VII. Complicité

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"Euh...", Jordan n'osait pas le dire et avait un air déconfit. Attal se mit à rire d'un coup. "Hahaha je ne pensais pas que ça vous mettrait dans un état pareil.", dit-il en essuyant ses yeux. "Ce sera un secret entre nous deux, nous n'avons qu'à l'appeler Futur Bardella 2, sauf si vous voulez toujours retirer le mariage pour tous", dit-il hilare. Jordan riait aussi. Il aimait cette idée de secret entre lui et Attal, il avait le sentiment que son plan marchait.

"On peut peut-être se tutoyer maintenant, non ?" demanda timidement Jordan, il ressentait une étrange proximité avec le Premier Ministre, sûrement à cause du fait qu'ils partageaient la même vie. L'entrée venait à peine d'arriver. Jordan avait pris des escargots français, évidemment, et Attal une salade burrata-tomate.

"Tu peux aussi m'appeler Gabriel, je te l'ai déjà dit", disait-t-il en souriant. "Je crois que ça c'est aller un peu trop loin Monsieur le Premier Ministre.", dit Jordan en plaisantant. Ils mangeaient en silence lorsqu'une pensée frappa Gabriel "Mais en fait tu sors toujours avec Nolwenn Olivier, non ? On a dû me dire ça, la semaine dernière avant notre premier débat.", il souriait, "Avoue c'est grâce à ça que tu es devenu président, je garderai ça pour moi. Mais.. bon j'ai trop de questions à te poser.", dit-il comme pour retenir son propre entrain. De son côté, Jordan était sec, il ne supportait pas qu'on lui rappelle que sa réussite n'était qu'un jeu de relation. Son visage s'était fermé rapidement, alors qu'il venait de s'ouvrir pour la première fois depuis longtemps. Nolwenn était sa corde sensible.

"J'ai mérité ma place, ça n'a rien à voir avec Nolwenn, c'était pour Marine que je suis sortie avec elle.", dit-il sec. Attal le dévisageait avec étonnement car son attitude avait radicalement changé. Gabriel voulait se montrer compatissant envers Jordan car il était persuadé qu'avec les précédentes révélations qu'il lui avaient faites, sa relation avec Nolwenn devait être très compliquée.

"Enfin bon, c'est compliqué les relations, avec Stéphane ce n'est pas toujours facile non plus. C'est tellement politique..." dit-il pour montrer de l'empathie envers Jordan, il n'avait jamais rien dit de sa relation avec son compagnon à personne. Il pensait que personne ne pouvait comprendre ce qu'il ressentait. Il avait sûrement un peu plus bu que ce qu'il aurait dû impliquant qu'il parlait un peu plus que ce qu'il devrait.

"C'est ton...", dit Jordan sans oser, mal à l'aise. "Ouais", dit Gabriel en reprenant une gorgée du vin rouge qui accompagnait désormais leurs plats. "C'est mon compagnon.", dit-il en regardant froidement dehors. Jordan, par pure curiosité voulait comprendre pourquoi Gabriel, enfin Attal, prenait une telle attitude en parlant de son partenaire. Jordan en avait vaguement entendu parler au sein du parti mais il avait changé de sujet car il ne voulait pas en entendre parler.

Jordan n'osait pas poser plus de questions. Il ne ressentait pas vraiment d'empathie pour Attal. Même s'il voyait que ça avait l'air d'une situation compliquée. Au fond, il aurait peut-être souhaité ressentir de la compassion pour lui parce qu'ils avaient l'air d'être dans la même situation mais cela lui était impossible. Il ne le voulait pas assez pour y arriver. Cela le poursuivait depuis sa plus jeune enfance, l'impossibilité de comprendre les autres mais plutôt par pure volonté que par faculté elle-même. En même temps, n'y a t-il pas rien de plus égocentrique qu'une carrière politique, surtout dans son cas ? Croire qu'à nous tout seuls, on peut changer un pays avec des idées car nos idées sont justes et celles des autres sont injustes. Jordan était enfermé dans un monde noir et blanc, manichéen où le gris signifiait la faiblesse. Il ne supportait pas la nuance, elle lui était extrêmement difficile à comprendre, pour lui c'était toujours tout ou rien. Les extrêmes lui permettaient d'appliquer cette idéologie.

Ses parents étaient tout ou rien. Son père était tout, bourgeois, riche, pleins de réussite. Sa mère n'était rien, pauvre, sans succès. Sa vision de la victoire elle même était binaire soit il réussissait soit il échouait, mais il ne pouvait pas être médiocre ou être juste bon. Il devait être excellent ou il était un raté. Une pression qu'il s'était mis seul sur les épaules, il aspirait à de grandes choses et ne pouvait supporter l'échec.

Jordan buvait plus, il s'enivrait, c'était déjà la deuxième bouteille que les deux amis avaient partagée. Il ne voulait plus penser à cette situation catastrophique dans laquelle il était entièrement par sa faute, se retrouver au restaurant avec Attal. Jordan avait beaucoup plus bu que lui, pour faire passer ses angoisses liées à Nolwenn, à Marine, au parti, à Attal, à ce qu'il ressentait, il voulait que tout cesse, un court instant. Pendant un moment, ils discutèrent informellement de choses inintéressantes car la mention de la relation entre Jordan et Nolwenn avait jeté un froid entre eux. Gabriel voyait Jordan toujours plus boire et commençait à s'inquiéter pour lui.

"Jordan, ça va ?" demanda Gabriel, inquiet. "C-Ca va, merci, M-Monsieur le Perimer Misnitre" répondit-t-il avec un large sourire. Son vrai sourire, sans son masque, sans l'image qu'il avait façonnée. Jordan avait complètement oublié le scénario. Il se sentait heureux d'être avec Gabriel, pour une raison qui lui échappait, il avait envie de le prendre dans ses bras, mais en tant qu'amis bien sûr.

"On devrait y aller, non ?" dit Gabriel en regardant autour de lui. Le restaurant était bondé. Les deux hommes demandèrent l'addition et c'est Gabriel qui paya le repas en entier vu l'état de Jordan. Mais d'un coup Jordan se mit à parler très fort dans le restaurant.

"Regardez mesdames et messieurs, je suis avec Gabriel, il est drôlement gentil, n'est-ce-pas...? VOTEZ POUR MOI AUX EUROPÉENNES, ET POUR MON AMI GABRIEL AUS-", hurla Jordan dans le restaurant, Gabriel lui prit le bras pour sortir du restaurant et l'empêcher de s'étaler plus longtemps. Malheureusement des journalistes étaient là et les avaient surpris sortir précipitamment du restaurant. Jordan n'arrivait évidemment pas à courir vu tout ce qu'il avait bu, il ne faisait que rire. "Allez dépêche-toi, on va vraiment être dans la merde si tu n'y mets pas du tien. Essaie de courir un peu, on s'en sortira jamais sinon." dit Gabriel déterminé à échapper à ces journalistes. Il attrapa la main de Jordan et dévala dans la rue.

Ils se réfugièrent derrière un mur pour tenter de semer les journalistes qui étaient désormais dans la rue. Ils les entendaient, Jordan riait toujours, n'étant pas conscient du danger qui les guettait. Les pas se rapprochaient du mur. Gabriel mit sa main sur la bouche de Jordan pour le faire taire. Jordan avait complètement arrêté de rire et l'observait. Il avait une forte envie de le prendre dans ses bras mais quelque chose l'en empêchait. Les journalistes finirent par partir dans la mauvaise direction. Gabriel poussa un grand soupir de soulagement. "Putain on l'a échappé belle." dit-il en regardant toujours au loin les journalistes. "Gabriel je..." Je ne me sens pas bien. Jordan se mit à vomir violemment en pleine rue. Il avait beaucoup trop bu. Cela faisait des années qu'il n'avait pas bu comme ça, il s'était senti complètement dépassé par les évènements. Heureusement, Jordan n'avait pas tâché son costume qui était affreusement cher.

Gabriel s'était précipité vers lui, très inquiet. C'était un sensible, d'une gentillesse naturelle, pour lui c'était tout à fait normal de l'aider ou même d'être inquiet. Il l'aida à se relever. Il avait heureusement une bouteille d'eau avec lui qu'il lui tendit. Jordan en but un peu avant de se remettre à vomir. Cela dégoutait profondément Gabriel, mais il surpassait cela pour venir en aide à son collègue. "Ça va aller, on va essayer de rentrer chez toi, ok ?", dit-il toujours avec autant d'assurance. Jordan le regarda avec des yeux différents,"Je n'ai jamais réussi à comprendre pourquoi tu as autant d'assurance dans toutes les situations. J'aimerai aussi être comme ça." dit-il sans vraiment le regarder. Gabriel souriait, malgré leur désaccords politiques, il avait trouvé Jordan, vraiment touchant. Il avait le sentiment de voir au delà d'une simple figure politique, un homme aimable, poli et attachant dans sa maladresse.

"On va retourner chez toi, tu veux que j'appelle Nolwenn ?"; dit Gabriel tout en l'aidant à marcher. Jordan eut l'air affolé "Non surtout pas ! I-Il ne faut pas qu'elle... qu'elle sache.". Gabriel se demandait pourquoi il avait une réaction aussi extrême avec lui mais appela néanmoins un taxi, pour qu'il puisse être ramené chez lui en sûreté. Avant de partir, Gabriel insista auprès de Jordan pour qu'il lui envoie un message stipulant qu'il était bien arrivé chez lui. Il acquiesça et oublia aussitôt ce que Gabriel venait de lui dire. Arrivé chez lui, il s'écroula chez lui instantanément et tomba dans un sommeil profond où il rêva encore de Attal.

Un point partout (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant