XXI. Décisions

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Gabriel se fendit d'un sourire jubilatoire en entendant Jordan se lever précipitamment pour le suivre. Il devinait l'expression effarée d'Antoine qui venait également d'assister à la scène et en tirait une immense satisfaction. Il laissa la porte claquer derrière lui et s'adossa au mur. Presque aussitôt, elle se rouvrit pour laisser passer un Jordan tremblant de jalousie. « Tiens qu'est-ce-que tu fais là? » le questionna Gabriel, feignant l'innocence. Sans répondre, Jordan le plaqua immédiatement contre le mur carrelé, rapprochant dangereusement leurs visages. « C'est qui ce mec avec toi? » accusa-t-il d'une voix débordante de rage. Pris de cours, Gabriel lui adressa un sourire provocateur « Je n'ai pas le droit d'avoir une double-vie, moi aussi? » insinua-t-il en le regardant droit dans les yeux.

Soudain, il entendit la porte s'entrouvrir et Jordan, réalisant le danger dans lequel les mettait leur position suggestive, attrapa le poignet de Gabriel pour l'entraîner dans les toilettes. La pièce était spacieuse et insonorisée. Il aurait ici tout le loisir de le confronter sur son rendez-vous secret. Gabriel le devança. « Alors, ça s'est bien passé ton meeting? » ironisa-t-il. Jordan perdit un peu de sa contenance. Il avait complètement oublié ses propres mensonges. « De toute façon je m'en fous de tes histoires, tu peux voir qui tu veux ça m'est égal » vociféra Jordan, tout son corps trahissant le contraire. Il n'avait pas cessé de tenir Attal entre ses mains, et réduisait peu à peu la distance entre eux tandis qu'il lui parlait. « Alors tu ferais peut-être mieux de retrouver ta petite-amie, plutôt que de t'enfermer ici avec moi. » chuchota Gabriel dans son oreille. Jordan resserra son emprise, incapable de partir. « Il faut choisir, Jordan » poursuivit-il à voix basse, « Maintenant. » Jordan se laissa aller à ses désirs profonds et se pencha pour embrasser Gabriel. Une fois de plus, il était incapable de lui résister, et y prenait un plaisir indescriptible. Gabriel s'était redressé, offrant à leurs corps la possibilité de se plaquer l'un contre l'autre. Incapable de retenir plus longtemps ses pulsions, Jordan le serra avec plus de vigueur et descendit vers son cou pour l'embrasser de plus belle. Ses mains glissèrent dans son dos, agrippant sa taille pour mieux le pousser contre son torse.

Anticipant la suite naturelle de leurs ébats, Gabriel se ressaisit peu à peu. Il ne pouvait pas se laisser aller à des ardeurs pareilles dans un lieu public. Il caressa la joue de Jordan pour le calmer. « Eh, Jordan, attends. Ce n'est ni le lieu ni le moment. » Jordan parut reprendre ses esprits et se redressa, pétrifié. Il ne pouvait plus se mentir à lui-même. Il désirait Gabriel comme il n'avait jamais désiré aucune femme auparavant. « Désolé... Je ne sais pas ce qui m'a prit » bredouilla-t-il comme un enfant. Il avait subitement pris un air si confus que Gabriel s'attendrit aussitôt. « Moi aussi j'ai eu du mal à l'accepter au début... » lui dit-il d'un ton empathique. Mais Jordan réagit vivement « Non je ne suis pas comme toi! Je ne suis pas gay. Personne d'autre que toi qui ne me fait cet effet-là ». Gabriel lui accorda un sourire tendre et le serra dans ses bras « On prendra notre temps, ne t'en fais pas. »

Gabriel s'éclipsa le premier pour rejoindre son ami. Médusé, celui-ci lui demanda aussitôt « Vous n'avez quand même pas... ». Le Premier ministre laissa échapper un rire amusé. « Mais non, quelle idée! Enfin en tout cas, je pense que je n'ai plus rien à te prouver. »

Resté seul, Jordan cherchait ce qu'il pourrait bien dire à Nolwenn pour justifier son départ. Depuis combien de temps était-il parti? Une dizaine de minutes? Plus? Il affronta son propre reflet dans le miroir du lavabo. Sa chemise était défaite, son col froissé. Quelques mèches de ses cheveux s'étaient échappées de sa coiffure et ses lèvres étaient encore marquées d'avoir trop embrassé Gabriel. Mais il devait la rejoindre au plus vite. Il s'arrangea un peu pour être plus présentable, sans y parvenir tout à fait, et sortit à son tour pour se rasseoir devant sa compagne.

Elle le dévisagea avec mépris. « Tu as pris ton temps. » lâcha-t-elle, glaciale. Il baissa les yeux, ne trouvant pas la force de lui répondre. Elle le détaillait d'un regard incisif, notant toutes les preuves de son infidélité. Elle avait compris dès qu'il s'était levé pour suivre Attal comme un petit chien. Elle était dégoûtée de lui, de ses mensonges et de son hypocrisie. « Je crois qu'on va en rester là. Mais n'espère pas t'en tirer comme ça. Tes actes auront des conséquences. » annonça-t-elle avant de s'en aller. Jordan n'essaya même pas de la suivre. Il croisa le regard inquiet de son amant et lui sourit doucement. Simultanément, Gabriel reçut un message.

J'ai fait mon choix. 22:09

Gabriel ressentit une satisfaction immense. Il avait réussi. Jordan était à lui. Il savait ce qu'il lui restait à faire. Il quitta Antoine en lui faisant promettre de ne rien révéler à qui que ce soit et rentra chez lui. Comme d'habitude, Stéphane l'attendait. Avant qu'il n'ait eu le temps de lui adresser la parole, Gabriel lui annonça : « Je te quitte ». Un blanc suivit sa déclaration. « Je croyais que tu avais compris ce qui était bon pour toi... » commença Stéphane, mais Gabriel le coupa aussitôt « Je sais exactement ce qui est bon pour moi, que tu quittes mon appartement d'ici demain. Tu as un logement de fonction qui t'attend. » Estomaqué, Stéphane haussa le ton : « Et de quel droit tu me parles comme ça? ». Gabriel s'avança pour lui faire face et lui lança avec autorité : « Je suis le Premier ministre. ».

Stéphane tressaillit en entendant ces mots et mit sa main sur le visage de son compagnon « Écoute Gabriel, je sais que je n'ai pas toujours été tendre avec toi, mais tu sais que je t'aime. » Gabriel frissonna, cela faisait des mois qu'il attendait un geste tendre de sa part. Aussitôt, tous les mécanismes d'emprise qui avaient été mis en place par Stéphane pour conditionner leur relation se réactivaient et lui faisaient douter de sa décision. Leurs débuts idylliques, et tous les bons moments qu'ils avaient passés à deux au cours des dernières années, lui revenaient brusquement en mémoire et il devait lutter pour ne pas céder aux avances de Stéphane une fois de plus. La confiance inébranlable qu'il avait affiché toute la soirée s'était évaporée, le laissant désarmé pour affronter le partenaire qui lui avait fait tant de mal dans sa vie. « Tu te rappelles la dernière fois que tu as voulu partir, quelque chose t'en as empêché... On s'aime Gabriel, tu ne peux pas me faire ça. »

Mais si Gabriel avait échoué tant de fois à partir, c'est parce que la peur d'être seul face au monde lui était insupportable. Cette fois-ci, ce n'était pas la solitude qui l'attendait, mais la chaleur réconfortante de Jordan, un homme prêt à mettre en péril tout ce qu'il avait construit dans sa vie pour être à ses côtés.

« Stéphane, c'est fini. Ne me force pas à me répéter une nouvelle fois. C'est fini entre nous. » Stéphane s'immobilisa un instant, dérouté par la fermeté dont faisait preuve Gabriel. Réalisant d'où lui venait cette attitude inhabituelle, il s'emporta : « Ah d'accord, j'ai compris. C'est toujours ce petit Bardella qui te fait tourner la tête. » Il laissa échapper un ricanement. « Et bien vas-y, rejoins le, tu verras comme il te traitera. J'espère juste que te faire jeter dès qu'il sera au pouvoir ne te gêne pas trop. ». Furieux, il attrapa simplement son manteau et quitta l'appartement en claquant la porte.

Enfin seul, Gabriel s'écroula de soulagement. Son calvaire était enfin fini, il était libre de faire ce qu'il voulait. Dans un état second, il appela Jordan. « Tu peux venir si tu veux, je suis seul chez moi maintenant. » Jordan sentit une joie immense le parcourir. « Seul..? Tu veux dire que... » avança-t-il, incertain. « Oui, j'ai réussi à me séparer de lui. » annonça Gabriel en sentant des larmes commencer à couler le long de ses joues. "J'arrive." répondit Jordan, rayonnant.

Gabriel se laissa retomber dans le canapé du salon. Il ne s'était pas senti aussi léger depuis des années. 

Un point partout (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant