XXIV. Réunion de familles

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Gabriel se réveilla, surpris de ne pas être seul dans son lit. Il ne se rappelait plus comment il était arrivé là. Il était adossé à quelqu'un d'autre, incapable de savoir de qui il s'agissait. Gabriel n'osait pas se retourner de peur de retrouver Stéphane à ses côtés. Des souvenirs confus d'une soirée avec Jordan lui revenaient. "Gabriel ? Quelle heure est-il ?". Il reconnut immédiatement la voix grave de Jordan, et se retourna soudainement pour le prendre dans les bras. Celui-ci fut tiré du sommeil par cette étreinte et lui adressa un sourire endormi. La lumière de l'aube baignait la chambre d'une chaleur douce qui les enveloppait tous les deux. Ils auraient voulu faire durer cet instant, mais leurs obligations devaient les arracher à ce désir.

"Alors, quelle heure?" répéta Jordan en sortant du lit. La journée était déterminante pour le futur. Dans quelques heures, un nouveau gouvernement serait annoncé. Ils étaient eux-même attendus au plus vite pour voter dans leurs circonscriptions respectives, et ne pouvaient donc pas s'accorder plus de temps ensemble. Un léger malaise se mit à planer dans l'air lorsque leur situation professionnelle redevint le centre de leur existence. Ils devaient se dire au revoir, en sachant que leur prochaine rencontre se ferait en tant qu'adversaires.

Alors que Jordan s'apprêtait à partir, Gabriel attrapa la manche de sa chemise. Jordan frissonna en sentant le contact de sa peau contre la sienne. "Eh, attends, ta cravate est de travers.". Gabriel fit glisser le tissu le long de ses doigts pour la dénouer, avant de refaire le nœud plus adroitement. Ses mains effleuraient le cou de Jordan qui n'osait rien dire, perdu dans la contemplation de celui qu'il aimait.

Une intuition terrible leur soufflait à tous les deux que cette soirée serait sûrement la dernière à se dérouler aussi parfaitement. La boule au ventre, il n'arrivait pas à amorcer son départ. "J'ai peur que ça se passe mal" avoua-t-il à regret "Promet moi qu'on se reverra comme ça, sans obstacles." supplia-t-il en le regardant intensément. Gabriel, qui s'apprêtait à laisser retomber la cravate le long de sa chemise, l'agrippa fermement pour attirer Jordan contre ses lèvres. Il voulait lui signifier qu'il l'aimait, vraiment, qu'il resterait avec lui qu'importe les résultats. Il était conscient du point de bascule vers lequel il se dirigeait inexorablement sans pouvoir faire quoi que ce soit pour l'en empêcher. Et la sensation tangible du corps de Jordan lui apparaissait en cet instant comme la seule certitude à laquelle se raccrocher. "Je suis comment ?" demanda Jordan nerveusement. "Parfait." répondit Gabriel, avant de l'embrasser une dernière fois.

Gabriel resta seul dans l'appartement. Un chauffeur devait venir le chercher pour l'amener au bureau de vote dans la matinée. Puis il se rendrait à Matignon comme d'habitude afin de prendre les décisions qui ne pourraient pas attendre le lendemain. Il se sentait fiévreux. L'effervescence de la journée ne parvenait pas à lui rendre son dynamisme. Dans l'après-midi, il reçut un appel de Macron lui demandant de se rendre en urgence à l'Elysée. Il sut aussitôt qu'il ne serait plus Premier Ministre.

Dès son arrivée à l'Elysée, Macron le fit venir dans son bureau. Il abordait une expression sévère, loin des larges sourires qu'il décochait habituellement. Le ventre noué, Gabriel le suivit en silence. La porte s'ouvrit et il croisa aussitôt le regard brun vif de Jordan, qui se tenait debout aux côtés d'une Marine Le Pen triomphante. « Bonjour Monsieur le Premier Ministre. Enfin, ex-Premier Ministre. » jubila-t-elle en gloussant. La mâchoire de Jordan se contracta et il détourna les yeux lorsqu'il s'avança pour lui serrer la main. « Bonjour Monsieur Attal. » dit-il simplement d'une voix neutre.

Gabriel sentit une envie de vomir monter violemment en lui et son coeur accélérer. Mais il devait garder la face et articula un sourire crispé pour se donner contenance. Macron les fit asseoir dans un carré de fauteuils. Gabriel faisait face à Jordan mais n'osait pas le regarder, mobilisant ses forces restantes pour être attentif aux paroles du Président.

Un point partout (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant