LXV. Oppositions

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Gabriel le regardait toujours depuis l'encastrement de la porte, incapable de simplement partir sans se retourner. Jordan le suppliait du regard, impuissant, prisonnier de ses propres actions. Gabriel savait que s'il le laissait là, Jordan serait définitivement hors de portée. Les employés arriveraient et constateraient que les bijoux avaient été volés et Jordan serait pris pour un coupable alors qu'il n'avait rien fait

Si je te libère... tu me promets que tu n'essaieras pas de reprendre les colliers ?, soupira Gabriel sans croiser son regard, trop absorbé par les sentiments contradictoires déferlant en lui.

Pourquoi tu ferais ça ?, souffla Jordan en fronçant les sourcils.

Gabriel le regardait intensément sans arriver à répondre. Qu'est-ce qui l'empêchait de le laisser ici ? Pourquoi n'arrivait-t-il qu'à l'amener au bord du précipice sans jamais le pousser ? Le cœur de Gabriel s'accélérait au fur et à mesure qu'il perdait du temps à peser le pour et le contre. Darmanin l'attendait. Sa montre indiquait qu'il devait être de retour dans 2 minutes. Le temps jouait contre lui, il le savait.

Je... murmura Gabriel sans savoir où il voulait en venir.

Pitié Gabriel, ne me dis pas que tu m'aimes. Pas maintenant. Pas après tout ce que tu m'as fait, supplia à peine audiblement Jordan, sa voix brisée par le flot de larmes qui montait en lui.

Gabriel se coupa net dans ses pensées. C'était ça. La chose qui l'empêchait, qu'il n'arrivait pas à s'avouer depuis des mois. Il l'aimait toujours. Voilà pourquoi il n'arrivait jamais à l'abandonner. Gabriel le regarda dans les yeux quelques secondes sans dire un mot avant de se diriger vers lui et de couper les liens qui le retenaient. Jordan se releva subitement pour le poursuivre. Mais Gabriel était déjà loin, honteux, fuyant comme d'habitude.

Ce dernier se frayait un passage entre les invités, son visage déformé par la panique qui l'envahissait. Des larmes au bord de ses yeux menaçaient de tomber et il savait pertinemment qu'une fois détachées, il ne pourrait plus s'arrêter de pleurer. Il murmurait des paroles incohérentes dues au stress qui s'emparait de lui. Il rejoignit Stéphane qui discutait avec d'autres personnes.

Stéphane je... j'ai... je l'ai... tu..., murmura-t-il son regard alternant entre lui et le sol.

Stéphane prit un air gêné en regardant les autres invités avant de prendre Gabriel pour le guider par les épaules dans un endroit où ils seraient loin des autres. Des larmes coulaient à flots sur ses joues, sans qu'il puisse les arrêter. Stéphane n'était pas dupe et avait gardé un œil sur Gabriel et avait évidemment vu Jordan le poursuivre alors qu'il venait de sortir de la salle de stockage.

Qu'est-ce qu'il se passe ?, demanda Stéphane tout en s'asseyant auprès de lui.

Je... je ne sais pas, souffla Gabriel, incapable de lui révèler la scène qu'il venait de vivre.

Il faut que tu me le dises ou je vais devoir prévenir nos supérieurs de cet ép...

Non ! Pitié tout mais pas ça !, l'interrompit Gabriel en se redressant subitement.

Alors il faut que tu avoues sinon...

C'est... J'ai revu Bardella et...

Et quoi ?, demanda Stéphane en haussant le ton.

Gabriel releva la tête pour apercevoir l'expression de colère qui se dessinait sur le visage de Stéphane. Sa peur qu'il lui fasse du mal se réveilla et l'empêcha de dire la vérité qu'il n'arrivait pas à s'avouer au fond de lui.

Et je ne sais pas ça m'a troublé, c'est tout, répondit Gabriel en baissant les yeux.

C'est tout ?, répéta Stéphane en se relevant pour le surplomber. C'est tout ?, répéta-t-il encore en augmentant le volume de sa voix. C'est tout !?, cria-t-il dans cette salle où personne ne pouvait les entendre. Gabriel sursauta. Personne ne viendrait le sauver. Si dans un accès de colère Stéphane essayait de le tuer, personne ne viendrait l'aider. Peu importe la puissance de ses appels à l'aide.

Si tu me dis que tu es encore attaché à ce type je vais te..., souffla Stéphane s'interrompant lui-même, gagné par la colère. Il s'accroupit près de lui caressant la joue de Gabriel avec sa main donnant des nausées à ce dernier.

Je..., murmura Gabriel. L'emprise de sa main se resserra pour planter ses ongles dans la peau de ses joues.

C'est moi que tu aimes Gabriel. C'est moi. Personne d'autre, chuchota-t-il en se rapprochant de lui.

La peur s'emparant de lui, Gabriel acquiesça lentement sans le regarder. L'état de vulnérabilité dans lequel il se trouvait l'empêchait de se réarmer du courage dont il avait fait preuve quelques jours plus tôt los de sa rencontre avec Stéphane.

Je savais que tu n'avais pas autant changé que ce que tu prétendais, susurra Stéphane en prenant ses joues pour l'obliger à l'embrasser.

Gabriel essayait de reculer pour l'empêcher de se rapprocher mais il se heurta au mur.

Laisse toi faire... Ce sera beaucoup plus facile, souffla Stéphane en glissant sa main sur son cou, dernier signe de son emprise totale sur Gabriel.


Jordan s'écarta du bâtiment, les larmes aux yeux, chamboulé par sa rencontre avec Gabriel. Il avait l'envie brûlante de retourner le chercher mais il savait que cela ne changerait rien à leur situation. Il retourna précipitamment chez lui avec des respirations irrégulières, et chercha dans sa poubelle le cendrier qu'il avait jeté plus tôt. Il était brisé en deux. Jordan prit chacune des parties et courut dehors comme si l'air était devenu irrespirable. Il alluma maladroitement une cigarette du nouveau paquet qu'il venait d'acheter sur le chemin. En l'inhalant, il crut enfin sortir la tête de l'eau, les souvenirs de leur amour avec Gabriel rejaillissant de la surface, créant une chaleur au fond de lui. Mais ses pleurs reprirent de plus belle alors qu'il ressentait en parallèle pleinement le manque qu'il comblait depuis des mois avec des amis, de l'alcool et des comportements à risques. Le trou dans son cœur qu'avait laissé Gabriel.

Il se rendit compte de l'insupportable fatalité que Gabriel était sûrement le seul à pouvoir le combler et pourtant il n'arrivait pas à oublier le cauchemar qu'il lui avait fait vivre. Et c'était ce qui était le plus difficile pour lui : il l'aimait autant qu'il le haïssait.

Dans un silence comblé uniquement par le sons de ses pleurs, son téléphone sonna, c'était Branco. 

Un point partout (Attal x Bardella)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant