En urgence, Gabriel avait réussi à déplacer son dîner du soir, qui devait avoir lieu avec un de ses plus proches camarades du temps où il étudiait encore, dans le restaurant où allait se rendre Jordan. Son ami avait esquissé un sourire espiègle lorsqu'il lui avait annoncé la nouvelle adresse. « A quoi tu joue Gabriel? » s'esclaffa-t-il « Je croyais que je n'étais pas ton genre. » Le Premier ministre avait rougi légèrement et se forçait désormais à conserver une expression sérieuse pour ne pas laisser planer d'ambiguïtés. « Ça n'a rien à voir avec ça, c'est... » Mais comment le convaincre sans tout lui avouer? « Je dois juste m'assurer d'un truc. Je t'expliquerai là bas. » dit-il à demi-mots d'un air si troublé que son ami se résolut à lui faire confiance.
Leur véhicule de fonction les déposa devant les portes du restaurant un peu avant 21h. Gabriel craignait de ne pas voir Jordan au vu de son retard, mais il avait été incapable de se dégager de ses occupations plus tôt au vu de son emploi du temps chargé. En rentrant, il aperçut immédiatement Jordan et sentit son souffle se couper. Le jeune homme était assis au fond du restaurant, en face d'une jolie fille visiblement folle amoureuse de lui au vu du sourire éperdu qu'elle lui adressait. Il plissa les yeux pour la reconnaître. Bien sûr, c'était la nièce de Marine Le Pen. Sa compagne. Il n'avait jamais pris la peine de penser au fait que Jordan était en couple. Il le scruta à son tour et fronça les sourcils. Jordan avait adopté une posture ridiculement séductrice, et la tête penchée paraissait susurrer à Nolwenn des mots doux. Un pincement de jalousie le saisit, puis un sourire amusé lui monta aux lèvres. Quel comédien. Il l'avait vu amoureux et connaissait bien le fossé entre son expression intimidée de la veille et le jeu de scène parfaitement maîtrisé qu'il adoptait ce soir-là.
De son côté, son ami Antoine qui l'observait de biais compris immédiatement la raison qui avait poussé Gabriel à l'amener dans ce restaurant plutôt qu'un autre. Les rumeurs étaient donc vraies. Il sentit une colère sourde monter en lui. Comment pouvait il se rabaisser à ce point? Courir après un petit facho prétentieux qui passait ses journées à lui cracher au visage. Et indiscret au point de lui faire prendre part à ses petites manœuvres. Furieux, il décida d'y mettre un terme au plus vite. Lorsque le serveur s'approcha pour les conduire à leur place, il prit les devants : « Serait-il possible d'être installés à cette table là, plutôt? » Demanda-t-il avec fermeté en désignant une table depuis laquelle ils pourraient observer le couple à leur guise. Il sentit Gabriel se crisper à sa plus grande satisfaction.
« Bon, je pense qu'il est temps que tu m'explique pourquoi tu m'as fait venir, n'est-ce pas? » Avança-t-il dès que le serveur les laissa seuls le temps de choisir leur plat. Gabriel, tendu, cherchait ses mots. « Non laisse tomber, je n'ai pas besoin de l'entendre. Mais bon sang, qu'est-ce-qui te passe par la tête!? ». « Oh ne me fait pas la morale, tu ne sais rien de la situation! » S'emporta Gabriel malgré lui avant de se radoucir aussitôt : « C'est lui qui est venu vers moi. Il peut changer. Je vais le faire changer. ». Estomaqué, Antoine reprit : « Mais tu ne te rends pas compte. C'est clairement pour te manipuler. Enfin on parle quand même du visage de l'extrême-droite. Tu as bien vu ses votes au parlement européen! Jamais il n'irait s'amouracher d'un homme. ». Blessé, Gabriel perdit son sang froid et laissa échapper : « Et s'il m'a embrassé, c'est pour me manipuler? ». Il regretta aussitôt son aveu. C'était trop intime, trop grave. En face de lui, son ami le regardait d'un air effaré, sous le choc de cette révélation. « Oh, j'aurais pas dû te dire ça. » Soupira Gabriel, culpabilisé. « Bon, je crois que je vais avoir besoin qu'on m'explique tout depuis le début... » balbutia Antoine toujours perplexe.
Gabriel entreprit alors de tout lui raconter depuis le premier débat : les sollicitations de Jordan, les coulisses de leurs entrevues, leurs rendez-vous jusqu'à leur premier baiser il y a quelques jours. Antoine n'en revenait pas, il avait mille questions à lui poser. Mais soudain il observa le visage de son ami se fendre d'un sourire en coin. « Il m'a vu. » lui souffla-t-il d'une voix débordante d'excitation. Si leurs tables étaient situées l'une en face de l'autre, Antoine avait prit le soin de les placer à une certaine distance afin que le président du RN ne les remarque pas tout de suite. « Il a vu que tu le regardais? » « Non, je crois qu'il nous observe depuis un moment pourtant. J'ai envie qu'on le prenne à son propre jeu... » ajouta-t-il. Antoine le dévisagea « A quoi tu penses ? »
« Je vais le rendre jaloux. Et tu verras bien que c'est lui qui me court après. » « Et comment tu vas faire ça?... » Antoine s'interrompit soudainement en réalisant quel était le plan de son ami. « Oh non, ne me dis pas que tu penses à... » « Mais bien sûr que si, je vais avoir l'air de te séduire et ça va le rendre fou. » coupa Gabriel. Antoine regarda autour de lui, gêné « Gabriel, tu me fais honte ». Même s'il feignait le dégoût, Antoine était extrêmement amusé à l'idée de provoquer Jordan Bardella de cette manière. « Bon allez, je te suis. Mais c'est vraiment pour te faire plaisir. » Aussitôt, Gabriel lui décocha un large sourire charmeur, si équivoque qu'il eut peur de rougir pour de vrai.
« Vous avez choisi? »
Les deux amis sursautèrent. Ils avaient complètement oublié qu'ils étaient aussi venus pour manger. Ils commandèrent un plat au hasard afin de revenir à leur divertissement au plus vite.
« Jordan ? Ça va? tu as l'air ailleurs d'un coup ? » s'inquiéta Nolwenn. Jordan qui n'avait cessé d'être attentionné à son égard ce soir-là avait brusquement changé d'attitude et regardait désormais obstinément dans le vide en s'agitant sur sa chaise.
Il s'était vraiment donné du mal pour la charmer, essayant désespérément de se convaincre de son attirance pour elle, mais l'apparition inattendue de Gabriel l'avait à nouveau bouleversé. Et il se retrouvait comme d'habitude déstabilisé et nerveux. Il s'en voulait d'être comme ça et en voulait aussi au Premier Ministre de se retrouver inexplicablement ici le même jour que lui. Le sentiment qu'il ne pouvait pas lui échapper l'envahissait. Il voulait vraiment tenir les engagements qu'il avait faits auprès de Marine, mais était de nouveau confronté à son incapacité à les honorer. Il chercha à reprendre son attitude initiale pour mieux revenir à Nolwenn, mais la présence diffuse de Gabriel l'en empêchait. Lorsqu'il était là, il perdait ses moyens. Jordan jeta un coup d'œil discret dans sa direction pour mieux l'observer. Il dînait en compagnie d'un homme qu'il ne pouvait pas bien voir depuis sa position. Mais il nota que celui-ci ne portait pas un costume mais une tenue décontractée, révélant ainsi que ce n'était pas un dîner d'affaires. Un membre de sa famille? Ç'aurait été un drôle de lieu où amener un cousin. Perdu dans ses réflexions, il se crispait peu à peu devant une Nolwenn inquiète. D'un coup, elle se retourna pour voir ce qui déroutait autant Jordan.
« Ah mais tu as vu? Le Premier ministre est là-bas! » observa-t-elle avec étonnement. « Il a bien choisi son moment. Il te poursuit ou quoi? » grinça-t-elle, agacée de voir sa soirée gâchée par cette présence inopportune. « Tu penses qu'il me suit? » l'interrogea Jordan d'une voix blanche, les yeux plissés dans une expression qu'elle ne lui connaissait pas. « Qui sait, il est peut-être amoureux de toi? » pouffa-t-elle. Elle avait essayé de détendre l'atmosphère en proférant une absurdité mais Jordan se braqua aussitôt. Rougissant, il lui décocha un regard mauvais, presque haineux, qui lui coupa immédiatement l'envie de rigoler. « Non mais ça t'amuse de dire des choses pareilles? » rétorqua-t-il avec colère. « Il te rend fou ce type! » laissa-t-elle échapper à son tour, ne supportant plus son attitude désagréable. Il la regarda avec surprise, n'ayant pas l'habitude qu'elle réponde à ses attaques. A cet instant, il vit Gabriel se lever pour se diriger vers eux. Paralysé, Jordan s'arrêta net de parler, cherchant à comprendre à quoi pouvait bien jouer le Premier ministre. Venir lui parler en public, était-il devenu fou? Gabriel continuait sa marche d'un pas tranquille et les dépassa sans même lui jeter un coup d'œil. Il se rendait aux toilettes, tout simplement. Jordan réalisa que Nolwenn avait raison, qu'il perdait entièrement le contrôle lorsqu'il était en présence de Gabriel. Et il se résolut à le perdre pour de bon. Devant les yeux médusés de Nolwenn, il se leva d'un bond en balbutiant « Donne moi une minute, je reviens. », et emboîta le pas au Premier ministre.
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Un point partout (Attal x Bardella)
FanfictionA seulement 26 ans, Jordan Bardella est le président du premier parti d'extrême droite français et prédestiné à un grand avenir. Mais il doit sans cesse se confronter à un autre prodige de la politique : le jeune Premier ministre Gabriel Attal, qui...