LIV. Esquisse

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Le lendemain, Gabriel se réveilla en sursaut, ayant cauchemardé toute la nuit de ce que les médias diraient de leur épisode dans le musée. Il imaginait déjà les gros titres et surtout leur cavale qui en découlerait. Il se saisit immédiatement de son téléphone pour regarder les nouvelles concernant le musée de la Défense. Il faisait défiler les articles à toute vitesse, cherchant en priorité les premières de couverture, scrutant l'apparition de son visage.

Mais il n'y avait pas un seul article concernant leur soirée de la veille. Gabriel fronça les sourcils. Il était évident que la police avait été appelée. Et comme tout fait divers, il aurait dû largement être documenté depuis ce matin. Ça aurait même dû commencer dans la nuit. Il fouillait chaque journal, presse people, en vain. Il n'y avait aucune trace de leur tentative de vol. Jordan se réveilla à son tour, cherchant à se rapprocher de son amant en posant sa tête contre son torse à la recherche d'une étreinte matinale. Gabriel lui caressa les cheveux pour essayer de contenir son inquiétude, tout en gardant son téléphone à la main. "Jordan. C'est très étrange, il n'y a aucun article dans le journal sur nous. Il n'y a rien, pas un mot. Je ne sais pas par quel miracle..." souffla-t-il, les yeux écarquillés.

"Ils ne nous ont peut-être pas reconnus, voilà tout." répondit Jordan encore endormi. "Non c'est... il n'y a aucun article sur la tentative de vol." précisa Gabriel, en tapotant frénétiquement sur son clavier. Jordan se redressa pour constater à son tour qu'il n'y avait rien. C'était impossible. Ils avaient laissé des traces visibles de leur infraction, des gardes les avaient vu. "Peut être que la chance est de notre côté ?" exposa Jordan sans y croire une seconde. "Je dois vérifier ça. Je vais retourner au musée au plus vite." annonça Gabriel en se levant.

"J'aurai bien voulu t'accompagner mais j'ai un discours à écrire pour ce soir." l'informa Jordan en se levant péniblement. Gabriel se fendit d'un rictus. "C'est sur quoi ?" interrogea-t-il avec curiosité. "Un musée sur l'armée française, plus particulièrement les armes de guerre. Un truc ultra-nationaliste." souffla Jordan tandis qu'il boutonnait sa chemise. Gabriel se mit à rire. "Alors c'est fait pour toi." plaisanta-t-il. Au lieu de s'en amuser, Jordan s'offensa immédiatement. "Arrête ça tu sais qu'en réalité je suis de moins en moins nationaliste... En attendant je ne sais pas quoi écrire." confessa-t-il, découragé.

"Je sais pas.. t'as qu'à en faire des caisses. Comparer les armes à des œuvres d'art qu'on se doit de protéger et faire l'éloge de la Nation." ironisa Gabriel, laissant échapper un rire clair en s'imaginant l'absurdité d'un tel discours. "Ouais bon... je crois que je vais m'en sortir tout seul." répliqua Jordan, sceptique.

Il se leva pour se faire un café et s'attela au travail. Depuis un certain temps, il ne parvenait plus à formuler ses idées correctement. Il voyait toutes les failles du discours qu'il avait toujours porté et était devenu incapable d'écrire une allocution qui satisferait ses électeurs. Ses doigts trépignaient sur son clavier, trahissant son impatience et sa nervosité. Finalement, les paroles de Gabriel lui revinrent en tête. En faire des caisses. C'était bien ça qu'on lui avait toujours demandé de faire non ? Ce rôle de mascotte le lassait. Il soupira avant de se mettre à taper une énumération de poncifs et d'éléments de langages appris par coeur.

Gabriel sortit de la douche pour se rendre au musée, non sans craintes. Il savait qu'il devait faire preuve de la plus grande prudence car il aurait pu s'agir d'un piège n'attendant que lui. Le musée était inchangé. Aucun signe d'une intervention policière. Gabriel regardait autour de lui, incrédule et surtout inquiet d'un pareil retournement de situation. Il s'avança calmement dans le musée, cherchant immédiatement à rejoindre la salle qu'il avait quitté la veille. Les gens ne portaient pas attention à lui, trop occupés à contempler les multiples œuvres d'art remplissant la pièce.

Gabriel s'arrêta net en constatant que rien avait bougé. Le bloc de verre dont il avait ordonné la coupe était impeccable, sans une rayure pour sa plus grande surprise. Et le tableau était là, intact. Il commença à inspecter la pièce. Que s'était-t-il passé après leur départ ? Gabriel crût un instant perdre sa sanité. Avait-t-il inventé cette histoire de toute pièce ? Désorienté, il saisit son téléphone pour appeler Jordan. Celui-ci décrocha immédiatement. "Jordan ? Qu'est-ce qu'il s'est passé hier ?" interrogea-t-il, empressé. "Comment ça qu'est-ce qu'il s'est passé hier ?" demanda Jordan d'un ton d'étonnement.

"Réponds à ma question." ordonna Gabriel d'un ton impératif. "Tu veux parler de ta crise? Ou alors du moment où t'as tellement mal coupé la glace que j'ai failli tout faire tomber par terre?" repondit-t-il, amusé par l'absurdité de sa question.

" Alors ça s'est vraiment passé..." soupira Gabriel, soulagé. "J'avais l'impression d'être devenu fou, le musée n'a pas changé. Il n'y a aucune trace de ce qu'on a vécu hier. Y'a pas une trace sur la glace et le tableau est là." renchérit Gabriel, stupéfait. "Faut se rendre à l'évidence, il y a des gens qui passent derrière nous et pas n'importe qui. Il faut absolument que tu te mettes en sécurité dans un hôtel et je te promets de te rejoindre après ma soirée."

Gabriel fronça les sourcils. "Tu as sûrement raison, mais vu l'ampleur que ça prend, je vais devoir aller chercher des affaires chez moi." expliqua Gabriel. "Non. Il faut que tu ailles directement directement à l'hôtel, je t'assure que c'est trop dangereux." avertit Jordan, inquiet. "Je ferai du mieux que je peux." promit Gabriel, en sortant du musée.

Jordan raccrocha avec nervosité. Il aurait voulu rejoindre Gabriel directement, mais il devait partir pour la soirée. Une voiture l'attendait près de son emplacement. En montant, il se rendit compte qu'un de ses conseillers allait l'accompagner pendant la soirée, ce qu'il n'avait pas du tout prévu. "Bonjour Monsieur Bardella, vous vous sentez prêt pour ce soir ?" demanda-t-il en le voyant entrer dans le véhicule. "Oui ça devrait être bon. Quelles sont les nouvelles ?" interrogea Jordan, priant pour qu'il n'y ait aucune mention des évènements de la veille.

"Et bien en France pas grand chose, mis à part quelques émeutes violentes vers Lille. Sinon dans le reste du monde, l'Afghanistan a lancé une offensive contre le Pakistan il y a quelques jours. Ça risque fort de dégénérer vers une guerre prochainement. Le ministre des affaires étrangères conduit des négociations pour éviter ça. Vous n'étiez vraiment pas au courant?" demanda Daniel, surpris. "Euh... j'ai été en déplacement ces dernières semaines, je n'étais plus très au coeur de l'actualité." souffla-t-il, rassuré. Alors leur incident de la veille n'avait bel et bien pas fuité.

Les deux hommes finirent par arriver au palais dans lequel la soirée devait prendre place. Dès son arrivée, Jordan fut acculé de journalistes oppressants qui cherchaient à savoir la raison exacte de son absence des dernières semaines. Il essayait de rester calme malgré l'agacement qui montait en lui. Lui qui avait toujours adoré être sous le feu des projecteurs se rendait compte après cette période de tranquillité médiatique qu'il ne supportait plus de devoir afficher un sourire artificiel en permanence. Il réussit tant bien que mal à s'extraire de la foule et à entrer dans le bâtiment.

Plusieurs politiciens dont certains de ses amis venaient prendre de ses nouvelles. Soudainement il sentit une main se poser sur son épaule, l'obligeant à se retourner pour découvrir à qui elle appartenait.

"Bonsoir, je ne crois pas que nous ayons déjà eu l'occasion de nous parler en face-à-face. Je me présente, Juan Branco." 

Un point partout (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant