XXXIV. Voyage

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Gabriel regardait par la fenêtre de la voiture qui s'élançait à travers les paysages italiens. Jordan était concentré sur la route, il leur restait deux heures de trajet. Il ne disait rien, appréciant simplement conduire. Gabriel ouvrit le sac, qui contenait beaucoup d'affaires. Il commença à l'examiner et écarquilla les yeux, il y avait deux cartes d'identité valables avec leurs visages dessus, mais avec d'autres noms. "Jordan...?" appela doucement Gabriel, fixant le sac. "Mmh ?" répondit Jordan froidement, sans ôter son regard de la route. "Il y a.. des fausses cartes d'identité dans le sac." annonça Gabriel, surpris. Jordan fronça les sourcils et jeta un rapide coup d'œil vers lui, remarquant qu'il les tenait dans les mains.

Il y eut un silence, Gabriel inspectait le sac. "Et bien alors ? Parle, qu'est qu'il y a écrit sur ces cartes." s'impatienta Jordan. "Et bien tu t'appelles Victor Rossini, tu as 27 ans depuis le 12 juin, né à Paris. Et moi, je m'appelle Florent Demaine, j'ai 36 ans depuis le 14 septembre. Et je suis né à Toulouse." lut Gabriel attentivement. Un silence s'installa, les deux hommes se rendirent compte que le Président n'avait pas plaisanté. Il s'agissait d'une affaire diplomatique cruciale, où il était même impossible pour eux d'utiliser leur vraie identité. "Il y a une lettre aussi. Feuille d'information. Contenu : Deux cartes d'identité françaises. Ces identités doivent être appliquées en public. A l'arrière de la voiture se trouvent deux grandes caisses, vous ne devez sous aucun prétexte les ouvrir ou les toucher, sauf si on vous le demande lors de l'échange. Veillez toujours à garer et fermer la voiture à clé, uniquement dans les parkings recensés sur le site inscrit en bas de cette feuille. Votre échange se passera avec Tommaso Anguiano qui vous remettra une clé USB en échange des caisses à l'arrière à l'adresse qu'on vous a donnée."

Gabriel soupira. "Je me demande comment va se passer cet échange..." souffla-t-il, inquiet. "On verra bien, il faudrait déjà qu'on y arrive. On sera tout juste à l'heure." répondit Jordan, neutre. Il n'avait rien à lui dire, cherchant seulement à régler au plus vite cette affaire pour reprendre sa vie à Matignon. Jordan n'était pas habitué à adopter une conduite aussi sportive, les italiens ne connaissaient ou du moins n'appliquaient absolument pas le code de la route, le mettant dans des situations où la prise de décisions devait se faire en quelques secondes. Gabriel s'était déjà rendormi. Malgré lui, Jordan essayait de conduire le plus souplement possible, mais le trafic l'en empêchait. Il espérait que Gabriel dorme assez pour être fonctionnel le soir. Il avait du mal à le reconnaître mais il était bien content de ne pas être seul dans cette situation, même si ça l'obligeait à passer du temps avec Gabriel.

Il regardait du coin de l'œil Gabriel qui dormait, tranquille. Jordan ne pouvait pas s'empêcher de vérifier qu'il soit à l'aise et n'hésitait pas à ajuster son siège en conséquence pour qu'il dorme le mieux possible. Il était attentif à chacun de ses mouvements et s'aperçut que Gabriel frissonnait. La chaleur assommait Jordan qui ne pouvait pas se résoudre à baisser la clim. Il prit la veste de son costume, et la mit par-dessus Gabriel pour le réchauffer. En ajustant la veste, Jordan effleura par accident la cuisse de Gabriel, ce qui le fit tressaillir. Un sentiment indescriptible monta en lui, lui donnant encore plus chaud qu'auparavant. Il se forçait à garder les yeux rivés sur la route, mais il était complètement déconcentré par sa présence. Une envie de s'arrêter pour le contempler le traversait, mais ils ne pouvaient pas arriver en retard. Sans vraiment comprendre pourquoi, Jordan devait lutter pour s'empêcher de poser sa main sur la cuisse de Gabriel pour la caresser, car il savait que cela trahirait le peu de sentiments qu'il lui restait envers lui.

Au bout d'une heure, Gabriel se réveilla en sursautant par une brusque secousse. Il eut à peine le temps de comprendre ce qu'il venait de se passer que Jordan jura en italien sur un conducteur. "Quel con..." murmura Jordan, sans réaliser que Gabriel était réveillé. "Qu'est-ce qu'il s'est passé ?" demanda Gabriel, encore endormi et réalisant que Jordan avait mis sa veste par dessus lui. "Et en plus tu ne dors plus!" s'écria-t-il, énervé. Gabriel n'arrivait pas à déterminer si sa colère était tournée vers lui ou alors vers l'autre conducteur. "C'est toi qui m'as mis cette veste dessus ?" questionna-t-il, d'un sourire taquin. "Evidemment, qui tu veux que ce soit d'autre ? Tu me déconcentrais, en ayant froid." répliqua-t-il, pris au dépourvu. Gabriel se contenta d'esquisser un sourire satisfait avant de sentir discrètement sa veste qui était emplie de son odeur qu'il aimait tant.

"Quand est-ce qu'on arrive ?" interrogea-t-il. "Dans moins d'une heure." répliqua-t-il, reprenant le contrôle de lui-même. Gabriel soupira et prit sa cigarette électronique, tout en ouvrant la fenêtre, tenant fermement la veste de Jordan. Il était en réalité très stressé à l'idée de cette rencontre. Il ne comprenait pas bien ce qu'elle impliquait et n'arrivait pas à anticiper ce qui allait se passer. Il relisait en boucle la lettre d'information, pour voir s'il n'omettait pas quelque chose, mais cela ne changeait rien.

"Ah non, tu ne commences pas à fumer dans la voiture ! Décidément, c'est vraiment insoutenable de te côtoyer plus de quelques heures." s'agaça Jordan. "Oh laisse-moi, c'est bon." répondit-t-il, irrité, sans s'arrêter de fumer. "Tu es vraiment accro à ce point à ce truc ?" interrogea Jordan, d'un ton méprisant. "Ça m'aide à réfléchir. Et puis on est tous dépendant de quelque chose qui est mauvais pour nous, non ?" lança Gabriel. "Sûrement oui..."

C'est toi mon addiction. Jordan avait toujours eu un mal fou à admettre qu'il aimait Gabriel, ce qui ne s'était pas arrangé, depuis qu'il l'avait trompé. Il avait toujours envie d'être avec lui, mais ne pouvait supporter l'image de le voir avec un autre. Elle le hantait la nuit. Il aurait voulu que ce soit lui, même s'il n'arrivait pas à se l'avouer. Pour lui, il devait tout couper avec lui, arrêter de le tutoyer, reprendre son professionnalisme, mais il n'en était pas capable. Il arrivait tout juste à être froid et encore, il se préoccupait de lui en permanence. 

"Jordan ?" l'interpella Gabriel, le sortant de ses pensées. "Tu veux ?" lui demanda Gabriel en lui tendant sa cigarette. Il la prit sans réfléchir, tirant une taffe avant d'expirer longuement dehors. "Je le sens mal cette histoire." confia Gabriel. Jordan partageait son sentiment mais se garda bien de le lui dire. "On verra bien. Nous sommes arrivés" répondit-t-il. Gabriel regarda un long moment Jordan avant de sortir de la voiture "Vous me rendez ma veste Florent ou vous comptez la garder pour toujours ?" souffla Jordan, déjà dans son rôle. "Oui pardon, tenez... Victor." lui répondit-t-il, rougissant.

Un point partout (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant