7. Mardi 14 Novembre - Léandre

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~ Valentine - Maneskin ~

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 Je regarde Calypso, relire une énième fois cette lettre, à travers la vitre de son bureau.

Toujours le même manège.

Elle prend la lettre, la lit du début à la fin, prend une grande respiration, la repose, et fixe le vide.

Elle ne cligne presque pas des yeux, réfléchit, analyse, repense, avant de se rendre compte qu'elle n'a rien.

Et là, elle reprend la lettre, et recommence.

Je comprends pourquoi elle ressent ce besoin de rester active.

Cette sensation d'avoir un rôle à jouer, mais ne pas savoir lequel.

Je suis assis sur le bureau de Valéria, dans l'open space.

Je balance mes pieds dans le vide, histoire de ne pas péter les plombs moi non plus.

Non loin de moi, Blanchard tape frénétiquement sur son clavier, le dos droit.

J'ai l'impression qu'on devient tous fous.

Hier, la psychiatre a reçu un doigt, que j'ai été chargé d'autopsier dans l'urgence.

Comme s'il y avait beaucoup de choses à voir, avec seulement un doigt.

Et depuis, rien ne tourne plus rond.

Ou peut-être que c'est mon point de vue?

Au moment où Valéria me rejoint, Calypso s'arrête de lire, puis fixe le vide face à elle encore une fois.

Sauf que cette fois-ci, son regard dévie sur nous, nous détaillant par la fenêtre.

Enfin, elle se lève, et viens nous rejoindre en traînant ses jambes dans la pièce.

Son corps n'est plus que l'ombre d'elle-même.

Je ne lui ai pas parlé depuis.

A vrai dire, seule Valéria a pu l'approcher, et elle n'en a pas tiré grand-chose.

Calypso est restée mutique, ses yeux fixant constamment le vide, refusant totalement la situation et les gens autour d'elle.

Sortir de son bureau était jusque là une épreuve.

Elle qui a toujours caché ses émotions à tout le monde, là on sait tous qu'elle souffre énormément, bien que son visage reste continuellement passif.

Elle s'avance vers nous, toujours dans cette élégance dont elle seule a le secret.

La psychiatre porte une jupe à carreaux marron plissée par-dessus une chemise rentrée noir qui met en valeur ses clavicules.

Des bijoux or ornent son cou et ses poignées, des bagues jonchent chacun de ses doigts ainsi que de nombreux piercings qui remontent le long de ses oreilles.

Tout bonnement parfaite.

Du moins jusqu'à ce qu'elle vous regarde comme si elle voulait vous tuer ou qu'elle insulte tout votre arbre généalogique depuis les premiers humains.

Ce ne sera visiblement pas le cas aujourd'hui.

Le commissariat entier sait qu'elle vit mal la situation certes, mais surtout son épuisement et sa tension sont palpables dans l'air.

Elle est restée ici toute la nuit, probablement en relisant éternellement cette lettre.

Mais, elle rassure tout le monde en trouvant le moyen de rester sublime, une tenue impeccable et une odeur renversante.

Affectionately YoursOù les histoires vivent. Découvrez maintenant