Un premier appel les somma de se rendre sur le plateau. Il ne leur restait que peu de temps pour mettre un terme à leur échange. « Jordan. » Il n'aurait jamais cru pouvoir prononcer son nom avec autant de tendresse. « Ne rends pas les choses plus difficiles, qu'elles ne le sont déjà. » soupira Gabriel, s'écartant de lui, désabusé.
Les émotions qui transparaissaient dans sa voix atteignaient plus Jordan qu'il n'aurait voulu l'admettre. Il se sentait pris au piège par la posture froide et distante qu'il avait adopté, incapable de s'en départir en dépit de sa volonté. "Monsieur Attal, je vous ai dit de cesser de me harceler." murmura-t-il d'un ton souffrant. Gabriel le regarda un instant avec remords avant de quitter brutalement la pièce, claquant la porte derrière lui.
Jordan s'effondra. Il ressentait un besoin intense de relâcher la pression mais sa respiration bruyante et saccadée était hors de contrôle. Il devait se calmer et reprendre son souffle mais la pensée obsédante qu'il venait de ruiner toute relation possible avec Attal l'en empêchait. Dans quelques minutes il devrait passer à l'antenne, et il s'en sentait incapable en cet instant. La peur panique de se voir humilié devant toute la France, de faire subir à son parti un échec criant en cette heure décisive lui faisait perdre la raison.
Gabriel, très tendu, était déjà sur le plateau qu'il balayait d'un regard noir. Il voulait donner une leçon à Bardella, l'abaisser publiquement d'une telle façon qu'il puisse comprendre sans ambiguïté toute la haine qu'il lui portait. Ses attaques étaient vives et précises, presque personnelles.
Fuyant, Jordan se dérobait au regard pénétrant de Gabriel, qui cherchait à le coincer à tout prix. Il ne le reconnaissait plus. Il avait beau réunir toutes ses forces pour parer ses coups, la supériorité rhétorique de son adversaire était indiscutable. Occasionnellement, il levait les yeux pour croiser un instant ceux de Gabriel, cherchant à retrouver en eux l'éclat de tendresse qu'ils avaient laissé transparaître plus tôt.
Au contraire, Gabriel lisait dans les yeux de Jordan une douceur qui le déstabilisait, et qu'il interprétait malgré lui comme du mépris de sa part. Ils se blessaient tous les deux par leurs salves virulentes, préparées méticuleusement et décochées au moment propice. Ils quittèrent le plateau dans le même état de confusion rageuse que lorsqu'ils y avaient pénétré.
Gabriel ne pouvait pas supporter de ne pas avoir vu sa requête satisfaite, il devait récupérer son téléphone coûte que coûte. Il prit ses affaires immédiatement afin de quitter les lieux au plus vite pour confronter Jordan."Je vais être clair, soit on se revoit ce soir et tu me rends mon téléphone, soit je révèle notre relation au grand public. Rien ne m'empêche de le faire." Jordan se braqua, même s'il était convaincu que peu de gens le croiraient, il ne pouvait pas prendre le risque de menacer sa carrière. De plus, il avait, au fond de lui, une folle envie de revoir Gabriel. "Bon... je crois que je n'ai pas vraiment le choix, je vais vous rendre votre téléphone." répondit-il avec une contrariété feinte.
Les deux hommes sortirent du bâtiment et Gabriel prit les devant pour décider de ce qu'ils allaient faire. Tous les journalistes les attendaient devant la tour de TF1, mais ils prirent le soin d'emprunter une autre sortie afin de les éviter. Gabriel devait impérativement connaître l'emplacement du téléphone. "Rends le moi maintenant." ordonna-t-il sèchement. "Si tu veux le récupérer, je t'attendrai à minuit au siège du parti. C'est toi qui voit.". Le tutoiement lui échappa et il vit Gabriel écarquiller légèrement les yeux avant de ressaisir et acquiescer par la même occasion.
Après avoir réussi à se libérer de ses obligations professionnelles, Jordan attendait fébrilement Gabriel, un café à la main. Il s'imaginait leur nouvelle rencontre, sans pouvoir retenir un sourire impatient. L'horloge indiquait minuit et quart. La possibilité qu'il ne vienne pas le heurta soudain et son cœur se serra. Il n'avait même pas pris la peine d'anticiper cette hypothèse, tant Gabriel lui avait semblé désespéré derrière son air agressif. S'il ne venait pas, allait-il tout révéler à la presse ? Sans ses données, la menace paraissait absurde, mais qui sait s'il n'avait pas d'autres preuves que leur échange de message ?
Un coup de sonnette le tira de ses réflexions. Il se précipita pour ouvrir la porte. Gabriel se tenait devant lui, le visage dur. Son expression ne s'était pas adoucie depuis leur dernière entrevue, au contraire il dégageait une impression d'instabilité profonde vaguement inquiétante. Jordan souhaitait à tout prix garder le contrôle de la situation. Il avait réussi à organiser leur rencontre dans les locaux de son parti, un lieu qu'il connaissait parfaitement et qui le mettait en confiance. Gabriel en revanche venait ici en étranger ce qui aurait dû l'intimider, mais il semblait n'avoir aucunement l'intention de se départir de son autorité.
« Votre téléphone est dans mon bureau. Je vais vous y conduire et puis vous pourrez rentrer chez vous ». Le Premier ministre acquiesça et lui emboîta le pas. Ils passèrent devant un salon confortablement meublé avant d'entrer dans une pièce haute de plafond, au milieu de laquelle trônait le bureau. Jordan ouvrit le tiroir central et se saisit du téléphone. Mais il s'arrêta net en réalisant que le lui rendre signait la fin définitive de leur relation. Il jeta un coup d'oeil furtif à Gabriel, qui le regardait également.
« Qu'est-ce que tu attends ? » demanda Gabriel. Une expression impénétrable vacillait sur son visage. La colère et la froideur qu'il lui avait exprimées tout à long de la journée semblaient s'être dissipées, au profit d'une tension mystérieuse qui le prenait de court.
« Après ça... on ne se reverra plus, n'est-ce pas ? » interrogea Jordan pour faire perdurer un peu cet instant. « C'est ce que tu voulais non ? » répondit sombrement Gabriel. « C'est pour ça que tu as quitté la chambre, et que tu fais comme si tu ne me connaissais pas. » accusa-t-il, amer, tendant sa main pour récupérer l'objet.
Alors qu'il s'apprêtait à le lui rendre, Jordan sentit une impulsion en lui le dépasser et saisit d'un geste le poignet de Gabriel.
Celui-ci n'exprima aucune résistance, comme s'il savait pertinemment ce qu'il s'apprêtait à faire. Leurs regards se croisèrent l'espace d'une fraction de secondes. Gabriel savait que c'était sa dernière chance de croire aux promesses qu'ils s'étaient faites la nuit où Jordan s'était enfui. Ils n'étaient plus qu'à quelques centimètres l'un de l'autre. Cette fois-ci, Jordan ne pouvait pas détacher son regard de celui de Gabriel, comme envoûté.
Un instant plus tard, ils s'unissaient en un baiser passionné. Un saut dans le vide. Ils sacrifiaient tout ce qu'ils avaient au profit de cette connexion interdite. La passion que Jordan n'avait jamais réussi à ressentir pour Nolwenn le submergeait. Il s'écartèrent l'un de l'autre, sous le choc. Gabriel le regardait avec un sourire d'amant. "Je n'aurais jamais cru que tu oserais te l'avouer." murmura-t-il d'un ton joueur dans l'oreille de Jordan. Celui-ci esquissa à son tour un sourire avant de l'attirer à lui et de l'embrasser fougueusement une nouvelle fois, prenant de court Gabriel, qui pourtant s'y adonna avec autant d'enthousiasme.
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Un point partout (Attal x Bardella)
FanfictionA seulement 26 ans, Jordan Bardella est le président du premier parti d'extrême droite français et prédestiné à un grand avenir. Mais il doit sans cesse se confronter à un autre prodige de la politique : le jeune Premier ministre Gabriel Attal, qui...