XLI. Valse

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Quelques jours plus tard, Gabriel et Jordan attendaient patiemment leur avion. Gabriel regardait son téléphone, complètement captivé par les vidéos qui défilaient devant lui. "Je devrais appeler Macron, pour le prévenir qu'on prendra plus de temps que prévu." annonça-t-il. Le sang de Jordan se glaça, ses derniers échanges avec avaient été on ne peut plus menaçant et il était effrayé à l'idée que Gabriel se retrouve de nouveau confronté à lui. "Ecoute, je sais que c'est difficile à croire, mais Macron est un manipulateur. Quand tu étais à l'hôpital, il m'a menaçé de te faire du mal pour m'empêcher de proposer mes projets de loi." expliqua Jordan, tremblant. Gabriel se mit à rire. "Je sais que c'est difficile quand un projet de loi se fait refuser mais quand même de là à inventer des histoires sur Macron, c'est un peu gros, non ?" répondit Gabriel, incrédule tout en composant le numéro du Président. "Mais je te le promets..." s'exclama Jordan, impétueux.

Gabriel lui fit signe de la main de se taire. "Bonjour Monsieur le Président, comment allez-vous ?" demanda-t-il. "Tant mieux. Je vous appelle pour vous tenir au courant de notre avancée. Les choses ne se sont pas passées comme prévues... Vos contractants étaient bien plus coriaces que ce qu'on pensait. Ils font une série de tests pour s'assurer que nous sommes dignes de confiance. Oui c'est assez long, malheureusement je pense qu'on en aura encore pour 2 semaines. Il faut trouver une solution pour le moment. Oui, je comprends. Merci bien Monsieur. Bonne journée Monsieur le Président."

Jordan fronçait les sourcils, contrarié. "Bon c'est réglé, il trouvera des remplaçants en nous attendant." expliqua Gabriel toujours en regardant son téléphone. "Peut être mais..." fut interrompu Jordan par une voix qui leur annonçait qu'il fallait rejoindre la porte de leur avion pour embarquer. Gabriel se leva précipitamment sans même réaliser que Jordan venait de lui parler.

Ils prirent leur vol et arrivèrent rapidement à Moscou et furent amenés directement à la soirée. Ils étaient déjà prêts. Ils seraient introduits sous leurs faux noms Victor et Florent. Ils étaient censés être des grands amis de Léonardo et Tommaso, qui malheureusement n'avaient pas réussi à se présenter en personne.

Le château était immense. Il se détachait dans l'immensité de la Sibérie, on l'apercevait à des kilomètres au loin, semblable à une oasis dans la taïga. Cette bâtisse était déjà remplie de convives tous plus opulents les uns que les autres, dans des robes tout droit sorties du siècle des Lumières. Ces magnifiques costumes avaient été prêtés par le duc Vladlov en personne. Jordan portait un trois pièces bleu avec des motifs extravagants et Gabriel un vert. Il devait reconnaître qu'il trouvait ces accoutrements un peu ridicules mais ils devaient jouer le jeu, jusqu'au bout. On aurait dit une fête royale du 18ème siècle. Jordan n'arrivait pas à se remettre de la beauté du palais, semblable à Versailles. Des colonnes dorées longeaient les murs et de grands tapis rouges s'étendaient dans le premier couloir qui semblait déjà interminable. Des fresques magnifiques ornaient les plafonds voûtés. Une architecture ultra complexe pour accomplir un lieu d'exception, réservé aux plus huppés.

Jordan n'avait jamais connu ce monde dont il avait tant rêvé. La noblesse, le rang le plus prestigieux. Une part de lui était émue de se retrouver ici, même si ce n'était pas lui à proprement parler qui avait été invité. Il se rappelait de son père lui racontant ses voyages, ses rencontres. C'était exactement comme il l'avait imaginé et comme lui avait été décrites mille fois ce genre de fêtes, lui mettant des étoiles dans les yeux. Lui créant une admiration profonde pour cet homme qui avait tout réussi. Il avait toujours aspiré à avoir accès à des soirées aussi select. En choisissant la politique, il était sûr d'avoir renoncé à ce plaisir. Et pourtant, cette soirée semblait lui souffler que tout était possible.

A l'entrée, un homme annonçait à voix haute les arrivants et les personnes suivaient en faisant une révérence avant de s'avancer dans la salle de bal où des amuse-bouches étaient disposées sur de grandes tables en marbre blanc. La démesure était absolue "Messieurs Rossini et Demainier, de France !" clama un serviteur avant de souffler dans un clairon. Gabriel s'inclina immédiatement, il avait tous les codes. Jordan l'imita maladroitement et manqua de tomber.

Les gens faisaient la fête dans cette grande salle de bal. Un orchestre avait été appelé spécialement pour l'occasion. Certains discutaient, d'autres dansaient, le tout dans l'élégance la plus pure. Jordan était ensorcelé par l'atmosphère de ce lieu, il regardait Gabriel avec des yeux d'enfants et celui-ci lui sourit tendrement. Malgré son enthousiasme, Jordan ne pouvait pas s'empêcher de ne pas se sentir à sa place. Gabriel l'avait quitté pour chercher à boire. Il prit un temps pour observer les gens autour de lui, il avait le sentiment d'être un étranger parmi eux. Un bâtard. Il savait que Gabriel descendait d'une famille noble de Russie, d'où son aisance et surtout sa facilité à comprendre tous les sous-entendus qui semblaient indéchiffrables à Jordan.

Il le regardait au loin, échangeant rapidement avec certains invités qui l'abordaient. Jordan jalousait presque son aisance et surtout la façon dont les autres étaient irrémédiablement attirés par lui comme des insectes vers la lumière. Au bout de quelques minutes qui parurent être une éternité pour Jordan qui ne savait pas quoi faire de tout son corps, Gabriel revint. Jordan vit le regard méprisant des autres invités dans le dos de Gabriel qui lui souriait en ramenant deux coupes de champagne.

"Tiens, ça te fera du bien. Les gens sont très cordiaux ici ! Là-bas il y a une duchesse d'Allemagne très sympathique, le hasard fait que je connaissais son fils ! Enfin je ne me suis évidemment pas trop étalé vu qu'on n'est pas sous nos vraies identités. C'est presque plus difficile tu ne trouves pas ?" lui demanda-t-il en souriant. "Je ne sais pas honnêtement.." soupira Jordan, en regardant ailleurs. "Qu'est-ce qui ne va pas ?". "Rien... c'est juste que ce n'est pas du tout mon univers, tu comprends ? Je ne me sens pas vraiment à ma place..." confia Jordan en regardant furtivement autour d'eux. Gabriel lui caressa l'épaule, compatissant. "Je comprends, mais ne t'en fais pas. Personne n'a remarqué que tu étais là. Les gens ne portent pas plus attention à toi qu'aux autres. Ne pense pas être le mouton noir. Tu es superbe en plus, je t'assure. Tu ne fais pas tâche." le rassura Gabriel. Jordan ne put s'empêcher de sourire.

Ils observèrent la salle un court moment avant qu'une idée s'immisce dans la tête de Gabriel. "On va danser ?" lui demanda-t-il simplement. Jordan le dévisagea. "Mais c'est de la valse. On ne peut pas danser tous les deux." lui répondit-t-il. Gabriel jeta un coup d'œil à la salle de bal qui était remplie d'hommes et de femmes dansant ensemble. Il comprit à quoi faisait référence Jordan. Toutes les femmes dansaient avec des hommes et tous les hommes dansaient avec des femmes. "Et alors ? J'ai envie de danser et il n'y a personne d'autre avec qui j'aurai plus envie de le faire qu'avec toi. En plus ça nous mettra au centre de l'attention et on pourra sûrement obtenir d'autres informations sur le tableau." lui souffla-t-il. "Je ne sais pas..." balbutia Jordan, agité. "J'ai fait de la valse toute ma jeunesse, je te guiderai. Et puis ce sera toujours plus facile que de la salsa endiablé dans un bar espagnol, non ? S'il te plaît..." implora Gabriel. Jordan leva les yeux au ciel. "Ce que tu peux être pénible quand tu t'y mets..."

Gabriel le traîna par la manche à travers les invités pour rejoindre la piste de danse. Il lui expliqua brièvement les pas avant de se lancer. Gabriel plaça son bras derrière son dos et Jordan sur son épaule et ils commencèrent à se mouvoir dans l'espace. Jordan ratait tous ses pas, n'arrivant pas à se concentrer sur la danse tant il ressentait le poids des regards se poser sur lui. "Gabriel je..." je n'y arrive pas. Il voyait le regard de détresse de Jordan sonder les invités. "Jordan, regarde moi." requit Gabriel doucement, mais il lui jeta un bref coup d'œil avant de se remettre à scruter la salle. "Regarde-moi." ordonna Gabriel d'un ton ferme enveloppé de tendresse qui capta toute l'attention de Jordan. "Il n'y a que toi et moi Jordan. Personne d'autre." chuchota Gabriel pour que seul Jordan l'entende. Jordan était obligé de s'abandonner complètement à lui, non sans mal, après tout ce qu'ils avaient vécu.

C'était comme une promesse entre eux. Celle qui disait qu'ils ne se lâcheraient plus jamais quoi qu'il en coûte. 

Un point partout (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant