XXVII. Révélations

929 44 33
                                    


Une douce odeur florale réveilla Gabriel. Il regarda vers la table de la chambre et y vit plusieurs grands bouquets de fleurs. "Bien dormi Monsieur Attal ?" demanda Flore, son infirmière attitrée. "Ça va, ça va..." répondit-t-il, d'un visage neutre. "Je vous apporte votre petit-déjeuner." Il s'agissait de viennoiseries accompagnées d'une salade de fruits de saison, ainsi qu'un café. Gabriel regarda avec désespoir son plateau, il n'avait envie de rien. "Il vaudrait mieux que vous mangiez, ça vous donnerait des forces." souffla Flore, tranquille. "Quand est-ce que je vais pouvoir sortir d'ici ?" demanda-t-il avec un air inquiet. "Dès que votre état se stabilisera. Il faut que vous y mettiez du vôtre... Vous savez qu'il y en a encore pour un moment." encouragea Flore.

En vérité, Gabriel se sentait tellement épuisé qu'il ne savait même pas s'il était capable de marcher au-delà de la distance qui séparait son lit de la porte. Et même s'il avait pu sortir de cet hôpital, il savait que chez lui, il n'aurait envie de rien, il n'avait plus rien à faire. Il pourrait rester des jours et des semaines dans son lit, juste pour être seul. La vie n'avait plus aucun goût, il se sentait drainé, consommé par elle au point de préférer se laisser mourir que d'essayer d'y mettre du sien. Il ne mangea rien, il n'avait pas faim.

Le docteur Lugbeid entra dans la chambre pour leur session quotidienne. "Comment vous sentez-vous aujourd'hui Monsieur Attal ?" demanda-t-il. "Mal, je veux sortir d'ici." répondit Gabriel. "Pourquoi voulez-vous sortir d'ici ?" "Je veux rentrer chez moi." "Vous savez que cela implique une nouvelle confrontation avec vos problèmes passés ? Vous serez obligés de leur reparler." Gabriel ne lui avait pas encore parlé de Jordan et c'était comme s'il savait déjà tout. Il ne voulait pas lui reparler. Pas après ce qu'il avait fait. "Je les éviterai." répondit-il simplement. "En êtes-vous vraiment capable ?" Ce n'était pas possible, s'il sortait d'ici, il reverrait partout Jordan, dans les médias, dans des débats, dans sa cuisine, dans son salon, dans son lit, partout où ils avaient été ensemble, comme un souvenir inoubliable et persistant. Il sentirait son odeur et sa présence à chaque endroit, condamné à se rappeler de cet homme qui s'était servi de lui pour arriver à ses fins.

"Non, je le verrai partout." avoua-t-il, faiblement. "De qui vous parlez ?" demanda le docteur, inquisiteur. Gabriel déglutit et marqua une longue pause. Il ne savait pas s'il pouvait parler de quelque chose d'aussi important, mais il avait besoin de se confier, que quelqu'un puisse partager sa révolte et lui témoigner de l'empathie. "Jordan... Jordan Bardella." "Qu'est-ce qu'il vous a fait ?" "Il.. Nous avons eu.." Il prit un temps pour formuler sa phrase au mieux. "Il a prétendu avoir des sentiments pour moi, afin de m'utiliser dans le but de devenir Premier ministre." lâcha-t-il, amer. "Et pourquoi êtes-vous ici, à votre avis ?" "Parce que si j'étais chez moi, je me laisserais mourir pour ne plus jamais avoir à le revoir."

"Monsieur Attal, vous êtes en burn-out sévère et en dépression. Vous devez rester ici pour vous reposer. Vous ne pouvez pas sortir, ce serait trop difficile pour l'instant." Gabriel le dévisagea. Avait-il entendu ce qu'il venait de lui confier ? "On se revoit demain." continua-t-il. A peine parti, Gabriel s'effondra en larmes, il venait d'admettre une pensée inexprimable et cette ordure avait juste noté quelques mots sur son carnet. Ne comptait-il définitivement pour personne ? Jordan lui avait dit que tout le monde l'aimait, mais ce n'était qu'un mensonge de plus. Ses proches étaient capables de le laisser mourir sans rien faire.

Flore entra dans sa chambre avec son plateau-repas avant de s'apercevoir de l'état de Gabriel. "Monsieur, vous allez bien ?" demanda-t-elle, affolée. "C'est... C'est compliqué." répondit-t-il en essuyant ses larmes. "Je suis amoureux d'un homme et il m'a..." expliqua-t-il, coupé par ses pleurs. Comprenant immédiatement la gravité de sa situation, Flore prit une chaise pour s'asseoir à côté de lui. "Que vous a-t-il fait ?" "Il s'est servi de moi." gémit Gabriel avec un sanglot. "J'étais prêt à tout pour lui Flore... tout." Il était incapable de s'arrêter de pleurer. "J'étais prêt à avouer que je l'aimais devant... Vous ne pouvez pas vous rendre compte.." "Je suis là pour vous Monsieur Attal, vous pouvez me parler si vous en avez besoin. Si vous voulez que je parte, je partirai, mais tant que vous ne me le direz pas, je ne vous lâcherai pas." lui assura-t-elle.

"Merci Flore, merci beaucoup... En fait j'ai... j'ai rencontré un homme. Et à la base nous sommes... nous sommes des adversaires politiques. C'est lui qui m'a incité à le voir, et nous avons pris un café... et donc...". Parler de Jordan était la chose la plus réconfortante qu'il lui était arrivée depuis son séjour à l'hôpital. "Et donc vous voyez, on s'est échappé et je me suis retrouvé à dormir chez lui..." Elle l'écoutait attentivement, passionnée par son récit et profondément touchée par les souffrances qu'avait dû endurer Gabriel.

Au fur à mesure du récit, Flore repensa à l'homme qu'elle avait vu la veille et comprit que c'était de lui dont Gabriel parlait depuis tout à l'heure. Elle ne put s'empêcher de sourire intérieurement en réalisant que les deux hommes n'avaient pas cessé de s'aimer même s'ils n'en étaient pas conscients.

Jordan démarra sa journée difficilement, il avait très peu dormi à cause de sa visite auprès de Gabriel. Mais il ne la regrettait pas et projetait déjà de retourner le voir le soir-même. Il s'était promis de remplacer son bouquet tous les jours, pour qu'il n'ait jamais le temps de le voir se faner.

Il arriva dans le bureau de Macron qui lui avait donné rendez-vous. "Bonjour Jordan." le salua-t-il "Je pense qu'il est grand temps que tu te mettes au travail, et présentes un premier projet de loi. Comme vous ne disposez finalement pas de la majorité absolue à l'Assemblée, cette mesure devra être consensuelle afin d'obtenir les votes de partis moins radicaux." expliqua-t-il froidement.

Jordan hocha la tête et décréta d'un ton solennel. "En priorité, nous allons augmenter la sécurité dans les banlieues en autorisant la police à recourir à la violence au moindre risque. Face à la brutalité des émeutes, cette mesure est indispensable pour rétablir l'ordre dans le pays". "Non Jordan, nous n'allons pas faire ça. Nous allons garantir la sécurité des quartiers favorisés en augmentant le nombre de policiers." le contredit Macron, impérieux.

"Mais ce n'est pas ce que..." Macron l'interrompit. "Vous croyiez vraiment que vous alliez pouvoir appliquer votre programme sous ma présidence ?" La mâchoire de Jordan se contracta dans une expression de défiance. "Et comment comptez-vous m'empêcher de présenter mon projet ?".

"Avec ça." Macron jeta quelques clichés de Jordan rentrant dans la clinique avec un bouquet de fleurs. Il y en avait d'autres où on voyait Jordan tenir la main de Gabriel. Il écarquilla les yeux. "Ça, c'est mon premier avertissement. La prochaine fois, c'est la santé de Gabriel que je mettrai en jeu. Ce serait dommage, qu'il finisse par se tuer au travail, tu ne crois pas ?". Jordan était horrifié, il avait cru un instant que Macron représentait un allié pour eux et le voilà qui retournait sa veste à la première occasion.

"Mais qu'est-ce qui vous prend ? Vous aviez dit que vous compreniez !" ."C'est ça la politique mon garçon, je suis là pour parvenir à mes fins quoi qu'il en coûte. Si Gabriel doit en payer les frais, je n'hésiterai pas, et tu en seras responsable".

Jordan crut que son cœur allait lâcher. Macron était omnipotent, il contrôlait tout. Ses réseaux étaient multiples : finances, médias et politique. Il pouvait ordonner tout ce qui lui chantait sans que personne ne s'oppose à lui. Jordan avait pleinement conscience du sérieux de ses menaces et comprenait que sa réponse pouvait être déterminante.

"Et comment comptez-vous vous y prendre !? Je ne vous laisserai pas lui faire du mal !" protesta Jordan en haussant le ton. "Mais je n'aurai rien à faire, je l'autoriserai juste à travailler de nouveau en le laissant crouler sous les tâches. Vu son caractère serviable, il n'hésitera pas à mettre sa santé de côté pour m'aider. Un nouvel accident de travail pourrait vite arriver..." Jordan ne savait quoi faire, il ne pouvait pas risquer de mettre en jeu la vie de Gabriel. Il fut contraint de baisser les yeux. "Bon d'accord, on fait comme ça." souffla Jordan, abattu. Macron lui prit le bras pour retenir son attention. "Non, c'est "Oui Monsieur le Président."." le reprit-t-il, autoritaire. Jordan bouillonnait, incapable de se plier à une humiliation de la sorte. Il soutenait son regard avec défi, tremblant de rage. "Pensez à Gabriel." chuchota Macron. Une ombre de peur traversa le regard de Jordan qui céda, terrifié à l'idée de le perdre. "Oui, Monsieur le Président."

Un point partout (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant