout. Il ne pouvait le supporter, il n'avait jamais été aussi blessé de sa vie. Il ne savait pas quoi faire, la douleur l'empêchait de bouger, le rendait fou. Sa colère le privait de ressentir toute forme d'empathie pour Gabriel. Il le haïssait pour ce qu'il avait fait. 

Un point partout (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant